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22 / 12 / 2016 | 4 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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L'inégalité de salaire justifiée par la disparité du coût de la vie

Par l'arrêt Syntec du 27 janvier 2015, la Cour de cassation a créé une présomption de justification des différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs. 
 
Dans l'arrêt Renault du 14 septembre 2016, elle a de nouveau statué sur le principe d'égalité de traitement entre salariés. Il s'agissait dans cette affaire d'une différence de traitement opérée par acte unilatéral de l'employeur. La présomption de justification ne trouvait donc pas à s'appliquer.

En l'espèce, la société Renault appliquait un barème de rémunération différent entre les établissements situés en Île-de-France et un établissement situé à Douai. L'employeur arguait que la différence de traitement était justifiée par la différence du coût de la vie en Île-de-France et en province. Un syndicat de Douai a contesté cette pratique pour manquement au principe « à travail égal, salaire égal ». La Cour d'appel a rejeté cet argument dans un arrêt du 30 septembre 2014. Le 14 septembre 2016, la Cour de cassation a confirmé l'analyse des juges du fond, la Cour d'appel « ayant constaté que la disparité du coût de la vie invoquée par l'employeur [...] était établie, [elle] en a exactement déduit que cette différence de traitement reposait sur une justification objective pertinente ».

Il faut rappeler que l'arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996 a consacré le principe « à travail égal, salaire égal ». Le périmètre de comparaison est l'entreprise, rendant dès lors possible la comparaison de salariés relevant d'établissements différents. Dans l'arrêt du 14 septembre 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a d'abord pris soin de rappeler l'exception à ce principe : « une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Cette position jurisprudentielle n'est pas nouvelle. La Cour restreint les possibilités de justification des différences de traitement entre salariés en imposant à l'employeur d'en prouver l'objectivité et la pertinence. Dans l'arrêt Renault, la justification tient en la différence du coût de la vie.

La Cour intègre officiellement « le coût de la vie ».

En 2010, la chambre sociale avait décidé qu'« il ne pouvait y avoir de différence de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale fondée sur la seule allégation d'un niveau du coût de la vie élevé à Paris qu'en province ». L'emploi des termes « la seule allégation » avait créé un doute sur la position de la Cour de cassation. Dans l'arrêt du 14 septembre 2016, la chambre sociale a dissipé ce doute en admettant qu'un employeur peut fonder une différence de rémunération entre des salariés de différents établissements sur la différence du coût de la vie. La Cour intègre officiellement « le coût de la vie » dans les raisons objectives justifiant une telle différence.
 
L'apport de l'arrêt Renault réside essentiellement dans la caractérisation de la pertinence du critère du coût de la vie, le système probatoire ayant été précisé. En l'espèce, l'employeur avait apporté de nombreux éléments statistiques démontrant la différence du coût de la vie entre Douai et l'Île-de-France, s'éloignant ainsi de la simple allégation. Il a fourni des éléments issus d'études statistiques et d'articles, démontrant les différences concernant le niveau des loyers, le prix d'achat d'un bien à usage d'habitation au mètre carré et les prix moyens des biens de consommation.

L'arrêt Renault pourrait également relancer le débat sur la pertinence d'un SMIC « régional »

Par cet arrêt, la Cour de cassation offre aux employeurs une nouvelle cause de justification des différences de traitement, même s'il est nécessaire qu'ils apportent une preuve suffisante de la différence constatée de rémunération. Elle donne également aux salariés des établissements de régions au coût de la vie élevé un argument pour négocier une rémunération plus avantageuse. Cependant, certains contestent cette décision du fait de l'éventuelle amplification des inégalités entre les territoires. L'arrêt Renault pourrait également relancer le débat sur la pertinence d'un SMIC « régional ». Néanmoins, la position de la chambre sociale de la Cour de cassation se comprend aisément. Une simple comparaison du prix du mètre carré en région parisienne et en province justifie d'octroyer des salaires plus élevés aux salariés travaillant dans la première.  

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