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01 / 04 / 2015
Nadia Rakib / Membre
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Compte personnel de prévention de la pénibilité : il se « tisse » doucement mais sûrement ?

Dans le domaine du tissage, on tordait autrefois plusieurs fils entre eux pour en obtenir de plus solides. Cependant, cette opération n'était pas simple dans la mesure où les fils n'étaient pas toujours de même largeur. Il fallait donc beaucoup d'expérience et de minutie pour pouvoir obtenir un fil retors de la meilleure qualité qui soit. Cette étape causant beaucoup de peine, on a utilisé l'expression « donner du fil à retordre » pour signifier que quelque chose ou quelqu'un créait beaucoup d'embarras…

Aujourd’hui, toutes les entreprises sont concernées par la prévention de la pénibilité au travail, quels que soient leur taille, leur statut juridique et leurs activités. Il appartient à l'employeur d’établir une fiche individuelle d'exposition lorsqu'un salarié est exposé à des facteurs de pénibilité au-delà de certains seuils. De là, un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est créé et le salarié peut y accumuler des points. Si le C3P « se tisse doucement », peut-on véritablement affirmer qu’il le fait « sûrement » ?

Tout d’abord, comment se caractérise un travail pénible ?

Le législateur a décidé qu’un travail pénible doit comprendre une exposition (au-delà de certains seuils) à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.

Deux critères sont donc nécessaires : une intensité et une temporalité.

Quant aux seuils, ils sont appréciés après la prise en compte des moyens de protection collective et individuelle mis en œuvre par l'employeur.

Pour l’heure, les facteurs de pénibilité applicables sont liés à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail.

Par ailleurs, le compte de prévention pénibilité n’implique pas de démarche particulière du salarié.

En effet, à compter de 2016, le compte sera automatiquement créé à la suite d’une déclaration de l’employeur si l’exposition du salarié aux facteurs de risques dépasse les seuils prévus. Ensuite, c’est la caisse de retraite gestionnaire du compte qui prendra le relais en prévenant le salarié par courriel ou par courrier.

Récemment, une instruction interministérielle a donné des précisions concernant le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité. Bientôt, cette instruction sera complétée par une seconde qui portera sur l’acquisition et l’utilisation des points par les salariés.

Pour l’instant, cette instruction précise notamment :

  • les seuils d’exposition aux quatre facteurs de pénibilité en vigueur en 2015 (activités exercées en milieu « hyperbare », travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif) ;
  • la communication aux salariés et aux services de santé au travail des fiches de prévention des expositions (la fiche est tenue à disposition du travailleur à tout moment s’il en fait la demande et elle doit lui être transmise à son départ de l’établissement) ;
  • la déclaration par l’employeur des expositions à la pénibilité (dans la déclaration annuelle des données sociales) ;
  • les modalités d’acquisition des points par les salariés (les salariés exposés pendant une année complète à un seul de ces facteurs obtiennent 4 points et ceux exposés à plusieurs facteurs 8 points).

À partir du 1er janvier 2016, six autres facteurs de risques professionnels seront pris en compte (manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques, températures extrêmes et bruit).

Quid des avancées de la négociation collective sur le sujet ?

Il semblerait qu’en matière de pénibilité, les « employeurs traînent encore la patte »…

Pourtant, rappelons que les entreprises d'au moins 50 salariés (ou appartenant à un groupe d'au moins 50 salariés) et dont la moitié de l'effectif est exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils prévus doivent conclure un accord collectif ou élaborer un plan d'action en faveur de la prévention de la pénibilité au travail.

L'accord (d'entreprise ou de groupe ou de branche étendu) ou le plan d'action (d'entreprise ou de groupe) doit notamment traiter :

  • de la réduction de l'exposition à plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils prévus,
  • de l'adaptation et l'aménagement des postes de travail,
  • de l'amélioration des conditions de travail,
  • du développement des compétences et des qualifications,
  • de l'aménagement des fins de carrière,
  • du maintien en activité des salariés exposés aux facteurs de pénibilité.

En somme, vu l’ampleur de la tâche, nul ne doute que la question de la pénibilité au travail va « donner du fil à retordre » pour longtemps à nos entreprises…

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