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27 / 09 / 2022 | 971 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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La spécificité des missions des Administrateurs des finances Publiques face aux réformes

Samuel Barreault, président de l’Association des administrateurs des finances publiques (ADAFiP) a bien voulu faire avec nous un large tour d'horizon sur les nombreuses interrogations que peuvent susciter les réformes en cours et répondre sans détour à nos questions. Il est actuellement Directeur régional des finances publiques de la région Nouvelle Aquitaine et du département de la Gironde.

 


Qu’est-ce que l’ADAFiP ?


L’association des Administrateurs des Finances publiques, créée en 2010, est issue du regroupement du comité des Trésoriers-payeurs généraux-Receveurs des Finances et de l’association des Directeurs des services fiscaux lors de la fusion des administrations du Trésor Public et des Impôts.


Elle rassemble les administrateurs et les administrateurs généraux des finances publiques (AFiP et AGFiP). Non affiliée à une organisation syndicale, elle assure la représentation de ses adhérents, en activité et en retraite, et prend en charge la défense de leurs intérêts moraux et matériels. Elle étudie ou présente tous projets de réforme et tous sujets métiers intéressant la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) ou ses cadres.


Quel est le rôle des administrateurs des finances publiques ?


La DGFiP est une administration régalienne au cœur du fonctionnement de l’État. Les membres du corps des administrateurs des finances publiques occupent des postes de cadres dirigeants en administration centrale ou sont à la tête de directions spécialisées ou territoriales de l’État qui comptent les effectifs les plus nombreux, après les services de l’Éducation nationale.


Nous veillons à l’ordre public financier avec des règles financières particulières. Nous avons ainsi la responsabilité d’asseoir l’impôt, d’en assurer son recouvrement et son contrôle, avec la lutte contre la fraude (près de 11 Md€ recouvrés en 2021). Notre rôle consiste à recouvrer les créances publiques (près de 700 Mds € pour l’État, les collectivités et divers organismes) et verser les salaires des 5 millions des fonctionnaires et des 2 millions de pensionnés et de mettre en paiement la dépense publique, pour l’État (près de 800 Mds €), pour l’ensemble des collectivités territoriales (plus de 300 Mds €), ainsi que les établissements publics de santé.

 

Nous avons également une action auprès des entreprises en difficulté en leur accordant des plans de règlement pour leurs dettes fiscales et sociales. Nous contribuons également à la transparence de la vie économique, notamment au travers de la tenue du cadastre, de la publicité foncière, de l’enregistrement, de la gestion des évaluations domaniales, etc.


Au quotidien, quelles sont les interactions avec la société ?


Les relations sont quotidiennes avec l’ensemble des forces vives du pays, les élus nationaux dans leurs circonscriptions et les élus locaux, les préfets et leurs services, les ARS, les hôpitaux publics, les corps intermédiaires (syndicats, professions du chiffre, notaires, chambres consulaires, etc.), le monde économique, etc.


Nous avons également un lien très fort avec les usagers, en France et ceux domiciliés à l’étranger pour les non-résidents.


Au-delà de l’accueil à nos guichets et sur internet (38 millions d’usagers qui ont créé leur espace particulier sur le site www.impots.gouv.fr qui donne lieu à un taux de satisfaction de 95 % des internautes (selon la dernière édition du baromètre de l’Institut Paul Delouvrier 2021), tous les événements de la vie, dès la naissance, présentent une incidence fiscale et financière au quotidien ou à moment particulier de la vie (les impôts et taxes, la succession, une facture d’eau, de cantine ou d’hôpital, une amende, etc.). Grâce à nos accueils et à nos relations avec les contribuables et usagers, nous sommes quotidiennement en prise directe avec la société française. Dans l’État territorial, la DGFiP est l’administration qui reçoit le plus d’usagers (plus de 5 millions d’usagers reçus à nos guichets).


Qu’est-ce qui caractérise le corps des administrateurs des finances publiques ?


Ce qui caractérise le plus le corps des AFiP c’est avant tout sa loyauté, son professionnalisme et sa capacité à mener des réformes importantes et complexes.


Les dernières réformes menées, qu’il s’agisse du prélèvement à la source, de la réforme de la taxe d’habitation, le droit à l’erreur et le renforcement de la sécurité juridique pour les contribuables (loi ESSOC) ou d’autres, plus techniques, comme la réforme de la gestion immobilière des biens (« gérer mon bien immobilier ») avec le transfert à la DGFiP des taxes d’urbanisme, de la mise en place du nouveau réseau de proximité, ont montré la totale mobilisation des AGFiP et des AFiP, ainsi qu’une capacité à réformer et à mobiliser les équipes pour atteindre les objectifs fixés. Ces réformes ont été conduites en assurant les missions confiées par la Nation et même en période de crise sanitaire, elles n’ont pas été ralenties.

 

Durant cette période, la réactivité et l’engagement dont a fait preuve le réseau des finances publiques ont été reconnus comme remarquables. En effet, il était vital d’assurer le paiement des salaires des personnels soignants, des fonctionnaires de l’État et des collectivités locales, des pensionnés, ainsi que le paiement des factures des entreprises. De même, le remboursement des crédits de TVA et de divers impôts et le versement des différentes aides ont été déterminants pour que le monde économique ne s’effondre pas.

 

A titre d’exemple, 2 millions d’entreprises ont bénéficié de plus 41 Mds € au titre de fonds de solidarité, dispositif qui était opérationnel dès le 31 mars, soit deux semaines après le début du premier confinement.


Comment est perçue la création du corps des administrateurs de l’État par les AFiP et des AGFiP ?


Dans son intervention, à l’occasion de la convention managériale de l’État du 8 avril 2021 pour lancer la réforme, le Président de la République a évoqué deux « maladies » de la haute fonction publique, à savoir le déterminisme et le corporatisme.


Concernant le déterminisme, sur la base de ce qui se faisait à la DGI et à la DGCP, la DGFiP a construit un modèle de promotion interne exemplaire. Sur 101 directions territoriales, 81 directrices et directeurs ont commencé leur carrière à la DGFiP comme cadre A, et pour certains d’entre eux B, voire C, les 20 autres étant anciens élèves de l’ENA, très souvent issus du concours interne ou du troisième concours. Les directions à très forts enjeux sont accessibles à la promotion interne pour les anciens élèves de l’École nationale des impôts ou de l’École nationale du Trésor. Ainsi, les directeurs régionaux des finances publiques de Normandie et d’Auvergne-Rhône-Alpes récemment
nommés ne sont pas des anciens élèves de l’ENA mais de l’École nationale du Trésor.


Quant au corporatisme, qu’il ne faut pas confondre avec l’identité professionnelle, les règles actuelles permettent d’accueillir en mobilité ou en détachement des hauts fonctionnaires d’autres administrations ainsi que des contractuels. Depuis 2020, pour chaque emploi supérieur vacant à la DGFiP, un avis est publié au Journal officiel avec la description du poste, le profil attendu, ainsi que la rémunération proposée. Le processus est transparent et ouvert et le comité de sélection ne comprend pas que des membres de la DGFiP. Des cadres supérieurs d’autres corps et des cadres du secteur privé peuvent candidater. Les fonctionnaires d’autres corps sont accueillis en détachement et les cadres du privé en tant que contractuels.
 

Ainsi, l’année dernière, dans le cadre de cette procédure, j’ai recruté un ingénieur sur un emploi de directeur-adjoint des ressources.


Dans son discours, le chef de l’État avait également déploré une sous-représentation des anciens élèves de l’ENA dans l’administration déconcentrée (10%). Or, la DGFiP constituée de directions régionales et départementales, est ancrée dans les territoires et seuls 5 % des cadres supérieurs travaillent en administration centrale avec pour vocation de rejoindre le réseau territorial. Ainsi, même si l’intégration du corps des AFiP dans le nouveau corps des administrateurs de l’État marque la reconnaissance d’une appartenance pleine et entière de l'ensemble des cadres supérieurs de la DGFiP à l’encadrement supérieur de l’État, notre modèle ne peut pas être assimilé à celui des grands corps, notamment en raison de l’importance que représente la promotion interne qui permet à des cadres A d’accéder à des postes de direction.


Au sein du corps des AFiP, quelles sont les craintes que suscite la réforme de la haute fonction publique ?


La réforme de la haute fonction publique touche différents « marqueurs » du corps : l’identité et l’histoire du corps, la nécessaire indépendance dans l’exercice de nos missions, la technicité de nos métiers qui est déterminante pour mener des réformes et les parcours professionnels dans lesquels se projettent les personnes.


Le corps des AFiP est avant tout le reflet vivant d’une identité professionnelle. Créé en 2009, il est récent mais son histoire est ancienne. Nous sommes les dépositaires d’un héritage, celui des trésoriers-payeurs généraux et des directeurs des services fiscaux. Héritiers d’une crédibilité,
notamment technique, il ne faudrait pas la dilapider dans la réforme actuelle.


La création du corps des AFiP a été la clef de voûte de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. Cette fusion, plusieurs fois tentée dans le passé, a été une réussite, surtout lorsque l’on se remémore les différences des cultures des deux anciennes maisons, ainsi que les difficultés et les oppositions qui se sont manifestées à l’époque. À mon sens, elle demeure un exemple dans l’appareil de l’État.


La crainte d’une perte d’identité professionnelle fondue dans un corps interministériel est souvent exprimée au sein du corps. En 2008, le choix du statut de corps l’avait emporté sur le statut d’emploi en raison des responsabilités particulières dans l’ordre public financier que confère la qualité de comptable public, comme le refus de payer des dépenses irrégulières par exemple, mais aussi de l’importance de garantir l’indépendance dans les missions exercées, notamment le contrôle fiscal.


Par ailleurs, la technicité de nos métiers est consubstantielle au corps des AFiP. La capacité à conserver cette spécificité constitue un élément fondamental pour mener à bien des réformes décidées par nos autorités et gérer des périodes de crise qui sont appelées à se multiplier. La
technicité de nos métiers est réelle, au même titre que celle d’autres métiers. Analyser des prix de transfert, procéder à une saisie immobilière ou lancer une action paulienne, élaborer un compte à rebours pour une évaluation domaniale, répondre à la Cour des comptes sur la certification des comptes de l’État, conseiller un élu sur une question de TVA ou lui présenter une analyse financière, préparer un palier informatique pour une application, gérer un contentieux sur les valeurs locatives sont quelques exemples qui l’illustrent. Imagine-t-on confier une frégate de la marine nationale à un colonel de l’armée de l’air à la tête d’une base aérienne et non pas à un capitaine de vaisseau ? On retrouve ces interrogations chez les diplomates ou au sein de la police judiciaire.


Les métiers exercés à la DGFiP correspondent à des processus longs d’apprentissage tout en offrant des perspectives de carrière interne aux cadres de la DGFiP. Le modèle de promotion interne est basé d’une part, sur cet apprentissage et d’autre part, sur une succession de concours internes et de sélections très rigoureux. Cela constitue en quelque sorte un « pacte social » entre la DGFiP et ses cadres. Les étapes du parcours sont connues, le caractère exigeant des sélections est accepté, même si les nouvelles modalités de sélection des numéros 1 et 2 méritent d’être améliorées.


Pour autant, il ne faut pas imaginer que le corps des AFiP est hostile à des arrivées extérieures, tradition qui pré-existait à la DGCP où des hauts fonctionnaires d’autres ministères, en particulier des préfets, étaient nommés TPG. Le réseau compte à la tête des directions territoriales des personnes venues d’autres administrations comme un ancien secrétaire général de préfecture et plus récemment, un préfet et un ambassadeur. Mais l’ouverture sur l’extérieur, qui constitue une indispensable respiration du corps, ne doit pas compromettre la promotion interne.


L’ouverture se fait également par le biais de cadres supérieurs de la DGFiP qui occupent des postes hors de la DGFiP, à l’exemple des cadres nommés agents comptables et/ou directeurs financiers dans des établissements publics à forts enjeux. Nous avons également l’exemple d’une directrice départementale des finances publiques qui a été nommée préfète. Le retour dans les services, quand la personne n’intègre pas le corps d’accueil, constitue un enrichissement pour la DGFiP et son apport doit être valorisé.


Que va-t-il se passer pour les AFiP et AGFiP déjà nommés ?


Le corps des AFiP va être mis « en extinction » à compter du 1er janvier 2023, date avancée lors de l’annonce de la réforme. Les AFiP et les AGFiP vont devoir exercer un droit d’option dans un délai d’un an. Un statut d’emploi pour les fonctions de direction de la DGFiP a été créé (décret n°2022- 644 du 25 avril 2022), à l’instar du corps préfectoral. Si ce statut d’emploi reflète le positionnement et les responsabilités qui sont les nôtres, il ne concerne que 350 emplois, les N°1 et certains N°2 de directions, les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM), les responsables de la politique immobilière de l’État (RRPIE), soit un peu plus de la moitié des membres du corps actuel. A trois mois de la mise en extinction du corps des AFiP, si la date du 1er janvier 2023 est maintenue, de nombreuses interrogations demeurent sans réponse.

Dans quelles conditions se dérouleront les carrières de ceux qui ne seront pas sous statut d’emploi ?

Quelles seront les perspectives des AGFiP/AFiP qui n’exerceront pas leur droit d’option pour intégrer le nouveau corps des administrateurs de l’État ?
Comment se fera le passage à la hors classe et au généralat ?

Quels parcours de carrière seront désormais offerts aux directeurs régionaux et départementaux qui ne pourront exercer cette fonction que sur une période continue de 9 ans – et encore pas sur le même poste –, alors qu’ils pourront être promus plus jeunes ?

Quelles seront les grilles indiciaires et indemnitaires ?

Les grilles indiciaires et indemnitaires n’étant pas stabilisées, dans quelles conditions va-t-on procéder aux recrutements extérieurs puisqu’il ne sera plus possible de nommer des personnes d’autres corps dans le corps des AFiP à compter du 1er janvier 2023 ?


Ces éléments sont pourtant déterminants pour permettre à chacun d’exercer ou non son droit d’option en toute connaissance de cause. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à ce que la réforme ne fasse pas de perdants et qu’il n’y ait pas de perte de chances.


Au-delà de ces questions, il me semble important qu’une réforme de cette ampleur ne se résume pas à un nouveau « mécano » statutaire avec son corpus de règles de gestion. La réforme doit également aboutir à une évolution dans la gestion des ressources humaines, ainsi que dans la valorisation des compétences et des parcours. La Délégation à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE), en lien avec l’Institut national du service public (INSP), a cette responsabilité de faire évoluer la gestion RH et d’énoncer clairement ce que l’État attend de la haute fonction publique et offrir de la visibilité sur les différentes évolutions de carrière possibles, ainsi que des outils (cycles de formation, accompagnement, etc.).

 

À cet égard, les lignes directrices de gestion interministérielle publiées au printemps dernier ne trouvent pas encore une traduction concrète pour les cadres. Aujourd’hui, trop souvent, la mobilité se limite à l’examen des fiches de postes vacants par les personnes elles-mêmes, sans accompagnement de l’employeur.


Enfin, la moindre mobilité constatée au sein du corps et en particulier les conséquences sur le taux de promotion des femmes à postes équivalents interpelle. Il me semble important d’en analyser les causes et imaginer des réponses RH pour dépasser les règles statutaires stricto sensu. J’observe que d’autres administrations, comme le corps préfectoral ont mis en place un véritable accompagnement à la mobilité pour le cadre et sa famille. L’URSSAF, par exemple, propose une aide à la recherche d’un logement, une aide pour l’insertion professionnelle du conjoint, une meilleure prise en charge des frais de déménagement, etc.


Comment s’organisera la promotion interne dans le nouveau corps des administrateurs de l’État ?


L’enjeu est de convaincre des administrateurs des finances publiques adjoints (AFiPA) soit de se présenter au concours interne de l’INSP, soit de postuler par la voie de la liste d’aptitude. Compte tenu du processus de sélection interne à la DGFiP, les AFiPA pourront candidater en justifiant de 2 ans de services effectifs dans le grade. C’est un acquis positif de la réforme, même si les parcours professionnels s’en trouveront modifiés (aujourd’hui un AFiPA qui réussit la sélection AFiP est âgé en moyenne de 50 ans). De même, la promotion interne, en nombre d’emplois, ne peut être inférieure à 50 % du nombre total des emplois offerts aux AE. Là aussi, c’est une bonne chose.


Pour autant, certains aspects de la réforme ne sont pas encore connus :

  • S’agira-t-il d’un jury interministériel ou de sous-comités ministériels ?
  • Quel sera le processus d’affectation à l’issue de la scolarité ? En fonction d’un classement, du choix des lauréats ou à la suite d’entretiens avec les ministères employeurs ?
  • Les AE qui intégreront la DGFiP à l’issue de leur formation couvriront-ils les besoins de la DGFiP ?
  • Quelle sera la durée de la scolarité ? Où cette scolarité se déroulera-t- elle ? Quelles seront les modalités de rémunération au cours de la scolarité ?

 

Ces trois dernières questions ne sont pas anodines pour les familles, en particulier avec enfants, et encore moins pour les familles monoparentales, le plus souvent des femmes. Il ne faudrait pas que les modalités de la nouvelle scolarité découragent des femmes de se présenter à cette sélection dont le parcours est particulièrement long (inscription en octobre 2022 pour la préparation jusqu’en septembre 2023,
affectation en fin d’année 2023 et prise de poste au printemps 2024).


De même, la capacité de la DGFiP à attirer les profils répondant à ses besoins sera déterminante.


Les ministères employeurs se feront concurrence pour attirer les talents. À cet égard, il sera déterminant pour la DGFiP de pouvoir offrir des postes en nombre suffisant, avec un choix géographique large et des conditions financières attractives.


Qu’en est-il de la parité femmes/hommes à la DGFiP ?


Les femmes représentent moins d’un tiers des AGFiP et des AFiP. Les nouvelles modalités de recrutement (décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019) ne corrigent pas le déséquilibre pour les AGFiP, voire les accentuent pour les N°1. Comme la plupart des administrations, la DGFiP se doit de rattraper ce retard et le moindre nombre de femmes dans le « vivier » ne peut pas constituer une excuse.

D’où l’importance de faciliter le déroulement des carrières des femmes par rapport aux contraintes de la vie familiale, ce qui vaut d’ailleurs également pour les hommes.

Au sein de l’ADAFiP, le collectif « Femmes de l’ADAFiP » a formulé des propositions très concrètes pour faire progresser la parité femmes / hommes (compter et communiquer, déjouer les contournements, mentorat, etc.). Une attention toute particulière doit être portée aux difficultés que peuvent rencontrer les femmes lors des concours et des sélections (Cf. le sujet de la durée et du lieu des formations pour les personnes qui réussissent la sélection AE).


En mars dernier, la direction générale a appuyé la création d’un réseau des Femmes de la DGFiP, né d’initiatives locales, permettant de libérer la parole et de contribuer à la diffusion d’une culture de la parité. Pour autant, ces initiatives locales n’exonèrent pas la direction générale dans le rôle qu’elle doit jouer et porter des mesures fortes pour faire progresser la parité.


Une autre réforme importante se met en place le 1er janvier 2023, celle de la disparition de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) qui va être remplacée par la responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP).


Une réforme était nécessaire. Dans le système actuel, la mise en jeu de la RPP s’applique hors de toute appréciation sur la façon de servir et avec la volonté de prendre en considération la totalité des opérations et décisions des gestionnaires publics sans en distinguer les enjeux et les contextes (notion de responsabilité, même sans faute, dès le premier euro).


La mise en débet des comptables publics n’est pas théorique : chaque année, on dénombre environ 900 débets pour les comptables publics de la DGFiP, souvent sur des questions de formalisme, à comparer avec la dizaine d’arrêts de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).


Le dispositif est coûteux et formel (le juge des comptes demande dans certains cas de prouver les diligences par des dizaines voire des centaines de pièces justificatives cote par cote, plusieurs années après), déséquilibré (dans près de 70 % des cas, le débet trouve son origine chez l’ordonnateur) et long (2 à 3 ans entre l’ouverture du contrôle juridictionnel et la mise en débet s’il n’y a pas de pourvoi en cassation).


La crainte d’être mis en débet, en particulier en matière de recouvrement, peut également conduire des comptables publics à multiplier les poursuites sur des cotes sans enjeux ou dont le recouvrement est fortement compromis, comme pour les entreprises débitrices en procédures collectives.


Le choix a été fait de ne pas retenir la réparation du préjudice financier mais un système qui sanctionne les personnes, ordonnateurs et/ou comptables, avec la fin du pouvoir de remise gracieuse du Ministre. Ainsi, un nouveau régime de responsabilité commun aux ordonnateurs et aux comptables publics, en excluant les élus, avec une juridiction unique (la 7ème chambre de la Cour des comptes) sera effectif à compter du 1er janvier 2023.


Le nouveau régime, inspiré de la CDBF, doit se concentrer sur les fautes graves ayant causé un préjudice financier significatif. Mme Hirsch de Kersauson, la précédente Procureure générale de la Cour des comptes, a indiqué vouloir poursuivre les fautes les plus graves, l’objectif n’étant pas de générer, selon elle, un contentieux de masse.


La Cour des comptes s’inscrit dans la continuité des objectifs de réforme en 2008-2009 de PhilippeSéguin, alors Premier président de la Cour,  visant à mettre fin à la « justice retenue » (en dépit du droit de grâce qui existe en droit positif).


Cette réforme se met en place avec une inconnue, celle de la jurisprudence qui précisera les notions de faute grave et de préjudice financier significatif que l’ordonnance laisse ouvertes aux interprétations du juge financier, avec possibilité de faire appel et sous le contrôle du juge de
cassation, le Conseil d’État. Pour l’ADAFiP, le caractère non rémissible des futures amendes (jusqu’à 6 mois de la rémunération) ne doit pas conduire à un blocage de l’action de l’administration et du comptable public. Compte tenu du risque d’être mis à l’amende et de
l’absence de jurisprudence, le risque d’une « sur-sécurisation » des processus et des contrôles est réel. De même, en phase juridictionnelle, il est fort probable que les ordonnateurs et les comptables auront recours au ministère d’avocat, ce qui était jusque-là rare pour les comptables mis en débet. Cette juridictionnalisation ne sera pas sans conséquences sur le fonctionnement quotidien des services des ordonnateurs et des comptables publics.


Les amendes prononcées passeraient de 2 ans (CDBF) à 6 mois du traitement annuel. Ces amendes, non rémissibles, sont a priori non assurables. Le caractère non assurable interroge au regard de la jurisprudence administrative qui distingue la faute commise par l’agent (faute de service) ou la faute pouvant être considérée comme détachable du service (faute personnelle). Il sera intéressant d’analyser la jurisprudence de la Cour à ce sujet.


La mise en œuvre de la réforme implique de mener à bien les travaux nécessaires pour sécuriser les process internes, en particulier grâce au contrôle interne, pour limiter le risque de faute grave avec des enjeux financiers significatifs mais aussi de mieux coordonner et proportionner les contrôles, et simplifier les procédures afin d’en retirer le bénéfice attendu en termes d’efficience. Des échanges avec les ordonnateurs, au sein de l’État, des collectivités locales et des établissements de santé publics, il ressort des niveaux de sensibilisation et de préparation hétérogènes.


La fin de la RPP aura-t-elle des incidences sur les rémunérations des comptables publics ?


Poser la question du maintien du régime de rémunération avec la disparition de la RPP me semble constituer un biais dans le raisonnement. Qu’il s’agisse de RPP ou de RGP, la responsabilité du maniement des deniers publics demeure la même. Les comptables publics sont les garants de l’ordre public financier de la Nation.


Par ailleurs, ce niveau de rémunération est à la hauteur des responsabilités exercées. Les AGFiP et les AFiP sont à la tête de directions ou de services à enjeux financiers et managériaux importants. À titre d’exemple, la DRFiP de Paris, en plus des enjeux de très grande ampleur qu’ils soient fiscaux et financiers, compte 4 200 collaborateurs.


En outre, depuis la fusion en 2008, la rémunération des AGFiP/AFiP a connu différents rebasages à la baisse, alors même qu’avec la fusion DGI/DGCP, le champ des responsabilités s’est accru. Il conviendrait également de comparer ce qui est comparable. Les AGFiP et les AFiP, soumis à de fortes contraintes de mobilité géographique, avec souvent une double résidence, ne bénéficient pas d’avantages en nature (logement et véhicule de fonction, etc.).


Enfin, si on veut garder les talents et en attirer de l'extérieur, la DGFiP doit pouvoir proposer des conditions de travail et des rémunérations attractives et donc comparables à celles d'autres grands corps ou à celles pratiquées dans des établissements publics, notamment financiers – c’est, me semble-t-il, le message adressé par le Président de la République sur la refonte des rémunérations dans la Fonction publique.


Le prochain PLF va être transmis au Parlement. La DGFiP peut-elle encore faire des suppressions emplois ?


La DGFiP a restitué 40 000 emplois depuis 20 ans, ce qui fait d’elle l’administration civile qui a certainement rendu le plus d’emplois ces dernières années. Elle compte aujourd’hui moins de 97 000 agents contre près de 140 000 en 2000.


Les suppressions d’emploi sont possibles lorsque des gains de productivité sont constatés objectivement et lorsque les réformes ont produit tous leurs effets et fonctionnent en mode nominal. Ces suppressions permettent de réduire la dépense publique ou de redéployer des moyens vers d’autres ministères (justice, santé, armée, etc.).


Cependant, l’effort marginal de chaque suppression d’emploi est plus important année après année.


À noter que la dette technique informatique de la DGFiP, reconnue par la Cour des comptes, pèse également. Les nombreuses réformes en cours, notamment celle du nouveau réseau de proximité avec une réduction de près de la moitié des postes comptables et en parallèle une augmentation des points de contacts pour les usagers, provoquent des changements importants et profonds. Certaines de ces réformes n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière.


Par conséquent, c’est en tenant compte de ces différents paramètres que le niveau de suppressions d’emploi doit être déterminé.


Avec la réforme, que devient l’ADAFiP et va-t-elle changer de nom ?


L’objet social de l’ADAFiP, réformes ou pas, demeure. Le nombre d’adhésions a fortement crû avec plus de 50 % des membres du corps qui sont adhérents à l’association ; 80 % des numéros 1 des directions territoriales, spécialisées et nationales sont adhérents. Une assemblée générale extraordinaire va être convoquée avant la fin de l’année pour décider si l’on change de nom ou pas.


Plusieurs noms circulent. On peut également imaginer garder le même nom, administrateur se rapportant aussi bien aux AFiP qu’aux administrateurs de l’État travaillant au sein de l’administration des finances publiques.

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