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06 / 07 / 2012 | 2 vues
Philippine Arnal Roux / Membre
Articles : 13
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« Les salariés perçoivent du danger au travail » - Patricia Mercier, médecin généraliste

Initiatrice de programmes de formation à la souffrance au travail, Patricia Mercier, médecin généraliste, évoque un tiraillement entre la perception du travail des salariés et la réalité quotidienne.
 
Comment définiriez-vous la notion de souffrance au travail ?


La souffrance au travail naît d’un décalage entre la représentation qu’ont les salariés de la valeur du travail et le travail en lui-même qu’ils effectuent. Quel que soit le secteur d’activité, il y a un tiraillement. Le travail participe idéalement à la construction identitaire mais dans les faits, l’organisation du travail, les méthodes de management régies par le dogme de la productivité les contraignent dans leurs initiatives. Ils perçoivent le décalage entre ce qu’il pourrait ou voudrait faire et la réalité. Cette perte d’autonomie est un facteur de stress. Le travail prescrit et les procédures gomment la participation et les compétences des salariés.


Dans quels secteurs recensez-vous une augmentation de la souffrance au travail ?


La souffrance est terrible dans les métiers de santé comme les infirmiers, les auxiliaires de vie ou les médecins généralistes. Dans les services administratifs également (l’enseignement, la grande distribution ou l’hôtellerie), les gens sont cassés. Ce sont tous des métiers qui font l’interface avec un public. Ils sont exposés à la souffrance sociale.


Quel est l’effet de la crise sur la souffrance au travail ?

Elle n’arrange rien, bien évidemment. Un discours ambiant culpabilisant s'est développé. La pression s’est accrue. On demande aux personnes de faire davantage sans qu’elles ne puissent exposer leurs solutions pour changer l’organisation. Les managers ont la tête dans le guidon avec la pression de la productivité ou de la rentabilité, ce qui provoque un effet boule de neige sur les différentes strates de l’entreprise, des DRH aux contremaîtres jusqu’aux ouvriers.


Concrètement, quelles sont les conséquences physiques et morales de cette souffrance ?


Les TMS ont augmenté de manière catastrophique. Par exemple, les employés de bureau ressentent de plus en plus de douleurs aux épaules, aux poignets. Ceci est lié à leur posture de plus en plus défensive et crispée au travail. Les salariés perçoivent du danger au travail. On recense également davantage de névroses post-traumatiques sévères. Ce qu’on peut appeler « burn-out ». À force de lutter pour essayer de tenir et de faire face, certains salariés s’effondrent. Le travail démolit. Les victimes ensuite éprouvent de grandes difficultés pour se réadapter et à se rééduquer socialement et professionnellement.
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