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03 / 01 / 2018 | 45 vues
Philippe Grasset / Abonné
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Harcèlement sexuel : la fin du silence ?

L’actualité de ces derniers mois a mis en lumière un phénomène connu mais longtemps tu : le harcèlement sexuel. Il a différents visages puisqu’il peut tout avoir lieu dans la rue, dans les transports, dans le cercle familial mais également dans le monde du travail. À ce titre, il serait vain de penser que les directions de Bercy sont exclues de ces scandaleux comportements. Il est pleinement du rôle de notre fédération de s’impliquer dans cette démarche de lutte contre le harcèlement, qui s’inscrit pleinement dans la lutte pour l’égalité professionnelle. Heureusement et même si c’est encore récent, les pouvoirs publics n’ont pas attendu une affaire très médiatisée  pour prendre ce dossier à bras le corps.

D’abord un vide législatif à combler

Le 4 mai 2012, l’abrogation choc d’un article du Code pénal réprimant le harcèlement sexuel a été le point de départ d’une prise de conscience collective d’un manquement de règles dans le droit français.

Cette abrogation a été dramatique pour les victimes, privées de recours quand le harcèlement sexuel n’avait pas lieu dans le cadre des relations professionnelles dans le travail.

La loi 2012-954 du 6 août 2012 a été la première votée sous le quinquennat de François Hollande et a permis de combler un vide juridique abyssal. Rétablissant dans le Code pénal l’article 222-33, elle définit de façon plus précise et plus large le délit de harcèlement sexuel et aggrave les sanctions encourues.

Au-delà du droit, c’est plutôt la chape de plomb de la société en général entourant ces affaires qui a empêché, jusqu’à ce jour, de briser une autre loi beaucoup plus forte et pernicieuse : la loi du silence.

Et dans la fonction publique?

Un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle, signé le 8 mars 2013 par l’ensemble des fédérations de fonctionnaires, a inscrit un axe spécifique intitulé « prévenir toutes les violences faites aux agents sur leur lieu de travail et lutter contre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral ».

Ainsi que le dispose la loi du 13 juillet 1983, ≪ la collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en résulte ≫.

La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel fixe désormais une nouvelle définition du harcèlement sexuel dans le code pénal, le code du travail et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Ainsi, il est affirmé qu’aucun agent public ne doit subir les faits :
  • soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou créant à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  • soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui‐ci soit recherche au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
La quinzième mesure de ce protocole s'intitule « prévenir et prendre en charge les violences faites aux agents sur leur lieu de travail ».

Cette mesure rappelle que l’« information, la formation initiale et la formation continue des agents publics revêtent une importance stratégique en matière de prévention du harcèlement. La formation est de surcroît complémentaire avec les mesures mises en œuvre par les acteurs de la prévention dans la fonction publique sur le sujet. À cet effet, des formations spécifiques pour mieux connaître, prévenir et traiter le harcèlement sexuel et moral devront être mises en place par les employeurs publics ».

Une circulaire du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique rappelle les nouvelles dispositions législatives et précise les obligations des employeurs et leur nécessaire mobilisation dans la mise en place de mesures préventives.

À partir de ce dispositif législatif et réglementaire, il allait de soi que le sujet devait être décliné aux niveaux ministériel et directionnel.

Le ministère des Finances se saisit du sujet.

Les acteurs (fédérations syndicales et administration) engagés en 2014 dans les réunions pour débattre du renouvellement du plan d’action « égalité professionnelle » se sont appuyés sur le protocole de la fonction publique pour intégrer la thématique du harcèlement dans le document final.

Même si ce document n’a pu avoir une majorité de signataires, trois mesures ont été intégralement conservées dans la version définitive du plan d’action ministériel 2014-2017 :
  • assurer une large communication de la circulaire d’application de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel,
  • intégrer la question des violences au travail dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail,
  • et former et outiller sur les questions de violences sexistes.

En cette fin d’année 2017 et donc du plan d’action, l’heure est au bilan sur ces trois mesures. Bilan mitigé dirons-nous, même si la délégation à la diversité et à l’égalité professionnelle a indéniablement mené des travaux importants.

Plusieurs documents ont été publiés, principalement à destination des managers et chefs de service, tels qu’un kit pour « agir contre le sexisme » ou un guide « comprendre et agir contre les violences sexistes et sexuelles au travail ».

De même, une campagne de communication a été diffusée en novembre 2016, à l'occasion de la journée contre les violences. Des initiatives directionnelles ont quelquefois été proposées et encore plus rarement des initiatives « hors Bercy ».

Comme les directions de Bercy sont des entités intégrées dans le monde du travail, il serait illusoire de penser que le harcèlement sexuel n’a pas cours en son sein, au même titre que n'importe quelle entreprise.

Ces agressions peuvent prendre différentes formes mais aucune ne doit être considérée comme mineure car toutes blessent voire humilient la personne qui les subit. Ces agissements éminemment condamnables ont des conséquences sur les conditions de travail, la vie au travail et la santé psychique et physique de la personne harcelée.

Il est de la responsabilité d’une organisation syndicale (donc de ses représentants) de défendre les victimes de ces agissements.

Il ne s’agit pas non plus de rentrer dans une période de délation aux conséquences parfois tout aussi tragiques.

Quand commence le harcèlement ?

Interrogée sur cette question, beaucoup de femmes répondent : quand on répond non à une phrase, un geste ou une intention explicite et que l’agresseur poursuit ces agissements.

Dans le monde du travail, si pour certaines femmes cette simple réponse est une arme efficace et dissuasive, il ne faut pas se voiler la face que pour d’autres cela est beaucoup plus complexe, en raison souvent (mais pas seulement) du lien hiérarchique entre le harcelé et le harceleur.

L’égalité professionnelle passe par une égalité de droits, de rémunérations bien entendu mais également par la fin de harcèlement implicite ou explicite rencontré encore trop souvent.

Aujourd’hui, la prise en compte de la parole de la victime et la condamnation morale, sinon judiciaire, de l’agresseur est un progrès indéniable par rapport à des temps pas si lointains.

Diverses affaires médiatisées ont participé à la levée d’un tabou mais d’autres n’ont pas empêché leurs auteurs d’accéder à de hautes responsabilités.

Beaucoup reste à faire et chacun a son niveau de responsabilités car, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’inadmissible est toujours aux aguets.

L’arsenal législatif et réglementaire existe et devrait même être renforcé l’an prochain. Mais il faudra plus que des lois pour faire changer les mentalités et les comportements de certains.



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