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09 / 10 / 2012 | 4 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Emplois contre productivité : est-ce la bonne et seule façon d’aborder l’évolution de nos organisations ?

Du conflit né de la modification de l’organisation du temps de travail dans les centres de relations clients (CRC) de Canal+, il apparaît que l’on oppose aujourd’hui productivité et emplois. Cette approche unique du débat est, selon nous, nouvelle et trop réductrice.

Ces dernières années, de profondes transformations ont affecté l’organisation des CRC de Canal+. Mais auparavant, lorsque des modifications importantes venaient à bousculer un ordre établi, l’ensemble des paramètres économiques, sociaux et organisationnels, étaient pris en considération pour être analysés, discutés, expliqués et négociés. Citons-en quelques exemples comme l’approche qualitative de la relation avec nos clients abonnés, les rémunérations, l’environnement, l’équilibre social, le cadre de travail…

Aujourd’hui, la seule alternative à ces évolutions est la contrainte imposée sur les organisations.

Avec ses effets délétères sur le climat social, les pressions exercées par le management ou les RH sur l’encadrement et, cerise sur le gâteau, l’épée de Damoclès d'une éventuelle externalisation de ces services jugés trop complexes à gérer socialement.

Le débat ouvert depuis quelques semaines se réduirait donc à ces deux postulats, la contrainte économique contre la contrainte sociale, oubliant au passage le nécessaire débat social, le respect de quelques règles du Code du travail, l’attention portée aux propositions alternatives...

Dans ces centres, le développement de nouvelles activités liées aux évolutions technologiques ou l’internalisation d’activités aujourd’hui réalisées par des prestataires externes devraient, selon certains de nos dirigeants, se réaliser à coûts constants ou en tout cas à coûts contraints. Réalité économique du groupe oblige, il faut maintenir coûte que coûte le niveau de rentabilité de Canal+, au besoin en bousculant quelques fondamentaux et en passant par pertes et profits, ce qui fait l’essentiel de la réussite collective : le lien social et le respect des partenaires sociaux.

Nous considérons que ce n’est pas le bon angle pour une approche qui doit être nécessairement globale.

La méthode adoptée aujourd'hui est de toute évidence responsable des tensions actuelles. Il y a quelques semaines, notre syndicat avait formulé des propositions constructives pour élargir le débat en nous appuyant notamment sur des exemples récents de modification profonde de l'organisation des CRC ou de l'évolution de certaines rémunérations des salariés concernés. À chaque fois, cela a été constructif, compréhensible et mis en œuvre dans la sérénité. Cela a été gagnant-gagnant.

  • Commençons par le plus ancien de ces chantiers, l’apparition des unités dédiées. Véritable tsunami dans l’organisation des CRC de Canal+, ce projet pouvait contribuer à rompre définitivement le dialogue social et compromettre l’avenir des centres. Mais ce projet avait vu le jour dans le cadre d’une feuille de route partagée, comprise et discutée par tous et notamment par les partenaires sociaux.

 
Cette feuille de route incluait d’abord et avant tout le dialogue comme postulat de base. De multiples tables rondes ont été organisées, des débats importants au comité d’entreprise ont permis d’appréhender les enjeux économiques et sociaux, de mesurer les effets sur l’organisation individuelle et collective, d’entendre les propositions constructives des uns et des autres, de les intégrer lorsque cela se justifiait... Résultat, une nouvelle organisation est née, pas dans la douleur mais comprise parce que discutée et partagée.

  • Second exemple plus récent, la nouvelle part variable de certaines catégories de salariés des CRC. Ce chantier sensible a été engagé avec succès par Armelle Baudard, ancienne patronne d'un des 2 CRC de Canal+. On touchait pourtant à quelques fondamentaux de la rémunération, mais là encore, plutôt que le passage en force le dialogue, l’explication, l’accompagnement etc. ont été privilégiés.

Notre syndicat était alors force de propositions. Nouveau succès, des salariés satisfaits, l’évitement de tensions sociales inutiles, l’engagement sur la durée du dialogue et de la concertation.

Une voie sociale de la réussite

Depuis sept ans, nous ne revendiquons pas l’application autocratique de décisions importantes, le tout enrobé dans un pseudo dialogue social, mais bien l’acceptation du débat et de la contradiction.

Les blocages d’aujourd’hui viennent de cette incapacité à respecter le débat contradictoire. « J’ai forcément raison, ils exécutent… Je sais comment diriger une entreprise, ils n’en savent rien… Je pilote sur le plan économique, le social ne doit pas être une contrainte et doit suivre… ». Ainsi s’expliquent les tensions sociales permanentes, récurrentes d'aujourd'hui.

  • Dans cette affaire, c’est encore une fois la méthode qui bloque, l’approche parfois simpliste l’emporte sur une réflexion plus vaste qui engloberait l’environnement, les rémunérations, la formation, les évolutions de carrière...


Car le débat peut être ouvert, il n'y a pas de sujet tabou, des plus simples aux plus épineux.

Contrairement à la caricature ambiante qui voudrait cantonner les responsables syndicaux dans le champ de la contestation stérile, nous avons toujours fait la preuve de notre volonté de participer positivement à l’adaptation des entreprises et aux évolutions des organisations.

Les exemples sont très nombreux mais il y faut une volonté réciproque. Or, cette volonté n’existe plus. Les rares épisodes de dialogue constructif sont arrachés de haute lutte, tout ce qui fait la qualité du dialogue social, tout ce qui permet l’engagement individuel et collectif est annihilé par la contrainte et la volonté d’affaiblir ses partenaires. La confiance disparue, il est alors difficile de construire l'avenir dans la sérenité.

Dans cette affaire, comme dans d’autres, privilégions le dialogue. Choisir une autre voie, celle de la contrainte, ferait prendre de grands risques pour les chantiers sociaux qui nous attendent.

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