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09 / 02 / 2018 | 24 vues
Didier Cozin / Membre
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La formation, c'est l'anticipation ; pas la réparation...

Avant de vouloir parfaire ou rectifier ce monument paritaire (en péril) qu'est le compte personnel de formation, il faut comprendre ce qui a prévalu à son invention, sa construction et sa mise en œuvre.

Le diagnostic de formation qui prévalait en 2013 était largement faux ou biaisé.

La formation ne serait pas allée à ceux qui en auraient le plus besoin (chômeurs, jeunes en insertion, travailleurs des TPE etc.), elle aurait été un gâchis de ressources (32 milliards) et inadaptée aux besoins des travailleurs.

Ce constat est peut-être en partie exact mais il a confondu les conséquences (une culture de formation largement absente dans notre pays) avec ses symptômes (une formation insuffisante en termes de qualité et de quantité).

Le chômage n'est évidemment pas non plus la meilleure période pour se former et apprendre. 

La formation, c'est l'anticipation ; pas la réparation...

Même si le temps semble ne pas manquer aux chômeurs pour se former, il est malgré tout préférable de se former pendant que l'on a (encore) un emploi (le soutien d'un employeur pour se former est déterminant pour la motivation, les perspectives d'évolution et l'accompagnement des apprentissages) plutôt que d'attendre passivement de le perdre. 

La formation doit être un outil de prévention et d'anticipation des difficultés professionnelles mais on en a fait un outil politique au service du traitement (social et statistique) du chômage depuis les années 1980.

La réforme de 2014, qui a fortement associé le CPF et la formation des chômeurs, a donné à beaucoup l'impression que la formation ne serait pas continue, ni une dynamique vers la compétence mais un cumul, une épargne personnelle de précaution avec des heures que l'on thésauriserait jusqu'à un accident de parcours professionnel (le chômage).

  • Le système de capitalisation et de cumul variable d'heures au fil du temps n'incite ni à la fluidité ni au renouvellement régulier des départs en formation mais à la procrastination.
  • Les résultats du plan massif de formation de 500 000 chômeurs de 2016 n'ont pas démontré d'améliorations significatives sur le front (la fameuse courbe) du chômage. 
  • Concernant les jeunes sans éducation, sans formation, ni emploi (les NEET qui seraient entre 1,7 et 2 millions en France) le problème n'est pas de refaire l'école à ceux qui en ont déjà « bénéficié » pendant une quinzaine d'années (de l'âge de 3 à 17 ans) mais de comprendre pourquoi l'école et les lycées professionnels fonctionnent si mal aujourd'hui et de tenter d'y remédier rapidement (transformer radicalement le système scolaire pour qu'il s'adresse à nouveau à tous, sans dégoûter personne d'apprendre).
  • Pour les salariés des PME/TPE, les difficultés de formation n'étaient que très marginalement liées à des problèmes de financement de leur formation. Une étude officielle a démontré que les coûts de la formation n'entraient qu'en cinquième position pour expliquer la faible diffusion de la formation dans les petites structures (c'est le temps qui manque d'abord dans ces petites structures).

Le CPF ne sert à rien ou presque en entreprise (0,9 % de réalisation) et, au fil du temps, son avenir pourrait encore s'assombrir.

Comme le démontrent toutes les études et enquêtes officielles (IGAS en octobre 2017 et DARES en janvier 2018), le CPF n'a, en trois années de déploiement (2015 à 2017), rien apporté aux salariés des entreprises, n'a sécurisé ni les emplois ni les individus, ni apporté aucun avantage par rapport à son prédécesseur (le DIF). En revnahce, il a contribué à réduire l'effort de presque toutes les organisations, en déstabilisant l'ensemble du système de formation depuis les entreprises jusqu'aux organismes de formation en passant par les OPCA

La réforme de 2014 : moins d'argent pour la formation des salariés, plus de complexité et un attentisme généralisé

Dans un pays où la création de richesses repose sur un secteur privé concurrentiel fragile et marginalisé, retirer des fonds de formation aux employeurs pour alimenter la formation des chômeurs n'était ni pertinent, ni adapté à l'économie de la connaissance.

La formation n'est pas une monnaie d'échange sociale.

Tant que nous considérerons la formation comme une monnaie d'échange sociale, le prétexte à engager de pseudo-dialogues entre des « partenaires » qui n'ont aucun langage commun, la formation continuera d'errer de dispositifs en dispositifs, de sigles en sigles (CPF, CPA, CEC, CEP, CIF, OPCA, CNEFOP, COPANEF, FPSPP...) sans que personne ne parvienne plus à l'utiliser, ni même à la comprendre.

Pour développer la formation en France, il faudra de l'audace et du courage.

  • Remettre en question le principe même de la mutualisation des fonds (mélanger 5 % des sommes nécessaires à une généralisation de la formation n'apporte aucune solution mais alourdit et complique le système).
  • Faire participer chaque travailleur à sa formation (un travailleur adulte n'est pas un enfant mineur qui a besoin d'être constament guidé et subventionné).
  • Mettre le prix (financier mais aussi en termes de temps des apprentissages) pour une formation qui devrait occuper 10 % du temps travaillé.
  • Remettre en question les systèmes d'avancement à l'ancienneté, de grilles, d'indices pour libérer le travail, les travailleurs et leurs apprentissages.

Sans mobilité, simplicité, fluidité, et responsabilisation des travailleurs, la formation restera ce éternel jeu de dupes pour initiés déjà qualifiés et compétents.

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