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02 / 02 / 2022 | 230 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Pour Aesio, la prévention doit devenir un pilier de notre société : avec quel modèle économique ?

Entretien avec Patrick Brothier, président d’Aésio mutuelle, président de l’UMG Aésio Macif et vice-président d’Aéma sur son approche des débats du moment sur notre système de santé.

 

 

  • La crise sanitaire a mis la santé au centre des préoccupations et des débats avec un système de santé souvent qualifié « d’à bout de souffle ». Les réponses politiques semblent surtout vouloir répondre aux problèmes d’accès aux soins, à l’image des mesures du Ségur de la santé. Ne passe-t-on pas à côté d’un sujet majeur qui est celui de la prévention ?

 

Incontestablement la prévention reste le parent pauvre de notre système de santé. La Cour des comptes a publié en décembre dernier un rapport dédié qui met en lumière que la prévention de trois pathologies obtient globalement en France des résultats médiocres malgré un effort financier comparable à celui de pays voisins. Le rapport souligne que si la stratégie de prévention française et la gouvernance ont été récemment renouvelées, elles se heurtent à des limites persistantes s’agissant de la déclinaison de la stratégie au niveau national et local et de l’organisation des soins primaires. Ainsi au niveau territorial, la déclinaison de la stratégie de prévention est mal assurée. Ces constats sont globalement unanimement partagés par les différents acteurs.

 

Ils complètent d’ailleurs l’étude « Sécuriser et améliorer notre système de santé » réalisée en septembre 2020 par l’Institut Sapiens en partenariat avec AÉSIO. Dans cette étude qui analyse les différents critères de performance des systèmes de santé de 25 pays de l’OCDE, la prévention est un véritable point faible du système français. A tel point que, 

 

Ce constat d’une faible et lacunaire culture de la prévention en France est assez partagé et si tout le monde n’en fait pas une priorité, chacun s’accorde à reconnaitre l’enjeu qui est au croisement des préoccupations sanitaires et sociales, mais aussi économiques.

 

Les mutuelles sont particulièrement sensibilisées car, au quotidien, nous accompagnons nos adhérents pour leur permettre le meilleur accès aux soins dont ils ont besoin. Nous sommes convaincus que développer la prévention est un pari gagnant, pour les Français d’abord, qui individuellement pourront préserver leur capital santé, mais aussi pour notre santé collective, avec des bénéfices indéniables sur le budget aujourd’hui mobilisé pour prendre en charge des pathologies évitables.

 

  • Quels sont les leviers possibles pour améliorer la prévention en France ? S’agit-il uniquement d’une question budgétaire ?

 

L’étude « Sécuriser et améliorer notre système de santé » de l’Institut Sapiens montre qu’à niveau de dépenses égales pour la prévention, la Suède, le Danemark et le Canada ont des résultats plus performants que la France et l’Allemagne.

 

Le défi n’est donc pas uniquement budgétaire mais nous ne devons pas non plus penser qu’un investissement massif n’est pas nécessaire, notamment au regard de l’évolution démographique de notre population. Il nous faut donc conjuguer investissement et réforme en profondeur en impliquant tous les acteurs pour développer une prévention plus efficiente et plus personnalisée. La prévention doit être plurielle, portée par l’Etat comme par des acteurs privés, adaptée aux besoins de chacun, avec autant de facettes que de milieux socio-économiques et géographiques.

 

Par exemple, nous pourrions optimiser notre prévention en donnant plus de place aux organismes complémentaires qui, en tiers de confiance, peuvent accompagner efficacement leurs assurés qu’ils connaissent bien.

 

  • Quel rôle jouent déjà les organismes complémentaires dans la prévention et quel rôle pourraient-ils jouer à l’avenir ?

 

Notre système de santé est mixte, avec une articulation entre acteurs publics et privés, et c’est cette hybridation qui nous permet de bénéficier du plus faible taux moyen de reste à charge parmi les pays de l’OCDE.

 

Mais la contribution des organismes complémentaires va au-delà du remboursement des soins et des médicaments. Ainsi, plus particulièrement, les mutuelles développent souvent des activités d’offres de soins et de services dans les champs du sanitaire et du médico-social. Par exemple, AÉSIO Santé propose une offre de soins et de services adaptée à chaque territoire avec plus de 200 établissements de santé et plus de 5 100 professionnels.

 

Cette offre de soins mutualiste permet de favoriser l’accessibilité avec des tarifs modérés et une large diffusion dans les territoires. Et nous pouvons capitaliser sur notre ancrage territorial et notre expérience à travailler en co-construction avec d’autres acteurs pour bâtir des solutions apportant des réponses aux besoins des Français. Ainsi, nous favorisons l’innovation dans nos établissements en partenariat avec des porteurs de solutions comme des startups ou des chercheurs pour toujours mieux accompagner nos usagers. Et notre ADN mutualiste nous pousse à nous engager dans des champs encore trop peu investis, comme l’inclusivité numérique pour favoriser la prévention grâce à l’apport des nouvelles technologies.

 

Au quotidien, AÉSIO mutuelle propose à ses adhérents, individuels comme entreprises, mais aussi au grand public de nombreuses actions de prévention, plus de 1 300 chaque année, qui ont pour objectif de rendre chacun acteur de sa santé et de son bien-être. Nous sommes donc très engagés sur le champ de la prévention, qui est notamment l’un des piliers de l’engagement de nos plus de 500 délégués bénévoles qui s’impliquent au cœur des territoires aux côtés des équipes dédiées puisque plus de 35 personnes sont employées au sein de la direction prévention et promotion de la santé d’AÉSIO mutuelle.

 

Nous sommes convaincus que le développement de la prévention est une priorité pour l’avenir de notre système de santé, et nous pensons que c’est par l’articulation entre les contributions des différents acteurs, public comme privé, que nous pourrons relever ce défi.

 

  • Mais comment répondre aux inégalités d’accès aux soins qui ont nécessairement un impact sur l’accès à la prévention ?

 

C’est toute l’essence du mutualisme, favoriser l’accessibilité grâce à la mutualisation pour permettre au plus grand nombre d’être protégé et accompagné selon ses besoins.

 

Nous voulons permettre à chacun d’être acteur de sa santé, de cultiver son capital santé et donc son capital autonomie, un défi de taille face au vieillissement de notre population. Et l’enjeu est d’autant plus fort que nous sommes à un moment charnière pour réussir dans les années à venir à repenser notre système de santé pour réussir à conjuguer une vie plus longue et un maintien de notre autonomie le plus longtemps possible.

 

Nous devons œuvrer collectivement pour concilier longévité et bonne santé dans les meilleures conditions pour tous. La prévention, individuelle comme collective, doit donc devenir un pilier de notre société pour qu’elle ne soit pas réservée à des privilégiés.

 

Conscients que le sujet du financement est majeur, nous travaillons à faire émerger des solutions. Ainsi, nous portons aux débats la généralisation d’un dispositif type « Haut degré de solidarité » (HDS) aux contrats responsables qui pourrait permettre de financer, grâce au fléchage d’un pourcentage sur les cotisations, un véritable modèle économique de la prévention.

 

 

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