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20 / 02 / 2017 | 6 vues
Vincent Hernandez / Membre
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Compte personnel d’activité : le couteau suisse de la déréglementation

Né de la loi sur le travail, le compte personnel d'activité (CPA) est censé sécuriser les parcours professionnels et faciliter l’insertion professionnelle.

Le concept de la « formation tout au long de la vie » vise certes à rendre plus « efficients » les salariés tout en les menant à considérer la disparition des emplois durables (CDI) comme une fatalité.

Il s’agit donc « d’aider » les salariés à s’adapter à la précarité.

Ce nouveau « droit » à l’employabilité soulève d’autres problématiques.

Individualisation des droits

Le CPA est individuel, ce qui contribue à briser les mécanismes de solidarité dans la défense des droits collectifs. Cette individualisation des droits du salarié ne peut donc être neutre : sous couvert d’élargir les droits à toutes les catégories de travailleurs, le CPA accentue leur mise en concurrence, leur marchandisation et vise clairement la remise en cause de la protection du salariat.

Confidentialité

Chaque citoyen (actif ou inactif) devra ouvrir son CPA s’il souhaite prétendre à ses droits sociaux. Cela l’oblige à adhérer aux conditions générales d’utilisation qui stipulent que les données à caractère personnel sont destinées à « la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle ainsi qu’aux employeurs et aux différents professionnels de l’emploi et de la formation professionnelle ».

On tentera bien sûr de nous rassurer avec de subjectives garanties en matière de confidentialité.

Problèmes relatifs à la pénibilité

Les salariés auront la possibilité prochaine de convertir les points du compte de pénibilité en heures de CPF. La santé au travail et de la prévention/protection basculeront donc progressivement vers une « logique de compensation » par la monétisation des risques et de leurs conséquences.

Alors que les conditions de travail se dégradent (suppressions de postes, délocalisations, restructurations, fermeture de sites et surcharge de travail) multipliant les risques psychosociaux, accroissant les souffrances, les pénibilités et leurs conséquences se dilueront dans le CPA.

Nous pourrions faire ici une digression en évoquant la mise à mal par la même loi El Khomri de la médecine du travail.

Logique de gestion bancaire

Nous pourrions nous sentir rassurés par le fait que la gestion de ces comptes soit confiée à la Caisse des dépôts et consignations, ancienne banque publique. En fait, il s’agit d’une autre caractéristique préoccupante : le CPA est avant tout un système de « comptes », révélant la logique bancaire de ce dispositif. Nous parlons donc de créances que le salarié « consent », bien malgré lui, à son employeur. Chacun d’entre nous devient un épargnant avec un capital de droits.

Cette projection n’a rien d’invraisemblable, ce capital ouvrant ultérieurement droit à une monétisation, le CPA deviendrait un outil de spéculation. 

Et demain ?

Aujourd’hui, le débat reste ouvert en vue d’y transférer de nouveaux droits (congés, retraite, compte épargne temps, allocations chômage, allocations familiales…). Cela ne ferait qu’accentuer les problématiques et les inquiétudes révélées ci-dessus.

Ce CPA, qui nous a été présenté comme étant le principal « progrès » contenu dans la loi sur le travail, est en fait une arme terrible : le couteau suisse de la déréglementation, de la paupérisation mais aussi du fichage informatique.

Lorsque nos employeurs gèlent notre salaire national de base, baissent l’enveloppe des AIC, bafouent le statut, perdent les accords, ce nouvel outil d’individualisation renforcera leur stratégie de démantèlement de nos acquis collectifs, de destruction du statut national des IEG. En fait, il est aussi fait pour ça.
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