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Préfon : un nouveau plan stratégique « ambitieux mais réaliste »
Partenariat renouvelé avec La Banque Postale, lancement du Plan Epargne Retraite Obligatoire, refonte de la charte ISR..... Philippe Soubirous , nouveau Président de la Préfon présente les marqueurs de la stratégie de développement en cours...
Depuis plus d’un an, vous êtes président de la Préfon, après l’avoir été une première fois de 2008 à 2011. Entre ces deux mandatures, une douzaine d’années se sont écoulées. Quelle vision en avez-vous ?
Philippe Soubirous : Ce que je retiens avant tout, c’est la force de la gouvernance de la Préfon depuis sa naissance il y a 60 ans.
Quatre organisations syndicales (CFDT, CFTC, CGC et FO) décidèrent de travailler ensemble dans une démarche consensuelle. Depuis lors, cette forme d’entente entre les personnes et entre les syndicats ne s’est pas démentie.
Aux côtés des organisations fondatrices figurent des personnalités qualifiées dont des représentants de la fonction militaire. À cet esprit de consensus et de camaraderie vient s’ajouter une dimension bénévole. Les administrateurs, dont le président, ne bénéfi cient d’aucun intérêt matériel. Mon rôle est de représenter et d’animer la Préfon dans sa double dimension associative et entrepreneuriale. Le président ouvre des perspectives, propose des chemins.
C’est ce que je me suis employé à faire lors de mon premier mandat et encore aujourd’hui. Mais rien ne serait possible sans un bureau solidaire. Ce qui est une chance.
Ce mode de gouvernance s’avère unique en son genre.
Il repose sur un travail collectif, sur la rotation périodique de la présidence entre nos quatre organisations syndicales en bonne intelligence, lequel interdit toute forme d’autoritarisme, de direction personnelle. Ce qui n’empêche pas chaque président d’apporter sa personnalité, ses idées, son expérience et in fi ne sa pierre à l’édifi ce. La qualité remarquable du modèle Préfon demeure son aptitude à s’adapter, à évoluer en permanence avec le temps, à ne pas se laisser décrocher. Certes, nous ne sommes pas des experts de la fi nance ou de l’assurance. Cependant notre expérience syndicale nous donne un point de vue global des choses. Nous savons de quoi nous parlons et nous comprenons de quoi parlent les professionnels qui nous accompagnent quotidiennement.
Vous avez présenté un plan de développement validé par l’assemblée générale du 29 novembre 2024. Quelle méthodologie avez-vous mise en œuvre pour le rendre opérationnel ?
Depuis quelques années, nous construisons une feuille de route par mandat. Selon son contenu, elle nécessite parfois un amorçage. Début 2024, j’ai choisi d’organiser un séminaire du bureau. Nous voulions avoir une vue d’ensemble pour savoir où en était le régime Préfon-Retraite afin de maintenir sa pole position sur le marché. Nous avons invité des spécialistes, CNP Assurances sur l’actif/passif, notre avocat sur le droit des sociétés, un consultant sur l’ISR. Les échanges ont été très constructifs. En est sorti un scénario stratégique ambitieux qui met en exergue le renforcement des moyens de développement pour accroître le nombre des affi liations. Cela passe par une nouvelle mobilisation des organisations syndicales fondatrices mais également par la réussite de nos partenariats de distribution, notamment celui avec La Banque Postale même s’il n’est pas exclusif.
À la suite de ce séminaire, notre filiale de courtage Préfon Distribution a présenté un business plan à 10 ans reprenant les objectifs, les moyens nécessaires et les priorités en matière de canaux de distribution. Un pilotage adapté nous mettra en position de performer ce plan de développement<.
Quels sont les éléments saillants de ce plan que vous qualifiez « d’ambitieux mais réaliste » ?
Au fil des ans, la Préfon s’est professionnalisée. Ce marqueur, conduit par ses présidents successifs, a permis d’acquérir toutes les compétences pour représenter au mieux les affiliés et assurer la pérennité du régime Préfon dans toutes ses dimensions techniques. Mon ambition est de consacrer ce que nous sommes devenus depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, nous devons avoir conscience d’agir comme des entrepreneurs. C’est le point de départ de notre plan de développement. La Préfon vit une période de son histoire où le contexte économique, sociétal et de marché connait un profond bouleversement.
Nous avons besoin d’une stratégie d’entreprise élaborée et affirmée pour maintenir notre place dans le champ de l’épargne retraite des agents publics.
Accroître le nombre de nos affiliés et augmenter la valeur des actifs sous gestion, tel est notre objectif. Ce plan indispensable arrive au bon moment, car nous bénéfi cions d’un alignement de planètes grâce notamment au partenariat renouvelé avec La Banque Postale, la première banque des agents publics, dont CNP Assurances est une fi liale, et avec laquelle nous partageons les mêmes valeurs. C’est un atout ! Pour la Préfon, ce partenariat est un levier gigantesque.
Nous collaborons avec un réseau puissant grâce à notre produit « retraite » à l’identité si particulière : la sécurité de la technique du point qui protège le capital, Il vient enrichir la gamme de La Banque Postale en complément de son off re en unités de compte. Cela appelle des eff orts de part et d’autre. Nous devons accompagner les équipes de La Banque Postale dans la distribution de notre PER qu’elle inclut dans sa distribution. À l’heure où je vous parle, tout le monde se mobilise avec conviction. Je les félicite du bon démarrage en Occitanie où les premiers résultats se révèlent prometteurs .
Un autre élément porteur de notre stratégie de développement est le lancement de notre Plan d’Épargne Retraite Obligatoire (PERO) à destination des entreprises et des établissements parapublics qui souhaitent accompagner leurs salariés de droit privé dans la préparation de leur retraite. S’agissant d’un contrat collectif à l’initiative de l’employeur, nous savons que nous mettrons le temps pour installer cette offre à destination d’un public nouveau pour nous. Tout dépendra également de la volonté des pouvoirs publics pour que cet élargissement à tous les agents du service public soit réalisé. En effet, contrairement aux salariés de droit privé, l’épargne retraite collective d’entreprise ne leur est pas accessible aujourd’hui. Autre chantier annoncé, la refonte de la charte ISR adoptée en 2011.
Pour quelles raisons cette charte doit-elle être revue ? Quels enjeux porte-t-elle ?
L’Investissement socialement responsable (ISR) est à la croisée des chemins. Né il y a vingt ans, il s’appuie sur des entreprises et le triptyque ESG (Environnement, Social, Gouvernance).
Les acteurs français de la retraite des agents publics furent des précurseurs dans sa mise en œuvre avec pour cadre global les Principes pour l’Investissement Responsable (UN-PRI)* qui se reposent essentiellement sur une obligation de moyens. Les praticiens ont ensuite développé un ISR selon le principe du « Best-in-class »**, avec tout un corpus méthodologique d’évaluation pour sélectionner les titres et les évaluer.
L’archétype du modèle français est le Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)***, pionnier dans ce domaine.
Lorsque les obligations de résultat ont été lancées, la machine s’est grippée. Les règles contraignantes se sont multipliées et sont devenues un véritable carcan. Or, l’ISR est un sujet subjectif et dynamique, il faut laisser les acteurs construire les process dont ils ont besoin sans nier l’évolution des mentalités donc l’apparition d’une dimension normative.
Eu égard aux ambitions de l’ISR dans les transitions de notre époque, la soft law n’est plus suffi sante. La bonne méthode consiste à promouvoir une norme qui soit effi ciente du point de vue opérationnel et dont la lisibilité soit évidente.
D’un point de vue méthodologique, aujourd’hui, on ne peut plus se satisfaire du « Best-in-class », un concept solide mais à mi-chemin entre subjectivité et objectivité, qui tente de ménager l’existant sans clivages idéologiques. Selon moi, il convient donc de comprendre les changements de paradigmes qu’appellent l’époque où nous vivons. De les traduire en actes dans notre politique d’investissement. Cela, sans renier l’assise, l’acquis issus de notre expérience.
Dans sa pratique, la Préfon a montré qu’elle savait s’adapter dans un environnement en perpétuelle évolution. Elle est aujourd’hui un modèle de référence dans l’architecture des retraites publiques et un acteur institutionnel en matière d’investissement socialement responsable, quatorze ans après son lancement, nous allons actualiser notre charte ISR, vers plus de conviction, plus d’engagement, plus de concret. La commission ISR a un mandat clair pour travailler à cette novation.
La question essentielle posée est de savoir comment nous pouvons continuer à agir avec efficience en tant qu’investisseur de long terme et patient au profit du service public, de ses agents et de la retraite. Il faut notamment œuvrer sur le sujet de la dépendance, celui de l’accueil des plus âgés et l’accès au logement des agents publics.
De plus en plus d’investissements sont fl échés dans le domaine des infrastructures, des fonds comme le nôtre pourraient également y participer. Parallèlement, nous devons partager nos choix d’investissement des actifs du régime Préfon-Retraite. Il faut dire ce que nous faisons et rallier les bonnes volontés, c’est pourquoi cette charte doit être fondée sur un texte partagé par nos assureurs.
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* PRI : Principes pour l’investissement responsable qui définissent l’investissement responsable comme une stratégie et une pratique visant à prendre en compte les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans les décisions d’investissement et d’engagement.
** Le « Best-in-class » (qui signifie en français « Meilleur de sa catégorie ») consiste à sélectionner les entreprises les mieux notées d’un point de vue extra-financier, pour chaque secteur d’activité sans exclure aucun secteur.
*** Le RAFP (Retraite additionnelle de la fonction publique) a été mis en place dans le cadre de la réforme des retraites du 21 août 2023. Il s’agit d’une caisse de retraite additionnelle qui fonctionne en capitalisation et qui est rendue obligatoire pour tous les fonctionnaires.