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17 / 11 / 2025 | 10 vues
Michel Berry / Abonné
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Montre-moi ton écran, je te dirai quel expert tu es !

Christophe Deshayes, chercheur en sciences de gestion et du management, professeur à l’Université Mohammed VI Polytechnique, a bien voulu nous livrer ses réflexions pour "Elucidations managériales".

 

 

Après avoir étudié les tendances récentes liées à ce que l’on appelait alors le big data, les professeurs Thomas Davenport et DJ Patil signaient, dans le numéro d’octobre 2012 de la Harvard Business Review, un article intitulé « Data Scientist : The Sexiest Job of the 21st Century » qui allait connaître un grand succès.


Ce terme de data scientist, par lequel ils désignaient des personnes combinant des compétences en matière de programmation, d’analyse de données variées et d’expérimentation de type scientifique, s’appliquait à des profils rares disposant généralement d’un doctorat (Ph.D.), la plupart du temps en physique expérimentale, mais aussi dans d’autres disciplines.


À cette époque, ces jobs s’observaient exclusivement dans la baie de San Francisco, où les start-up et les majors de la tech engageaient tous les data scientists qu’elles pouvaient trouver.

 

Dix ans plus tard, les mêmes auteurs relevaient, toujours dans la Harvard Business Review, que les entreprises du monde entier se battaient pour recruter ces spécialistes de la data, les besoins s’étant généralisés avec la focalisation sur les données (data first) et le développement de l’intelligence artificielle (IA).


Le temps de travail de ces spécialistes se concentrait pour l’essentiel sur la préparation et la qualification des données, activité immédiatement moins sexy que les data scientists auraient bien souhaité déléguer à d’autres profils moins qualifiés. Dans le même temps, de nombreuses formations de niveaux très différents, du doctorat au certificat obtenu en quelques heures en ligne, sont apparues dans les universités, de sorte que la pénurie de talents a laissé place à une certaine profusion.

 

La problématique

 

Depuis la fin des années 2010, de nombreux profils se revendiquent spécialistes de la data, avec souvent des prétentions de salaire et de responsabilités en hausse constante. Les entreprises ont de plus en plus de difficultés à faire le tri, et plus encore à le faire reconnaître comme un tri légitime et indiscutable.

 

L’astuce managériale

 

Comme tant d’autres directeurs du digital de grands groupes internationaux, Stéphane Lannuzel, directeur Beauty Tech chez L’Oréal, devait faire face à cette situation et aux revendications incessantes qui l’accompagnent. Il a eu l’idée ingénieuse de prendre en photo les différents postes de travail des spécialistes de la data.

 

Comme il l’a noté avec une pointe d’humour lors de son témoignage en 2020 à l’École de Paris du management[1], les interminables discussions pour savoir qui était data engineerdata analyst ou data scientist se sont immédiatement évaporées. En effet, l’écran de quelqu’un qui passe l’essentiel de son temps de travail à qualifier des données (rechercher les aberrations qui fausseront les traitements) ne ressemble en rien à celui de quelqu’un développant un nouvel algorithme, qui lui-même ne ressemble pas à celui d’une personne qui analyse des données à la recherche de corrélations signifiantes.

 

Leçon à tirer

 

L’objectivation des éléments d’évaluation des compétences est un objectif désirable et la plupart des entreprises s’y emploient, souvent à travers une approche mixte, à la fois quantitative (statistiques) et qualitative (commentaires), rarement avec une approche aussi visuelle que celle employée par Stéphane Lannuzel. Or, la supériorité du visuel pour convaincre n’est plus à démontrer dans une société dominée par l’image.

 

 

[1] Stéphane Lannuzel, « L’Oréal : le fleuron français de la Tech ? », compte rendu de la séance du 7 décembre 2020 du séminaire Transformations numériques et entrepreneuriales.

 

 

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