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08 / 04 / 2022 | 326 vues
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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Quarante d'ans d'engagement syndical, associatif et politique

Quarante années... À l'échelle de l'histoire humaine collective, ce n'est pas grand-chose. À la mesure d'un seul individu, c'est un basculement vers la seconde partie, si l'on pense à sa propre fin. Une modeste cérémonie de remise de médaille d'honneur des chemins de fer par le président du groupe SNCF permet de remercier.

Personnellement, cela a été l'occasion d'une modeste « cérémonie » de remise de la médaille d'honneur des chemins de fer (échelon « or » 38 années de service au sein de la SNCF). Cet honneur a été double parce que le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou (cheminot « première langue » depuis 1981 et me précédant d'un peu plus d'une année), m'a fait l'amitié de me remettre ce petit ruban. J'ai également souhaité associer ma collègue Sabine (de la fondation) qui était aussi récipiendaire pour la même durée.

Mardi 1er février 2022 (direction du groupe SNCF, Campus Étoiles, La Plaine-Saint-Denis)

Intervention de Rémi Aufrere-Privel
 

« Monsieur le président, cher Jean-Pierre,

Mesdames, Messieurs,

Aucun d’entre vous n’est ici par hasard. Chacun a partagé et partage encore des activités et des émotions avec moi.

Les occasions de réunir des gens d’horizons très divers sont rarissimes. Il existe les événements familiaux comme les mariages et les baptêmes et, dans le cadre plus public, les enterrements.

Les remises de décorations sont l'une de ces rares occasions.

Tout d’abord, une pensée pour mes parents cheminots pensionnés. Mon père est entré à la compagnie aux Ateliers du Matériels de Nevers (A.M.N.) en 1950 comme apprenti, à l’âge de 14 ans, puis chaudronnier, et en 1960 dans la filière administrative, puis chef de groupe. En 1972, la grande régionalisation a eu lieu, avec la fin des arrondissements SNCF, la division transports (DT41), le bureau administratif du dépôt traction de Clermont-Ferrand avec une cessation de fonction en 1991 (après 41,5 années de service).

Ma mère a été embauchée aux CFTA dans les années 1960 (les CFTA qui opèrent toujours un service de transport ferroviaire en Nivernais Morvan). Ma naissance en 1966 et l’absence de congé parental consistant a provoqué la démission de ma mère qui fut reprise comme agent auxiliaire sténodactylo à la SNCF en 1972, au pôle administratif de la région de Clermont-Ferrand (avenue Albert et Elisabeth). En face du siège régional, se situe l’ancien annexe hôpital-prison La Providence, d'où Pierre Mendes-France s'est enfui le 21 juin 1941 (le mur porte une belle plaque commémorative).
 

L’évasion comme premier signe…
 

Je suis entré à la SNCF par le concours d’élève transports-SERNAM en mai 1982, avec une embauche le 13 septembre 1982.

Ma première décision a été de choisir le SERNAM parce que je voulais me consacrer au métier de commercial. Le SERNAM était déjà ouvert à la concurrence par la messagerie et l’affrêtement. Je considérais la règlementation de sécurité ferroviaire un peu rigide. M. Prost, ancien élève transport, était chef de centre de messagerie de Clermont-Ferrand, capitale de notre pays le 29 juin 1940, pendant 24 heures, avant Vichy (défendue par Pierre Laval qui était voisin de la cité thermale dans le canton de Châteldon ; il possédait la prestigieuse source d’eau minérale encore en activité).

En 1983, j'ai rencontré Ivan Dabrigeon qui entrait lui aussi comme élève au centre SERNAM clermontois. Il est aujourd’hui mon coach dans le projet « green belt excellence opérationnelle » sur le développement du travail d’intérêt général à la SNCF.

J'ai quitté le SERNAM en 1987 pour cause de restructuration subie. Ce départ a été pénible car j’avais appris la presque totalité de la règlementation et je ne pouvais me présenter à l’examen d’accès à la maîtrise.

Cette injustice explique en partie mon engagement syndical ultérieur comme second signe.

En 1987, je décidais de demeurer agent sédentaire en intégrant la filière 27 (transport-mouvement) alors que mes goûts me portaient au « contact-clientèle ». J'ai fait le choix de la sédentarité pour faciliter mon engagement politique au sein du Mouvement des radicaux de gauche et du MJRG en juin 1985.

Ainsi, j'ai rencontré d’autres jeunes radicaux à Paris et à Lyon dès janvier 1986 avec Jean-Marc Ambrosini (que certains d’entre vous connaissent), Didier Bruno et Thierry Braillard (qui est devenu adjoint au Maire de Lyon et ministre des sports sous la présidence de François Hollande) et Pierre-Yves Calais, magistrat qui servira au cabinet ministériel du Garde des Sceaux.
 

L’engagement politique, troisième signe
 

Entre 1987 et 1992, Agent Mouvement (AMV) poste 1 Clermont-Ferrand avec 3x8 horaires décalés et un surnom, « Rambo », car je devais mettre mes 60 kg sur le levier 25 du poste pour le manœuvrer. Sans omettre une formule ironique d’un collègue chevronné « toi, tu es fait pour l’amour ou la politique ! ».

À la même époque, j'allais vivre un épisode personnel difficile, suite à un accident routier. J'allais aussi être élu dans ma commune du Cendre (5 000 habitants), au sud de Clermont-Ferrand, en mars 1989. J'allais être élu durant trois mandats (1989-2002), notamment engagé au bureau de la mission locale pour l’emploi des jeunes. Je suis resté promoteur des idées développées par Bertrand Schwartz sur l’insertion des jeunes dans toutes ses dimensions.

J'ai été candidat à la 53e élection européenne en 1994 (liste Énergie radicale), liste composite et étonnante avec notamment Antoinette Fouques (Fondation des femmes et l'une des fondatrices du MLF), Bernard Tapie, Christiane Taubira-Delannon et Noël Mamère. Enfin, une candidature aux élections législatives de 2001 (Pôle Républicain, IVe circonscription du Puy-de-Dôme).

Décembre 1989 a vu mon adhésion à la confédération Force Ouvrière, sous la direction d’André Bergeron puis, dès 1990, avec Marc Blondel.

En 1993, mon directeur d’établissement (EEV Sud Auvergne) ancien élève, dirigeant apprécié par tous ses collaborateurs m'a proposé un poste d’assistant pour la communication du TER Auvergne (qualification D). Il s'agissait audacieusement de me nommer à la qualification D alors que je n’étais que B2, ceci en moins de douze mois. Cette proposition de confiance m’a honoré. Évidemment, j'ai immédiatement compris que la condition sine qua non était une forte réduction de mes activités syndicales. J’ai poliment refusé.
 

Quatrième signe : ne pas se décourager…
 

Dès 1991, la fédération FO des cheminots et la confédération m'ont confié des missions de jeunesse et internationales.

En me désignant à la commission ministérielle Armées-Jeunesse, j’ai eu la chance de rencontrer des militaires de haut rang, des responsables ministériels, notamment celui de la ville et de la jeunesse et des sports. Avec mon ami Jean-Luc Bru, de FO, nous avons pris beaucoup de plaisir à deviser sur le lien Armée-Nation et l’inclusion dans la société.

J’en profite pour vous livrer une savoureuse anecdote sur la suspension du service national. En effet, dès septembre 1995, je présidais un groupe de travail qui posait la question suivante : « dans quelle mesure le service national peut-il contribuer à la réduction de la fracture sociale ? ». Avec d’autres représentants de mouvements de jeunesse, nous avions choisi de surfer sur le mot d’ordre principal de la campagne d'avril 1995 de Jacques Chirac pour affirmer la force de « l’impôt du temps », représenté par un service national militaire ou civil.

Lors de l’annonce de la suspension en février 1996, le secrétaire général de la commission, Emmanuel Daufresnne, général de brigade s’est empressé de me questionner sur l’opportunité de changer l’intitulé de notre sujet au vu des circonstances du moment. Je lui ai prestement répondu avec un sourire : « Nous mènerons notre mission jusqu’à son terme ». Ce qui n'a pas manqua de lui causer une fausse moue désappointée mais sans doute un plaisir intérieur. Il faut préciser que notre conclusion était de défendre l’idée de l’obligation d’un service national, militaire ou civil, au service de tous et de l’intérêt général.

En 1991, j'ai rencontré le Général Henri Paris, brillant militaire socialiste. Il était chef du cabinet militaire de Pierre Mauroy alors Premier Ministre, commandant de la prestigieuse 2e DB, et il avait aussi été conseiller militaire à notre ambassade à Prague, expert reconnu du pacte de Varsovie et défenseur des valeurs républicaines.

Au sein de l’association Démocraties (fondée par Maurice Benassayag, conseiller de François Mitterand), avec Henri disparu il y a quelques mois, avec toi Ariane, j’ai passé des moments qui ont bâti mes analyses stratégiques internationales et de défense. Animant les colloques au Sénat et à l’Assemblée (rue de Richelieu), j’ai ressenti un bonheur intellectuel quasi vibratif en échangeant avec des grands élus comme Philippe Seguin.
 

Cinquième signe : l’ouverture d’esprit te libère…
 

Côté professionnel, j'ai pratiqué la vente durant moins de deux années mais avec un réel plaisir, surtout en guichet.

1993 a été une année surprenante de ma vie puisque Marc Blondel (alors SG de FO) et Jacques Pé (secrétaire confédéral à l’international, disparu en 2021) m’ont embauché comme assistant confédéral confirmé (niveau cadre, selon la convention collective) pour le secteur Asie et des sujets Europe de l’est et normes OIT. Pour rappel, entré dans notre belle entreprise SNCF à 16 ans, je suis Bac-3 !

J’ai passé près de sept années au siège confédéral de FO, avenue du Maine. J’ai parcouru l’Asie, j’ai analysé les évolutions sociétales et la première crise économique asiatique moderne (celle de 1998). Là encore, des échanges et des rencontres inoubliables. Des souvenirs heureux et tristes aussi, avec des dirigeants syndicaux au Cambodge, auxquels j’ai expliqué la force des normes essentielles de l’OIT et dont l’un d’entre eux a été assassiné quelques années plus tard.

Avec émotion, je me souviens de cette première rencontre avec Han Dongfang, l'un des créateurs du premier syndicat indépendant ouvrier de Pékin sur la place Tien an-men en mai-juin 1989 (avant le bain de sang de la répression), des échanges avec Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong-Kong (en 1995 et 1996), avec Lee Sheuk Yan, du syndicat libre HKCTU aujourd’hui gravement menacé par le régime totalitaire de Xin Jinping, de nos collègues du MRT (transports publics de Hong Kong), de Sonia Gandhi alors Première Ministre de l’Inde dans un congrès du syndicat INTUC, de cette visite clandestine dans une usine textile en zone économique exclusive de Zhuhaï (près de la région de Macao), de la combativité des syndicalistes sud-coréens et philippins, comme de l’inventivité et de la négociation entre les syndicat RENGO et NIKEIREN (patronat) au Japon…

Je n’oublierai jamais mes trois participations aux conférences annuelles de l’OIT (dont l'une comme expert dans la délégation française) au Palais des Nations à Genève, ainsi qu’au sein de notre délégation nationale à l’Assemblée générale de l’ONU (New-York), dans la petite salle de travail du Conseil de Sécurité en 1998, comprenant mieux les dessous stratégiques de la reconduction des sanctions contre l’Irak.
 

Sixième signe : quand tu voyages, ne t’emporte pas avec toi …
 

Je vous fais ce récit passionné pour rappeler que tout cela n'a été possible que grâce au droit syndical et que j’ai défendu notre groupe public SNCF chaque fois que j’en avais l’occasion.

Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles pour certains, je suis parfois encore pris pour certains pour un oursin mais bien plein.

Mes engagements ont souvent porté sur la défense des autres.

En 2007, s’ouvre la négociation de la convention collective du fret ferroviaire privé. Cette année-là, j'ai participé aux conférences du Grenelle de l’Environnement initiées par Nicolas Sarkozy comme représentant confédéral de Force Ouvrière. À ces deux occasions, j'ai rencontré Bruno Gazeau (alors délégué général de l’Union des transports publics – UTP) et j'ai pu apprécier les arguments de Jean Jouzel (expert du GIEC), de Nick Stern (professeur émérite de l’université d’Oxford) et de Nathalie Kociusko-Morizet (Secrétaire d’État).

Jusqu’au début de 2020, j'ai poursuivi mon rôle de négociateur de la grande CCN du ferroviaire face à Jean-Marc Ambrosini (que j'ai retrouvé comme DRH du groupe SNCF) et Claude Faucher (délégué général de l’UTP), habile et redoutable négociateur à l’humour souvent incisif (mais qui me plait bien je l’avoue).

Entre 2012 et 2017, avec d’autres, je me suis employé à défendre des arguments syndicaux (et sociaux-démocrates) pour la première réforme ferroviaire avec Frédéric Cuvilier puis Alain Vidalies (Ministre des Transports) retrouvant comme conseiller social du Ministre Jean-Marc Ambrosini.

Une belle rencontre a aussi été celle d’un parlementaire qui représente selon moi ce qu'un élu national représentant les citoyens doit être, le Sénateur Olivier Jacquin, avec Christine Revault d’Allones Bonnefoy, Député européenne, qui a fait honneur au Parlement européen. Elle sert aujourd’hui utilement les Marseillais auprès du maire Benoît Payan.

Côté syndicalisme, j'ai quitté la fédération FO des cheminots ne pouvant plus supporter l’entrisme de l’extrême-gauche trotskyste.

À compter de 2009, date de mon arrivée au sein de la CFDT (avec André Milan SG de la FGTE et Arnaud Morvan SG des cheminots), de rencontrer quelques syndicalistes sincères et passionnés, pratiquant la défense des autres sans calculs.

J’en profite pour saluer et remercier ici Fred Rouaux, secrétaire fédéral FGTE-CFDT, président du comité du dialogue social européen secteur route, Gwenaelle Lhuillère, secrétaire générale de l’Union fédérale environnement territoires autoroutes et mer CFDT (UFETAM), ainsi que Philippe Marsault (ancien DRH sûreté et ancien élu CFDT CCE), Pascal Tomasin (secrétaire général de l’Union de sections services centraux SNCF CFDT) qui exprime toujours ses positions sans crainte, Antonio Tudor (ancien de l’équipe communication de la CFDT cheminots, aujourd’hui pôle communication UNSA ferroviaire) passionné par son travail, Didier Mathis (secrétaire général de l’UNSA ferroviaire), avec lequel j’ai vite sympathisé par nos expressions dans l’émission C à vous de France 5, et Bazoumana Sanogo (secrétaire national de la CFDT cheminots), dirigeant syndical qui écoute et comprend le terrain.

Je salue aussi Gilles Gniltzky, qui sait prodiguer de bons conseils et Pascal Tabanou (ancien secrétaire général adjoint de FO cheminots et ancien manager de l’engagement sociétal de la SNCF en Aquitaine).
 

Septième signe : reconnais la sincérité de tes proches…
 

Enfin, la présence du journaliste Marc Fressoz n’est pas anodine. Car j’aime la presse et la corporation des journalistes, surtout ceux qui travaillent leur sujet en toute indépendance. Je soutien l’association Reporters sans Frontières avec détermination (et suis adhérent de l’Association de la presse étrangère - APE - et de l’Association journaliste défense - AJD).

Le savoir-faire ne vaut pas beaucoup sans le faire-savoir. La communication est un vrai plaisir pour moi.

Je remercie chaleureusement l’entreprise de m’avoir retenu sur un vrai poste et une grande mission à l’issue d’un travail sur moi-même, accompagné par la DRH du groupe et le cabinet Alixio. Merci à François Nogue et Valerie Sagnol, à Jean-Robert Jaubert (pour le dialogue social) et à toutes les équipes.

Mes choix de restituer la tête de liste CFDT pour l’élection représentants des salariés au CA du groupe SNCF (fin 2020) et mon refus d’un nouveau mandat comme secrétaire national de la CFDT cheminots à compter d’octobre 2020 ont été mûrement réfléchis après 27 années de militantisme 24/24 (depuis 1993 et 1997 comme agent service libre - ASL).

Le syndicalisme cheminot a besoin de dirigeants qui aiment les cheminots, avec leurs qualités et leurs défauts, qui apprécient leur statut évolutif et qui les écoutent.  Bref, être capable de pleinement assumer ses responsabilités et ne pas faire du syndicalisme pour soi-même. Je n’ai pas trouvé cet esprit chez certains nouveaux responsables syndicalistes de mon organisation syndicale mais je l’ai vu chez Pascal Tomasin, Gwenaëlle Lhuillère, Fred Rouaux, Didier Mathis, Antonio Tudor et Philippe Marsault.
 

Huitième signe : engage-toi avec passion…
 

L’élaboration de notre raison d’être avec le projet d’entreprise « Tous SNCF », piloté par Mikaël Lemarchand et Pierre Sandevoir, marquent deux étapes essentielles.

Au sein d’une nouvelle dynamique d’équipe dirigée par Vincent Le Poittevin, avec des collègues aux expériences internes et externes très qualitatives et qui m’apportent beaucoup chaque jour, je vous dis mon plaisir.

Merci à Julie, Ines, Jean-Luc Bourguet (qui est moins « de droite » que moi parfois), Samia Sebbar (qui m’a souvent aidé), Philippe Vanlerenbergue (parce que la logistique bien gérée permet de bien bosser), Kader Bentahar (pour ses talents d’organisateur des tournées terrain), Muriel Descout (pour ses compétences organisationnelles) et je souligne la présence de Laetitia Gourbeille dont l’humanisme naturel et la cordialité correspondent bien à l’esprit de notre fondation SNCF.

Président, mon très cher Jean-Pierre,

chers amis, chers collègues,

la vie est courte, très courte pour ceux qui veulent « changer la vie » en mieux. Luttons contre les passions tristes, faisons des citoyens libres et égaux en droits et en devoirs. Bousculons les règles, pardonnons vite, embrassons lentement, aimons vraiment, rions beaucoup, ne regrettons jamais ce qui nous a fait sourire. Ensemble, prenons garde. Tâchons d’être heureux ».

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