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16 / 04 / 2019 | 136 vues
Didier Cozin / Membre
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La formation, la culture et l'éducation sont devenues les carburants et le moteur du développement

Les études que celles-ci proviennent de l'éducation nationale (DEPP) de l'OCDE (PISA) ou du CEREQ le confirment toutes : les Français qu'ils soient enfants, adultes ou salariés ne sont plus assez qualifiés et instruits pour l'économie de la connaissance et de l'information.

Depuis les trente glorieuses, les travailleurs "fragiles" accèdent le moins à la formation mais seraient aussi, par contrecoup, les moins mobiles et demandeurs de formation.

C'est une situation qui handicape fortement les anciens pays développés dans le monde : l'affaissement des systèmes éducatifs qu'ils soient publics ou privés, professionnels ou généraux, système éducatifs devenus à la fois inadaptés, déclassés et dépassés dans un monde en réseau, compétitif et innovant.
 

La société industrielle se contentait d'un minimum d'éducation pour le plus grand nombre
 

Depuis les prémisses de la société industrielle chacun avait pu s'approprier la formule de Victor Hugo "Ouvrir une école c'est fermer une prison". Toutefois en Occident (et aussi en France avec le plan gouvernemental d'ouverture de 10 000 places de prisons supplémentaires) nous pourrions disposer de beaucoup d'écoles et d'encore plus de nouvelles places de prisons.
 

Jadis dans l'entreprise tayloriste seul le bureau des méthodes (les ingénieurs et techniciens) réfléchissait, imaginait et se formait face à la masse des travailleurs confinés dans des tâches d'exécution sans réflexion ni quelconque pouvoir d'initiative. La lutte des classes permettait seule de peser sur les contenus ou les conditions de travail des ouvriers.
 

En 2019, il faudrait ne plus confondre l'éducation formelle et l'éducation réelle
 

Si personne ne conteste plus l'immense intérêt d'une éducation de qualité et généralisée, la plupart des anciennes nations industrielles confondent encore école et éducation, instruction et institutions éducatives, formation et apprentissage.
 

Quittant les rivages de la société industrielle, à l'aube d'une nouvelle ère où l'intelligence et l'information règnent en maîtresses, l'école doit radicalement muter.
 

La fin des trente glorieuses fut provoquée par les crises sociales et la fin de l'énergie bon marché. Le mouvement social d'après-68 entraîna la quasi disparition de la discipline, du goût de l'effort, de la volonté même de transmettre des connaissances (dans les familles, dans l'entreprise, à l'école) au profit d'une idéologie hédoniste de l'épanouissement personnel, de l'individu à la fois roi et consommateur compulsif (de biens, de loisirs...).
 

L'école n'a pas su ni voulu changer

Elle a gardé le plus commode et normé dans l'éducation (le formalisme) sans intégrer ni comprendre les nouveaux enjeux et attentes de la société.
Si la société a totalement changé, l'école en 2019 fonctionne globalement à l'identique de celle mise en place par Victor Duruy ou Jules Ferry  :

  • une école centralisée dont les programmes nationaux sont déclinés depuis Paris sans volonté ni capacité d'adaptation locale et sociale
  • une école publique, laïque et monopolistique où les descendants (souvent démotivés) des hussards noirs de la République sont censés dispenser la bonne parole publique (respect, tolérance, tempérance, persévérance, courage...)
  • une éducation où un "maître sachant" trône au milieu d'enfants censés l'écouter avec respect, admiration et envie de l'imiter
  • une école toujours organisée en classe de 55 minutes, coupée de pauses innombrables (pour faire vivre les stations de vacances) avec des effectifs variant entre 25 et 35 élèves sur une année à la fois courte et concentrée sans tenir compte de l'âge ni des capacités des enfants (capacités fort différentes à l'âge de 4 ans ou celui de 16 ans)
  • une école où les familles et la société sont globalement des intruses, des obstacles ou, pire encore, des empêcheurs d'éduquer et de contrôler


Pourtant tout a changé dans le monde et en France depuis Jules Ferry et Langevin et Wallon

 

  • l'éducation, l'information, la connaissance sont partout, immédiatement disponibles, elles constituent une ressource abondante (un flux ininterrompu), quasi-gratuite et accessible en un clic 
  • la formation et l'éducation se réalisent  tout au long de la vie, cet apprentissage tout au long de la vie réduit l'importance et l'intérêt même du diplôme (devenu simple preuve d'une endurance éducative ou sociale). Chacun aujourd'hui doit devenir capable de résilience, de mobilité, loin des déterminisme sociaux ou d'un diplôme obtenu parfois il y a plusieurs décennies
  • le savoir est devenu collectif et collaboratif (encore plus qu'autrefois) et la figure du savant ou du "géo trouvetout" génial et isolé dans son cabinet mute au profit des collectifs de chercheurs ou d'entrepreneurs qui communiquent et travaillent tout autour de la planète (en anglais en général)


Face à ces changements fondamentaux l'école ne parvient pas à se transformer en accompagnatrice des individus, des parcours et des opportunités sociales ou professionnelles

 

  • elle s'est largement coupée du pays, de la société (et de ses entreprises) avec son million de fonctionnaires loin de la réalité sociale et du travail réel 
  • elle a diabolisé l'enseignement privé et refusé d'être concurrencée (et challengée) par d'autres pédagogies et d'autres systèmes de transmission
  • elle refuse la collaboration avec des familles considérées comme incapables et incompétentes alors que l'avenir de l'éducation est au co-investissement (y compris financier)
  • elle refuse de prendre en compte et de réagir rapidement face au désastre éducatif actuel (le choc PISA n'a jamais lieu, le décrochage scolaire, l'absence d'éducation et les inégalités béantes sont minorés ou passés sous silence)

L'école, à l'instar de beaucoup de grandes organisations, est en proie à l'autisme, tentée de travailler à la seule cohabitation sociale et économique de son million d'enseignants.
 

La mauvaise éducation avait autrefois peu de conséquence sur la société industrielle
 

Le système des grandes écoles, des écoles d'ingénieurs ou de commerce suffisait à produire une "élite" de cadres face à la masse des travailleurs exécutants, peu satisfaits de leur sort, mais conservant tout de même un avenir et une dignité professionnels.


Les grands systèmes sociaux providentiels (retraite, maladie, chômage) servaient de commodes amortisseurs des crises ou de voiture-balai pour ceux qui décrochaient du système.

 

Au XXIe siècle le capital humain est le premier facteur de développement d'une société
 

Si les XIXe et XXe siècle pouvaient se permettre de ne bien former qu'une (future) élite de travailleurs, au XXIe siècle, dans la société de la connaissance et de l'information, ce modèle du Pareto appliqué à l'éducation (20 % de très éduqués et 80 % d'exécutants non qualifiés et peu investis) ne fonctionne plus, bloque tout espoir de rebond économique ou de refondation d'une ascension sociale.
 

  • le savoir est devenu collaboratif : si dans un collectif au travail une seule personne ne sait pas, ne veut pas apprendre ou changer c'est toute la chaîne de production qui en pâtit
  • le savoir est le premier levier dans les organisations. Si l'entreprise apprenante est un idéal difficile à atteindre (comme tout idéal) le modèle français actuel, avec à peine 10 % d'entreprises apprenantes, ne peut qu'entraîner notre déclin économique et social 
  • l'État providence à force d'être sollicité ne peut plus oeuvrer pour tous en tout lieu et à tout instant. Il dépend en grande partie du niveau d'éducation, de responsabilisation, d'autonomisation des habitants d'un pays.

Si de considérables efforts éducatifs ne sont pas très rapidement entrepris notre pays régressera et rabougrira tout au long du siècle
 

Face aux immenses défis post-industriels que sont la préservation du climat et de l'environnement, la numérisation et l'automatisation généralisées, la globalisation et la mondialisation des compétences et des métiers, les mutations de l'organisation du travail (moins de salariat, plus de travail indépendant) les habitants de notre pays doivent sans tarder consacrer une bonne part de leur loisirs à apprendre (150 heures par an au moins, soit 30 minutes par jour).


Le défi n'est pas tant financier (on peut apprendre sans bourse délier avec Internet, des livres ou des pairs) mais social et organisationnel. Comment convertir et investir pour l'éducation et la formation la totalité des habitants d'un pays ? c'est le défi redoutable auquel nous sommes confrontés, bien plus important que les contingences de pouvoirs d'achat ou de fiscalité. 

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