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24 / 04 / 2020 | 109 vues
Philippe Grasset / Abonné
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Congés et RTT rognés pour les agents : gestion par la suspicion

Depuis le 16 mars, après quelques jours de flottement, le nombre d’agents des ministères économique et financier en présentiel a fortement diminué. L’intervention des organisations syndicales n’est pas étrangère à cette évolution. La grande majorité du personnel (85 %) est aujourd’hui en autorisation spéciale d'absence (ASA) ou en télétravail.
 

Ce dernier mode d’exercice des missions a été très largement étendu. Il est devenu le quotidien de milliers de fonctionnaires déjà sous convention avant le début de la crise. En responsabilité, les organisations syndicales ont fait d’énormes concessions en la matière, afin de garantir la sécurité sanitaire des agents.
 

Une autre partie du personnel a été confinée chez elle, en position d’autorisation d’absence et sans activité, faute de dotations en matériel informatique suffisantes ou d’application compatible.
 

Une dernière enfin a dû gérer les enfants privés de crèches et d’écoles, s’isoler à cause de problèmes de santé et renoncer au présentiel parce que touchée par le virus.
 

Tous au même titre que les agents amenés à être présents dans les divers services, pour assurer la continuité du service public et la « vie de la Nation », ils n’en ont pas moins répondu aux consignes gouvernementales et aux exigences de devoir civique au regard de la collectivité. Ils ont fait preuve de sens de l’intérêt général et servi leur pays en évitant de contaminer ou d’être contaminés et de surcharger les services d’urgence et leur personnel. Ils ont ainsi fait preuve de responsabilité et d’engagement.
 

Au sens de l’intérêt général dont les agents ont fait preuve pour éviter une hécatombe, le gouvernement vient, à sa manière, de signifier sa façon de les en « remercier » en produisant une ordonnance (parue au Journal Officiel jeudi 16 avril) selon laquelle les RTT et congés payés pourront être rognés de 5 à 10 jours selon les cas, pour compenser la baisse ou l’interruption d’activité due au covid-19.
 

Ce dispositif est une obligation pour les agents publics en autorisation spéciale d’absence et une faculté à l’initiative des chefs de services pour ceux qui télétravaillent. Dans ce dernier cas, l’ordonnance nie que le télétravail est bien du travail puisqu’elle prévoit que les agents en télétravail voient également des jours de congés/RTT supprimés.
 

Comme si le confinement était synonyme de détente, voire de vacances ! Même les agents assurant le présentiel mais sur la base d’un roulement sont concernés par cette mesure scélérate.
 

Le gouvernement a donc décidé de tenir le personnel victime pour responsable et redevable (à son insu) du coronavirus et qui n’aura pas pu physiquement se rendre au travail. Pire, il introduit une division qui laisse penser qu’il y aurait d’un côté les « vertueux » et de l’autre les « profiteurs ».
 

Ce gouvernement oublie cyniquement que ceux qui sont restés à leur domicile (comme les agents dit en présentiel) n’ont pas eu le choix. Il n’empêche qu’après les arrêts de rigueur pour ceux confinés à leur domicile, une sanction supplémentaire leur est imposée avec la suppression de congés et RTT.
 

Le message est clair, inciter les agents à reprendre le chemin du travail, alors que les conditions sanitaires sur le lieu dudit travail ne sont pas garanties et que vous ne donnez pas l’assurance que tous les moyens seront mis en place pour les protéger.
 

L’incitation est perverse car elle sous-entend que plus les agents resteront chez eux, plus ils perdront de jours de congés, sauf à accepter de n’avoir aucune assurance d’avoir les moyens de protection nécessaires sur leur lieu de travail. Ensuite, que le sens civique dont ils font preuve depuis le 17 mars va s’évanouir et qu’ils vont se précipiter pour demander à prendre des congés dès leur reprise d’activité.
 

Après la stratégie du manque, la gestion par la suspicion.


De telles mesures sont indignes de la crise que nous sommes en train de vivre et elles laisseront des traces ; elles le sont d’autant plus qu’elles sont profondément injustes.
 

Les fédérations des finances solidaires, CGT, FO, CFDT, CFTC, UNSA et CFE-CGC considèrent que l’entraide et la solidarité doivent plus que jamais prendre le dessus sur la concurrence et l’individualisme.
 

Le gouvernement choisit la fracture entre les agents.
 

« Nous allons tous êtres acteurs de ce déconfinement. Il nous appartiendra à tous d’être responsables au moment du déconfinement » a déclaré le Premier Ministre ce 19 avril. Mais ce n’est pas une responsabilité où chacun serait renvoyé à lui-même dans une inégalité de conditions mais bel et bien une responsabilité collective assumée par ceux qui nous gouvernent et doivent prévoir et garantir l’intérêt général et le bien de tous.

C’est pourquoi les fédérations des finances demandent l’abrogation de l’ordonnance du 16 avril.

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