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11 / 07 / 2014 | 17 vues
Françoise Phelix / Abonné
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L'Observatoire national de la pauvreté se penche sur les effets d'une crise économique de longue durée

Le rapport au titre de 2013-2014 sur les effets d'une crise économique de longue durée élaboré par l'ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale) aborde en fait :

- dans une première partie, les évolutions et caractéristiques de la pauvreté en France selon les données les plus récentes, celles de 2012 ;

-dans une seconde partie, c'est la pauvreté et l'exclusion sociale en Europe qui font l'objet d'une analyse approfondie, notamment dans la perspective de la stratégie Europe 2020, dont on sait que les objectifs de réduction de la pauvreté ne seront pas atteints.

Depuis 2008, la France et l’Europe traversent la plus grave crise économique de l’après guerre. Débutée dans le secteur financier, elle s’est progressivement élargie à l’économie réelle. Le marché du travail s’est fortement dégradé, entraînant une destruction d’emplois importante et une hausse du chômage, ce qui a eu de profondes répercussions sur la pauvreté en France, comme dans les autres États de l’Union européenne.  

En France, la prolongation de la crise accentue les risques de rupture sociale de certains publics.

La crise s’est accompagnée d’une accentuation des inégalités. En hausse depuis le milieu des années 2000, les inégalités de revenu et de patrimoine progressent, ce qui augmente les risques d’immobilité sociale. À l’exception de la pauvreté en conditions de vie qui montre une tendance à l’amélioration, tous les indicateurs pointent, depuis 2008, une dégradation de la situation des personnes les plus modestes.

Le nombre de « personnes en situation de pauvreté monétaire » a augmenté à partir du milieu des années 2000. Mais cette hausse s’est nettement accélérée depuis 2008 pour toucher plus de 8,7 millions de personnes en 2012 (soit 14,3 % de la population) (*). Ceci témoigne d’un élargissement de la pauvreté à des publics jusqu’alors épargnés. Le nombre d’allocataires des minima sociaux a également suivi une pente ascendante pour toucher 2,8 millions de personnes d’âge actif, fin 2012.

Aggravation

En revanche, la pauvreté « en conditions de vie » montre une évolution inverse que l’on constate même pour les personnes les plus pauvres. Ainsi, la pauvreté en conditions de vie des personnes appartenant au groupe des 10 % des personnes les plus pauvres est passée de 40 % en 2008 à 34 % en 2012, au moment même où les associations qui œuvrent sur le terrain signalent une aggravation des conditions de vie des personnes accueillies.

L’intensification de la pauvreté et les risques d’irréversibilité des situations de pauvreté constituent un autre phénomène marquant de la période. En effet, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté à 50% du niveau de vie médian a augmenté de manière importante en comparaison avec la hausse du nombre de personnes situées sous le seuil à 60 % (respectivement +575.000 et +694.000 entre 2007 et 2011). Ainsi, depuis le début de la crise, la hausse de la pauvreté mesurée au seuil de 60 % du revenu médian s’explique en grande partie par celle des personnes situées sous le seuil à 50 %. De même, l’intensité de la pauvreté (qui reflète les écarts de situation parmi les pauvres) est passée de 18,2 % en 2007 à 19,1 % en 2011.

Enfin, un nombre accru de personnes d’âge actif s’est éloigné durablement de l’emploi, augmentant ainsi le risque d’irréversibilité des situations de pauvreté.

L’ensemble de la population n’est pas touché de façon homogène par l’augmentation de la pauvreté quel qu’en soit le seuil. Les familles monoparentales et les jeunes sont les premières victimes de cette crise de longue durée et les chômeurs ont un taux de pauvreté quatre fois plus important que les personnes en emploi.

La pauvreté n’affecte pas non plus l’ensemble du territoire de manière identique.

L’objectif de réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale fixé en 2010 par l’Union européenne ne pourra pas être atteint.

Les difficultés rencontrées par les pays européens depuis le début de la crise ont mené l’Union européenne, en accord avec les États membres, à définir une nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté pour la période 2010-2020. Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, l’Union européenne s’est fixé comme objectif de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes « en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale » entre 2010 et 2020. Les États membres ont diversement transcrit cet objectif européen en engagements nationaux, souvent en retrait au regard de l’objectif européen. La somme de ces engagements nationaux, de l’ordre de 12 à 15 millions, restait très en deçà de l’objectif global européen.

La France, pour sa part, s’était donné un objectif de réduction de 1,6 million du nombre de personnes en situation de pauvreté monétaire ou d’exclusion sociale sur cinq ans (entre 2007 et 2012), en cohérence avec l’objectif retenu à l’époque de réduction d’un tiers de la pauvreté ancré dans le temps. Aujourd’hui, l’objectif français exprimé dans le cadre européen par le plan national de réforme 2014 consiste en une réduction de 1,9 million sur dix ans du nombre de personnes pauvres ou exclues (données 2017), soit 1/6ème des 11,2 millions dénombrés en 2007.

Avec la crise, ni l’objectif global fixé au niveau européen pour la tendance 2007-2017, ni même les engagements nationaux plus modestes ne paraissent atteignables. Depuis 2008, le nombre de pauvres ou d'exclus s’est en effet accru au sein de l’Union européenne de 6,4 millions, en plein contraste avec un objectif de baisse en tendance de 8 millions. 

Dès lors, atteindre l’objectif européen supposerait une diminution de 4,4 millions de personnes par an aux cours des six prochaines années, ce qui semble hors de portée désormais. 

Si l’on s’en tient aux indicateurs retenus dans la stratégie Europe 2020 (pauvreté monétaire, pauvreté en conditions de vie et faible intensité d’emploi), la France, comparativement à d’autres pays, connaît une évolution plutôt limitée de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Entre 2008 et 2012, la France a enregistré une dégradation de près de la moitié des 22 indicateurs retenus. Ce tableau de bord pointe clairement le fait que c’est l’indicateur de faible intensité de travail des ménages qui tire à la baisse l’indicateur synthétique.

Rôle des stabilisateurs

En Europe comme en France, les femmes enregistrent un taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale systématiquement plus élevé que celui des hommes. Il en va de même pour les jeunes de moins de 30 ans et les familles monoparentales. Par ailleurs, les personnes éloignées du marché du travail, principalement les chômeurs, sont plus fortement touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale.

L’augmentation du nombre de personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion sociale a été limitée en Europe grâce aux stabilisateurs automatiques qui ont pleinement joué leur rôle en début de période. Les prestations sociales, sous et sans conditions de ressources, ont ainsi largement servi d’amortisseurs à la crise. Néanmoins, avec la mise en place des politiques de consolidation et, pour certains pays, de très lourdes restrictions budgétaires, les dépenses de protection sociale ont stagné en 2010 puis diminué en 2011, alors que la situation sociale ne s’est pas améliorée. L’effet des stabilisateurs automatiques sur la croissance, très marqué en 2009, s’essouffle donc puis devient négatif en fin de période. La rationalisation des dépenses depuis 2010 a affecté toutes les composantes de la protection sociale, y compris celles destinées à l’assistance et à l’indemnisation du chômage.

L’Union doit non seulement agir sur les déséquilibres économiques mais également sur les déséquilibres sociaux. Il convient dès lors que politiques sociales et économiques soient mieux intégrées dans un ensemble européen cohérent et que les politiques sociales ne soient pas conçues principalement comme un outil d’intervention à vocation réparatrice.

(*) Taux de pauvreté mesuré au seuil de 60 % du niveau de vie médian.

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