Participatif
ACCÈS PUBLIC
08 / 03 / 2016 | 3 vues
Didier Cozin / Membre
Articles : 167
Inscrit(e) le 23 / 07 / 2012

L'entretien professionnel : premier échec de la loi sur la formation du 5 mars 2014

Deux ans après la publication officielle de la loi (votée en février 2014), les preuves de ses effets délétères sur la formation se multiplient et les communiqués de victoire du ministère du Travail ne pourront rien y changer : la réforme de la formation de 2014 a été à la fois une erreur de timing, de casting et de diagnostic, un rideau de fumée qui n'est pas prêt de se dissiper sur le monde du travail.

L'entretien professionnel obligatoire prévu dans la loi avait une première échéance fixée en mars 2016.

Cet entretien bisannuel (qui devait donc se tenir avant le 6 mars 2016) ne s'est pas tenu ou n'aura eu aucun effet sur la formation des salariés.

Depuis le 5 mars 2014, tout salarié est censé bénéficier tous les 2 ans d'un entretien professionnel.

Obligatoire, il concerne tous les salariés de l'entreprise quelle que soit la nature de leur contrat (CDI, CDD, contrat aidé, contrat de professionnalisation ou contrat d'apprentissage) et quelle que soit la taille de l'entreprise (dès le premier salarié donc).

Les résultats de ces premières « vagues » d'entretiens ne seront pas connus (les 3 entretiens bisannuels sont censés être contrôlés et évalués par les OPCA pour le compte des pouvoirs publics) avant mars 2020.

Les résultats officieux des premiers entretiens professionnels

1) Dans les PME/TPE de moins de 50 salariés, les entretiens professionnels sont ignorés par une très grande majorité d'entreprises (pas de sanctions financières en deçà de 50 salariés, donc le signal que l'entretien ne serait pas obligatoire dans les PME).

2) Pour les salariés précaires : aucun entretien non plus puisqu’en CDD, en intérim ou lors de contrats courts, personne n'est capable de tracer le rythme d'un entretien tous les 2 ans ni même de savoir si lors de l'un des innombrables contrats, celui-ci a pu être organisé (qui collecterait et vérifierait les trois entretiens sur six ans, qui serait pénalisé après 6 ans passés et des dizaines d'entreprises visitées ?).

3) Dans les grandes organisations (entreprises et associations) : l'entretien professionnel (qui était par ailleurs obligatoire depuis 2004) n'a été organisé au mieux que pour 50 % des salariés (moins de 20 % encore à l'automne 2015). Cet entretien ne se distinguant guère de celui qui précédait depuis 2004, c'est-à-dire un entretien annuel sur lequel on greffe un vague formulaire de demande de formation (et au mieux, un dialogue expédié en 15 minutes).

La loi stipulait que l'entretien professionnel devait se tenir à un autre moment de l'année que l'entretien annuel (« à un moment distinct »). Les entreprises ont joué sur les mots et l'entretien professionnel succède en général à l'entretien annuel d'évaluation (il était de toute manière impossible de mener ces deux entretiens simultanément).

Étant donné que l'entretien professionnel normé, tracé et suivi d'effets ne s'est pas déroulé dans une grande majorité des entreprises (sinon il n'y aurait pas eu moins de 3 000 actions de formations CPF réalisées depuis deux ans par les salariés mais au moins un million), les pouvoirs publics (s'ils en avaient les moyens et surtout l'envie) auraient dû, dès cette année, contrôler la mise en œuvre de ces mêmes entretiens professionnels.

Il n'en sera rien car la réforme de 2014 a surtout été l'occasion de repousser loin dans le futur (au-delà de 2020) les questions fondamentales qui taraudent notre pays depuis les années 2000, à savoir sa faible compétitivité, les compétences insuffisantes de nombreux travailleurs (bien moins compétents que dans la moyenne des pays de l'OCDE) et l'effondrement de notre système éducatif.

L'entretien professionnel est le premier échec de la réforme, la première pierre pourtant d'un ANI en décembre 2013 (censé réformer la formation) qui se résume désormais à un rideau de fumée.

Dans une seconde partie de notre bilan après deux années de réforme, nous nous pencherons sur une autre trouvaille de formation des partenaires sociaux et des pouvoirs publics : le conseil en évolution professionnelle (CEP).

Afficher les commentaires

Nous sommes passés d'un système imparfait à un champ de ruines. Vous êtes libre de préférer la nouveauté qui ne marche pas (ou pas avant 10 ans peut être) à l'amélioration de l'existant (qui pouvait marcher avec quelques ajustements). Le mieux aura été une fois de plus l'ennemi du bien.