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13 / 05 / 2015 | 9 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Des ponts pour nourrir le dialogue social des entreprises

Le grand débat de l’agora des CE de Marseille du 21 avril dernier a permis de mesurer à quel point le dialogue social en place dans les entreprises avait besoin de ponts en interne mais aussi vers l’externe.

Tout n'est pas dans tout

En interne, il s’agit par exemple de mettre en évidence le paradoxe de voir une direction affirmer que la réduction des emplois serait encore plus marquée sans le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). « Nous devons nous contenter de cette réponse en CE quand nous interrogeons la direction de la SNCF sur l’utilisation du CICE », explique François Tejedor, cheminot et membre du bureau de l’union départementale CGT 13 qui souligne l’importance du lien entre les données économiques fournies par l’entreprise et les revendications sociales en termes d’emploi et de salaire. « Le cas de l’usine Fralib est un excellent exemple de la capacité des élus à avoir pu mettre en évidence le poids des salaires dans le prix de vente du sachet du thé », poursuit François Tejedor.

« Le niveau des informations économiques délivré par les directions aux élus progresse inversement à celui des avancées sociales obtenues lors des négociations » - Alain Comba.

Mais l’accès aux indicateurs clefs qui sous-tendent les décisions des directions est loin d’être la solution miracle. « Le niveau des informations économiques délivré par les directions aux élus progresse inversement à celui des avancées sociales obtenues lors des négociations. Cela doit nous interpeller sur les limites du dialogue social. C’est bien pour cela que nous considérons que le CHSCT doit conserver ses droits car c’est à ce niveau que se joue le rapport de force », considère Alain Comba, membre du bureau de l’union départementale FO 13.

Les interrelations entre le CE et le CHSCT se trouvent au cœur de la future loi sur le dialogue social. Pour Sébastien Comparet, chargé de mission RH à l’aéroport Provence Marseille et membre de l’ANDRH Provence, « l’excès de formalisme, c’est quand on dit la même chose, aux mêmes personnes mais dans des instances différentes. Nous avons tous mieux à faire pour gagner en efficacité. Il est d’ailleurs dommage que le projet de loi ne se penche pas sur le fonctionnement des réunions de délégués du personnel qui brillent elles aussi par un haut degré de formalisme. Dans bien des cas, les problèmes pourraient se résoudre autrement ».

« Il suffit que le secrétaire de la DUP soit plus à l’aise avec les données économiques pour que cela affaiblisse le volet conditions de travail » - Jean-Michel Pecorini.


De concert, l’ensemble des intervenants du débat se sont accordés pour dire que la future loi ne sonnera pas comme une révolution dans les grandes entreprises dans lesquelles les CE et les CHSCT ont encore de beaux jours devant eux. Il en va tout autrement dans les entreprises de moins de 300 salariés où une délégation unique du personnel (DUP) élargie englobant le CHSCT pourra se mettre en place. « Il suffit que le secrétaire de la DUP soit plus à l’aise avec les données économiques pour que cela affaiblisse le volet conditions de travail. C’est une régression », lance Jean-Michel Pecorini, secrétaire national CFE-CGC et président de la fédération régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse-DOM-TOM qui précise que la fusion des instances ne sera pas à l’ordre du jour au sein du groupe Casino, son employeur. « Tout n’est pas dans tout. Plutôt que de s’évertuer à fusionner des instances, il vaudrait mieux créer les conditions pour favoriser les ponts entres elles », explique Jean-Paul Raillard, du cabinet Syndex, tandis que Claudine Vergnolle, fondatrice du cabinet Audi CE, ajoute que « l’on risque fort de n’avoir que l’apparence du dialogue social dans les PME avec des employeurs qui auront totalement la main sur le calendrier ».

Quelle employabilité sur le territoire ?

En toute logique, le dialogue social élargi au sein des entreprises s’enrichit à l’extérieur de celle-ci. En matière de formation notamment, avec la mise en place des comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l’emploi et la formation (COPAREF). Aujourd’hui, le dialogue social passe aussi par la capacité des élus à peser sur le développement de l’employabilité des salariés. « La réforme de la formation amorce un changement radical pour passer d’une logique d’offre à une approche par la demande. Il s’agit d’y aller progressivement pour ne pas déstabiliser une activité économique, celle des organismes de formation. Ce dialogue social externe au sein des COPAREF va permettre aux élus dans les entreprises d’être en capacité d’accompagner véritablement les salariés dans leur développement professionnel », souligne Mario Barsamian, secrétaire régional de l’union régionale CFDT Provence-Alpes-Côte d’Azur, enseignant dans un CFA de l’artisanat, qui annonce une volonté commune des acteurs de développer les formations sur site pour les salariés des TPE pour éviter des remplacements ingérables.

Plus que jamais, ce sont bien des ponts qui manquent en matière de dialogue social territorial, à l’instar de Plan de Campagne, la plus grande zone commerciale de France, située à 20 km de Marseille. Seule la route, saturée, permet de rejoindre Plan de Campagne. C’est sans succès que les élus du CE de la SNCF ont tenté d’obtenir une accessibilité du site par les transports publics. Une illustration des difficultés à intégrer les dimensions économiques, sociales et environnementales sur les sujets qui méritent un dialogue social territorial. Le projet de loi devrait permettre aux élus d’utiliser une partie de leurs heures de délégation « pour participer à des négociations ou des concertations à d’autres niveaux que celui de l’entreprise ». Et Philippe Chesneau, conseiller régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur, délégué à l’économie responsable, de rebondir : « L’élu politique doit être sur le terrain pour tisser un maximum de liens. Les interactions avec les élus du personnel sont trop rares ». Au final, ce grand débat marseillais du 21 avril aura permis de croiser les regards syndicaux, RH et politiques. Pour David Gallet, secrétaire général de l’agora des CE, « c’est une illustration de ce que devrait être un dialogue social élargi, sans œillère ».

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