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20 / 07 / 2023 | 168 vues
Claire Guelmani / Membre
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France Travail: la réalité derrière le mirage

Une mission de préfiguration a été diligentée sous la houlette de Thibaut Guilluy. Son rapport intitulé : « France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein-emploi et permettre ainsi l’accès de tous à l’autonomie et la dignité par le travail » a été remis à Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion en avril  dernier. Il énonce 99 propositions pour une réforme en profondeur du service public de l’emploi.

 

Au-delà du rapport de la mission de préfiguration, une loi sera nécessaire pour concrétiser cette réforme. Un avant-projet de loi de 31 pages a été dévoilé trois semaines après l’officialisation du rapport de la mission de préfiguration. Nous ne pouvons qu’admirer la rapidité de sa rédaction…Reste à savoir s’il sera voté, comment il sera, ou non, amendé par le Parlement, à moins que l’article 49.3 de la Constitution ne s’invite une nouvelle fois sur la scène législative.

 

En l'état , cet avant-projet reprend en partie des éléments du rapport de la mission de préfiguration mais introduit également quelques éléments inattendus comme l’inscription obligatoire et automatique des conjoints, concubins et partenaires liés par un Pacs des personnes qui demandent le RSA. Cette disposition interroge sur sa finalité, mais également sur sa gestion pratique.

 

L’ambition du projet France Travail


Selon le ministère du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion : « Le chômage a significativement baissé et le taux d’emploi a retrouvé en France un niveau jamais atteint depuis les années 1970. Pourtant, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à rencontrer des difficultés importantes de recrutement et de très nombreuses personnes dépourvues d’emploi peinent à retrouver un travail ».

 

Selon les porteurs du projet, face à la complexité du système, il s’agit de formuler des propositions qui visent à organiser les conditions de la collaboration et de l’efficacité collective, dans le cadre d’une gouvernance d’ensemble assurée par l’Etat, les collectivités et les partenaires sociaux. Le réseau France Travail serait un écosystème au centre duquel se trouve l’opérateur France Travail (ex-Pôle emploi) chargé pour sa part de coordonner l’action de tous les acteurs, parmi lesquels les missions locales, Cap emploi, les Conseils généraux…

 

France Travail a l’ambition d’être une solution simple au service des entreprises et des personnes privées d’emploi. Accompagner les premières dans leur recrutement, et les seconds dans leur recherche d’emploi. L’opérateur France Travail (ex-Pôle emploi) deviendrait la porte d’entrée unique pour les personnes privées d’emploi.

 

A la clé, les promesses d’une meilleure coopération entre les acteurs, mais aussi celles d’un investissement social. Une amélioration significative de l’offre de service en direction des personnes, notamment les plus éloignées de l’emploi, par des parcours d’accompagnement personnalisés et plus intensifs, et en direction des entreprises, le tout visant à une réduction drastique des emplois non pourvus faute de candidats.

 

La réalité derrière le mirage

 

Ces affirmations dignes d’une brochure publicitaire ont pour objectif de faire rêver mais elles cachent une réalité tout autre. Tout d’abord dans les mots utilisés. Le premier questionnement réside dans le changement de nom de Pôle emploi en France Travail

 

Selon le dictionnaire Le Robert, « emploi » se définit par « ce à quoi s’applique une activité rétribuée », alors que « travail » se définit comme l’« ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; activité productive d’une personne ». Ainsi, l’emploi sous-entend une rémunération en échange d’un travail fourni, qui se concrétise par la relation contractuelle au sein du contrat de travail, alors que le travail regroupe toutes les activités humaines organisées comme le bénévolat et même l’esclavage.

 

Dès lors, la finalité de France Travail interroge au-delà même du changement de nom pour Pôle emploi. Est-ce un signe avant-coureur des jobs 0h à la britannique ?

 

Renforcement des contrôles, pas des effectifs

 

La meilleure coopération entre les acteurs et le meilleur investissement social doit conduire à des parcours d’accompagnement personnalisés et plus intensifs, visant une réduction drastique des emplois non pourvus. Or, au regard des éléments disponibles à ce jour, il n’est pas prévu de recrutements au sein de Pôle emploi / opérateur France Travail, mais plutôt de « redéployer des ressources ».

 

Il est à craindre que sous cet euphémisme se cache une réduction d’effectifs au sein de certains services, pour les orienter vers l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises : faire plus sans avoir des moyens en plus.

 

En parallèle, les engagements des demandeurs d’emploi inscrits dans le contrat d’engagement seront contrôlés. Il se murmure déjà que les services dédiés à cette activité seraient renforcés.

 

Un résumé rapide du projet conduit donc à entrevoir un avenir dans lequel les demandeurs d’emploi dans leur ensemble seraient encore plus contrôlés mais pas forcément mieux accompagnés, non par manque de volonté des conseillers mais par manque de moyens de l’institution.

 

Craintes pour l’avenir

 

Les conditions d’indemnisation du chômage, mises à mal par l’exécutif, amènent déjà des demandeurs d’emploi insatisfaits du système à s’en prendre aux agents qui le représentent. Tout ceci ne pourra que conduire à une dégradation des conditions de travail des agents de Pôle emploi / opérateur France Travail qui, par le travail empêché, seront encore plus exposés à des facteurs de RPS (Risques Psycho-Sociaux) et aux agressions des usagers.

 

A ceci s’ajoute le risque d’un démantèlement de la Convention Collective Nationale des personnels de Pôle emploi, avec son lot de perte des droits conquis.


Les demandeurs d’emploi pourraient, de leur côté, être contraints d’accepter des emplois dont ils ne veulent pas, sous la pression des engagements à respecter, de la peur des sanctions, du prétexte du nombre de postes non pourvus qu’il faut réduire drastiquement. Les demandeurs d’emploi devront accepter un contrat d’engagement  (en lieu et place de l’actuel Projet Personnalisé d’Accès à l’Emploi). Ils devront y apporter la plus grande attention pour n’y sceller que les conditions d’emploi et emplois vraiment acceptés, sans céder aux pressions : ce qui est appelé l’offre raisonnable d’emploi. Car c’est bien sur la base de cette offre raisonnable d’emploi, scellée dans le contrat d’engagement, que vont s’effectuer les contrôles ..

 

France Travail et sa simplicité sont une promesse électorale qui, dans sa concrétisation, ne conduira assurément pas au système parfait et vertueux décrit dans la brochure publicitaire. Vigilance.!!

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