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26 / 05 / 2025 | 60 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Développer la culture du risque pour un avenir durable

À travers des interviews et des contributions de philosophes, de sociologues, de scientifiques, de psychologues, d’experts, ainsi que des témoignages d’autres entreprises, Octave (*) la revue semestrielle de la Matmut,  vise à bousculer les idées reçues et à ouvrir le débat pour les mettre en perspective. Après l'intelligence artificielle, la durabilité, le dernier numéro a été axé sur la prévention... « Assureur-préventeur » : c’est le rôle que la Matmut veut aujourd’hui incarner. Ces deux mots structurent la vision du Groupe, qui place la prévention au rang de ses priorités. Pour inciter chacun à endosser de nouvelles responsabilités et faire face collectivement à des risques mouvants et en fort développement. 

 

Stéphane Hasselot, membre du comité exécutif du Groupe Matmut, en charge de la direction assurance santé, Stéphane Muller, membre du comité exécutif du Groupe Matmut, en charge de la direction assurances IARD et Christian Pasquetti, vice-président directeur général Mgéfi  y livre leurs réflexions...

 

La prévention est une vaste notion : que représente-t-elle pour le Groupe Matmut ?

 

Stéphane Muller : C’est une véritable boussole à l’échelle de notre Groupe. Elle structure notre feuille de route stratégique, de nos actions sur le terrain, auprès de nos sociétaires, à nos choix d’investissements. Nous voulons dépasser notre rôle d’assureur qui indemnise, et devenir assureur-préventeur, ce qui change notre modèle. Pour cela, nous devons parvenir à créer une communauté d’intérêts entre prévenir, assurer et indemniser. À l’heure où l’impact des risques — naturels notamment — s’accroît, la prévention aide à préserver l’engagement mutualiste qui est le nôtre, et ainsi protéger nos sociétaires à long terme.

 

Stéphane Hasselot : En tant qu’assureur santé, améliorer la santé de chacun est inscrit dans nos gènes. Mais s’engager dans la prévention appelle une rupture psychologique et nous confronte à une dualité temporelle. Nous le savons, les efforts d’acculturation et de sensibilisation porteront leurs fruits sur le long terme. Or, les sociétaires qui bénéficient aujourd’hui de nos actions de prévention quitteront peut-être la Matmut dès demain. Notre regard dépasse cette réalité. Parce que, in fine, si chacun, sociétaire ou non, intègre la prévention dans ses habitudes de vie, les coûts de prise en charge des pathologies seront mieux maîtrisés. À terme, la prévention garantit la robustesse et la fiabilité de nos engagements envers nos sociétaires. Ce qui assure la pérennité du fonctionnement mutualiste qui est le nôtre.

 

Christian Pasquetti : Ce qui compte aussi en matière de prévention santé, c’est la proximité et le rapport humain. Chez Mgéfi, nous intervenons par exemple auprès des agents de la fonction publique d’État. Au total, 28 000 personnes ont participé à nos 580 initiatives de prévention en 2023. Et nous travaillons main dans la main avec les employeurs de la fonction publique, qui mesurent que prendre soin de la santé de leurs agents est aussi une manière de nourrir le dialogue social et de contribuer à leur attractivité.

 

Alors que de nouveaux risques émergent, notamment climatiques, ou en santé, comment faire évoluer la prévention ?

 

Stéphane Muller : Historiquement, en assurance IARD, tout a démarré avec la prévention routière, dans les années 70, avec les résultats que l’on connaît sur la baisse de la mortalité. Au fil du temps, la prévention s’est étendue aux risques d’accident de la vie courante, à l’habitation… Aujourd’hui, les risques naturels représentent près de 50 % des sinistres que nous enregistrons. Les prévenir se fait nécessité. Et leur modélisation devient plus fine et plus précise, la puissance de calcul augmente , les données d’analyse sont plus nombreuses.
 

Nous le constatons, le gain financier de certaines actions de prévention, pour certaines d’une grande simplicité, est rapidement mesurable.
 

Par exemple, en cas d’inondation, deux maisons voisines peuvent être très différemment impactées si l’une est équipée de batardeaux et l’autre, non. Dans la première, l’eau montera de quelques centimètres, et les dommages seront limités.
 

Dans la seconde, il faudra sans doute tout rénover. La prégnance des risques climatiques pose aussi la question de l’obligation de reconstruire à l’identique. Nous préconisons plutôt de penser la remise en état de manière à réduire les dommages si l’événement climatique se reproduit. C’est le rôle de nos ingénieurs préventeurs. En matière de prévention, l’efficience de la démarche s'impose. Mais cette responsabilité ne relève pas seulement de l’assureur.

 

Stéphane Hasselot : En santé, les facteurs de risque sont bien connus. La sédentarité, la consommation de tabac ou encore le surpoids entraînent une prévalence croissante des maladies chroniques. Couplées au vieillissement de la population, elles questionnent même la soutenabilité de notre système de santé. Mais il est difficile de mobiliser sur les sujets de prévention. Cela nécessite de répéter les actions et de les rendre accessibles à tous.
 

D’innover aussi. À l’instar de ce que nous faisons avec la startup Metacoaching (pour aller plus loin, voir page 48) ou du programme B.A.S.E[1]. Celui-ci propose aux chefs d’entreprise, qui ne prennent pas toujours le temps de se préoccuper de leur santé, de réaliser un check-up physique et psychologique en une demi-journée. L’intérêt ? Préserver la santé des chefs d’entreprise en premier lieu, et ainsi contribuer au bon fonctionnement de leur entreprise, et donc à la durabilité des emplois qu’ils créent.
 

Tout ce que nous mettons en œuvre vise à rendre les gens plus conscients, sans engendrer la peur. Parce que la prévention repose sur la responsabilité individuelle de chacun. Nous proposons donc des outils dont chacun peut se saisir. Et ainsi agir pour le bien commun.

 

Christian Pasquetti : En effet, rien ne fonctionnera en matière de prévention sans un effort global de nos sociétés. Éducation, formation et information restent des principes génériques pour engager des changements de comportements. C’est grâce à de nouvelles habitudes, en termes d’alimentation, d’activité physique, de mode de vie, que nous pourrons, en grande partie, améliorer et maîtriser les coûts liés à la santé de nos concitoyens. L’effort à fournir est, certes, intense, et il relève d’une prise de conscience collective, de la part de tous les acteurs.

 

À l’avenir, comment la prévention peut-elle contribuer à préserver l’assurabilité du monde ?

 

Christian Pasquetti : L’impact des actions de prévention est complexe à évaluer. Et mesurer l’état de santé de chacun pour l’associer à un comportement soulève la problématique de l’omniprésence des technologies et de l’emploi des données de santé. Des voix s’élèvent déjà, au sujet des appareils connectés (montres, balances…), qui permettent de monitorer la santé de chacun. Se pose la question de l’usage de ces outils et de la diffusion des informations collectées. Le défi de demain ? Passer de la loi des grands nombres à l’échelle individuelle et déployer une prévention mesurable et quantifiable.

 

Stéphane Hasselot : En assurance santé, nous ne sélectionnons pas le risque. Cela signifie que nous couvrirons aussi bien une personne en bonne santé qu’une personne malade. Mais nous devons préserver nos équilibres techniques. Ce qui implique d’ajuster le niveau de cotisations si nos prestations augmentent, pour toujours mutualiser le risque. D’où la nécessité économique de diminuer les coûts de santé grâce à la prévention.
 

Chacun doit comprendre que détecter les pathologies plus tôt ou modifier certains comportements minimise le besoin de prise en charge, et donc son coût. Aujourd’hui, c'est l’incitation qui prévaut. À l’avenir, rendre obligatoires certains examens s’imposera probablement. Cela demandera du courage. Mais si, à la faveur de ces efforts, on tombe moins malade, l’objectif sera atteint, à l’échelle de la Matmut, et, surtout, à l’échelle sociétale. Car, finalement, ce qui compte, c’est la bonne santé des gens.

 

Stéphane Muller : Nous nous trouvons également face à un défi d’ordre économique. L’ONU a classé l’inassurabilité au rang des six plus grands périls pour l’humanité. La hausse des cotisations des contrats d’assurance est inexorable. Dès le 1er janvier 2025, la part qui finance le régime Catastrophes naturelles va passer de 12 à 20 %. Avec la prévalence et la violence des risques naturels et des dommages associés, le coût des assurances Habitation va continuer de grimper.
 

Et, au-delà d’un certain seuil, il ne sera plus possible de l’augmenter: nous atteindrons alors l’inassurabilité. Cela n’arrivera pas du jour au lendemain.
 

Mais, de la même manière que le changement climatique est déjà en marche, la prise de conscience de ce qui s’opère doit s’engager dès maintenant.
 

Concrètement, cela implique de faire preuve d’un pragmatisme de chaque instant, pour limiter la hausse des cotisations et maintenir l’assurabilité du plus grand nombre, mais aussi pour accompagner ceux qui sont exposés aux risques afin qu’ils se protègent mieux. C’est cet effort qui pourra amortir le choc inévitable auquel nous allons devoir faire face collectivement. Et cette question de la durabilité est essentielle dans ce que le Groupe Matmut engage aujourd’hui.

 

[1]Bilan annuel de santé de l’entrepreneur

 

 

(*) Octave, la revue de la Matmut, récompensée au Grand Prix de la Communication 2025

 

Le 15 mai 2025, Octave, la revue  de la Matmut, a remporté le prix Or de l’édition dans la catégorie "Sensibilisation et Engagement" lors de la 38e édition du Grand Prix de la Communication. Ce prix, fruit de la délibération d’un jury de 40 professionnels de la communication, est dédié aux supports print, récompense une publication qui se distingue par sa créativité, son excellence et son innovation éditoriale.

Octave constitue un espace de réflexion où les points de vue internes et externes se croisent, ouvrant ainsi le débat et nourrissant une pensée collective.

 

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