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17 / 10 / 2023 | 54 vues
Sophie Lasbleis / Abonné
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L’AFM-Téléthon et APF France handicap lancent une alerte auprès de la Défenseure des droits pour mise en danger de la vie d’autrui et non-assistance généralisée à personnes en danger

Faut-il une vague de "morts à domicile" pour que l’État, et les Conseils départementaux réagissent ?

 

Face à la multiplication des témoignages et appels au secours de personnes en situation de handicap, dont la santé et la sécurité sont menacées faute d’aides à domicile, Laurence Tiennot-Herment, Présidente de l’AFM-Téléthon, et Pascale Ribes, Présidente d’APF France handicap, ont décidé de lancer une alerte auprès de la Défenseure des Droits pour mise en danger de la vie d’autrui et non- assistance généralisée à personnes en danger.

 

Les témoignages sont de plus en plus nombreux...


« J’ai dû passer la nuit dans mon fauteuil roulant » - « Je suis à bout » - « Je ne sais pas combien de temps encore je vais tenir » - « Ma nièce de 15 ans doit assurer mes aspirations endotrachéales et m’emmène aux toilettes » - « Ma mère n’a plus de vie sociale » - « Mes beaux-parents âgés de 80 ans doivent s’occuper de moi » - « Je me sens en danger » - « J’ai l’impression d’être un plongeur en apnée qui ne ressort la tête de l’eau que quelques fois » ...

 

Les témoignages de détresse adressés par les personnes et /ou leurs familles à nos deux associations se multiplient.

 

Elles font écho à une situation dont la détérioration s’accélère de jour en jour et met en danger la vie des personnes les plus dépendantes qui vivent à domicile. De plus en plus de personnes à très haut risque vital se trouvent abandonnées plusieurs heures par jour sans aucune assistance. Leur vie est ainsi mise en danger.


L’angoisse, le stress et le désespoir qu’elles subissent dans l’indifférence des pouvoirs public est inacceptable.


Les personnes en situation de grande dépendance ont besoin d’assistance pour tous les gestes de la vie quotidienne. Pour les réaliser et garantir leur sécurité et leur bien-être, elles font appel à des services prestataires ou emploient directement des professionnels. Mais, depuis des mois, les métiers de l’aide à domicile sont en crise et trouver du personnel compétent, formé et stable relève de la gageure.

 

Les situations de mise en danger de la vie des personnes aidées se multiplient, les aidants familiaux, quand il y en a , doivent pallier ce déficit au détriment de leur santé et de leur propre vie. La solidarité familiale quand elle existe ne peut se substituer indéfiniment à la solidarité nationale !


Les causes de cette crise d'une ampleur sans précédent sont bien connues : sous-financement public des besoins en aide humaine, insuffisances des tarifications des prestations notamment PCH, insuffisances des évaluations et des suivis des plans d’aides par les MDPH, faiblesse de la
rémunération des salariés, déni de la charge mentale et physique, non reconnaissance financière de la technicité nécessaire pour intervenir auprès de personnes en situation complexe), manque de valorisation sociale de ces métiers, retard culturel de la France sur la place des personnes en situation de handicap et sur le rôle de celles et ceux qui les accompagnent.


Les conséquences sont catastrophiques. En plus de mettre leur vie en danger, cette pénurie d’aides à domicile prive les personnes en situation de handicap du droit fondamental de vivre dignement et de pouvoir choisir leur mode de vie, principe reconnu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies et la loi de 2005 sur la citoyenneté des personnes handicapées et dont le non-respect a récemment été dénoncé par le Conseil de l’Europe.


C’est pourquoi, au regard de la gravité de la situation et de sa détérioration accélérée, Laurence Tiennot-Herment, Présidente de l’AFM-Téléthon, et Pascale Ribes, Présidente d’APF France handicap, ont décidé de lancer une alerte auprès de la Défenseure des Droit pour mise en danger
de la vie d’autrui et non-assistance généralisée à personnes en danger.


Les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre sans délai des mesures d’urgence centrées sur les personnes à haut risque vital, puis lancer un véritable "plan Marshall de l'aide à domicile". Au-delà de ce plan d'urgence, il est en effet indispensable de construire une réforme structurelle du secteur accompagné de mesures financières ambitieuses à la hauteur des enjeux de la crise qui s’aggrave de jour en jour.

 


« Pour chaque geste de la vie quotidienne, les personnes en situation de grande dépendance, souvent trachéotomisées, ont besoin d’aide 24h/24 pour vivre en toute sécurité à leur domicile. Mais depuis des mois, le secteur de l’aide à domicile est en crise. Les aidants familiaux qui pallient, autant que faire se peut, le manque de professionnels disponibles et formés, s’épuisent. Les familles glissent silencieusement, et dans l’indifférence totale, vers une situation catastrophique. Et nos alertes et propositions auprès des décideurs restent vaines. Face à l’inertie des pouvoirs publics, nous n’avons pas le choix, nous devons lancer cette alerte. Tous les jours, des vies sont en danger. »

 


« Depuis de nombreuses semaines, nos associations reçoivent de véritables appels de détresse : personnes laissées seules chez elle pour absence d’aides humaines, aidants à bout de souffle ayant dû abandonner leur vie professionnelle pour pallier au manque de personnel. Il est inconcevable aujourd’hui d’être face à de telles situations ! Il est urgent de trouver des solutions pérennes, il est impératif de prendre en considérations les besoins des personnes concernées. Nous n’acceptons pas que leurs vies soient mises en danger. Il est temps que les pouvoirs publics prennent pleinement leurs responsabilités. »


Témoignages :


« Mon fils s'organise en fonction du planning pour ses douches, le planning changeant quasiment tous les jours, au final il peut rester une semaine sans se doucher. Il peut également rester une journée ou deux sans aller aux toilettes... C'est juste humiliant ! Cela a entraîné une dépréciation de l'estime de soi et du sentiment de pouvoir gérer sa vie.» (Mère d’une personne de 23 ans – Haute-Garonne)
 


« Il est déjà aussi arrivé que je sois seule en journée et également la nuit. Bien évidemment, lorsque je suis seule (alors que j’ai un plan d’aide de 26h/24h), je suis en danger » (59 ans – Pas de Calais).


« Actuellement, je suis 5 à 7 heures par jour sans aide humaine, faute de recrutement. Ce problème revient très régulièrement (à chaque période de vacances scolaire notamment). Je reste donc au lit, sans toilette réalisée, sans prise de repas (je suis diabétique), sans élimination assurée. » (59 ans – Meurthe et Moselle)


« Quand ma sœur n’est pas disponible, je suis seule, il m’est arrivé de devoir passer une journée seule, ce qui veut dire que je ne mange pas, je ne vais pas aux toilettes, ou si je ne peux pas me retenir je me fais dessus. Ces problèmes arrivent tous les mois ». (38 ans – Bouches du Rhône).


« Régulièrement, j’ai des absence non prévues et non remplacées et je reste sans solution. Pour vous donner un exemple récent, un soir à 19h30, l’auxiliaire ne s’est pas présentée à mon domicile. J’ai pris contact avec l’astreinte, c’est un service téléphonique national. Ils m’annoncent, que, suite à un arrêt de travail, le service est à la recherche d’une solution pour remplacer la personne initialement prévue. Au final, je me suis retrouvé sans solution, sans aide pour le dîner et le coucher m’obligeant à passer la nuit dans mon fauteuil roulant. Ce schéma s’est déjà présenté plusieurs fois au cours des 6 derniers mois. Des nuits, seul dans mon fauteuil, sans pouvoir m’alimenter ou m’hydrater correctement, et sans pouvoir avoir un sommeil réparateur, me donnent un vrai sentiment de mise en danger et ces situations sont de plus en plus fréquentes. » (52 ans, Ille-et-Vilaine)


« J’ai une trachéotomie et si la personne n’est pas formée, si elle ne sait pas utiliser le lève-personne, si elle ne sait pas me mettre aux toilettes... Dès qu’il y a une nouvelle intervenante, surtout quand elle n’a pas été formée, je sais que je vais galérer et passer mon week-end au lit. Alors, quand je vois sur le planning des noms d’auxiliaires de vie nouveaux, j’angoisse, je panique... et il y a beaucoup de turn over dans le domaine donc je suis rarement serein. » (43 ans, Hérault)


« Depuis deux ans, il y a eu beaucoup d’absences, beaucoup de changements, beaucoup de départs. Entre janvier 2023 et fin juin 2023, douze auxiliaires de vie se sont succédé. Comme l’organisation des aides humaines n’est pas stable, mon mari ne peut pas s’engager dans des activités sur l’année, ni pour lui ou ni pour nos filles. Il n’a pu faire aucune sortie scolaire l’année dernière. C’est pesant pour lui. Il est fatigué physiquement et moralement. Je l’entends dire de plus en plus souvent « je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir tenir ». Il y a un an, il a dû être hospitalisé pendant 24h parce qu’il avait des vertiges à cause de la fatigue. Ces vertiges reviennent aujourd’hui. A priori ils sont dus à la fatigue et au stress. Je suis inquiète pour l’avenir. » (34 ans, Maine-et-Loire)


« Le principal problème est que les aides à domicile ne sont pas assez formées, voire souvent pas du tout. Il y a quelques années, je me souviens qu’elles étaient formées à utiliser un lève-malades par exemple, l’aide à la marche, et au transfert, nous mettre en sécurité en cas de chute, savoir appeler les secours sans s’affoler. Aujourd’hui, elles ne savent pas manipuler le fauteuil, je pense même qu’elles ne sauraient pas quoi faire s’il m’arrivait un pépin comme une chute ou un problème respiratoire. Il n’y a aucune communication entre le cabinet infirmier et les auxiliaires de vie. Il faut davantage de professionnels et davantage de moyens pour les former. » (72 ans, Haute-Garonne)


« J’ai 72 ans, mon compagnon 80. Il a eu un AVC il y a quatre ans, et depuis je suis devenue infirmière, aide-soignante, cuisinière, ménagère, chauffeur, secrétaire médicale. Une aide psychologique d’urgence est importante pour les aidants. Ça peut entraîner la maltraitance sur le ménage. J’attends de vous la reconnaissance de ce handicap qui peut toucher n’importe qui et à n’importe quel moment et un accompagnement des aidants car c’est notre santé qui est en jeu » (72 ans, Charente-Maritime)


« Je suis une personne en situation de handicap depuis 48 ans, Je vis seule depuis 17 ans avec des aides à domicile pour m’aider dans tout mon quotidien, J’ai des auxiliaires matin, midi, après-midi, soir et pour le coucher, Le problème, c’est qu’on me change régulièrement mes auxiliaires, on m’enlève des interventions car pas assez de personnel, ce qui me met en difficulté – ayant des problèmes d’élocution – quand on m’enlève des personnes qui me connaissent bien pour les remplacer par des auxiliaires qui ne me connaissent pas ou peu. Ces changements me fatiguent car je dois sans cesse répéter les choses. L’association où je suis a du mal à recruter et parfois embauche des personnes non qualifiées, ce qui entraîne des problèmes. Au niveau de l’organisation du bureau, il y a des soucis aussi, il est arrivé que personne ne vienne chez moi, pour me lever le matin, car ils avaient oublié de faire le remplacement. Me mettre régulièrement de nouvelles auxiliaires me fait perdre un peu de dignité. Cela devient compliqué pour moi et je suis souvent désespérée, Pour les années à venir, cela fait peur pour le maintien à domicile, si l’État ne fait rien pour améliorer ce métier » (48 ans, Orne)


« Mon mari de 66 ans a été amputé de sa deuxième jambe en juillet 2022. Il ne tient plus assis, depuis 7 mois nous attendons une place en rééducation. À domicile, je m’occupe quasiment seule de lui, aucune auxiliaire de vie n’est autorisée à utiliser de lève-personne, qui est indispensable, autour de chez nous. On nous a refusé l’hospitalisation à domicile, car les professionnels sont saturés de demandes. Je viens de faire un accident cérébral, je suis épuisée par mon rôle d’aidante » (Côtes d’Armor)

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