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05 / 05 / 2023 | 111 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Abandon de poste ou absence injustifiée : maintenant, c’est potentiellement une démission !

Les abandons de poste ou les absences injustifiées sont en hausse significative depuis de nombreuses années. Alternative à certaines ruptures conventionnelles non accordées, possibilité pour les salarié(e)s de quitter un emploi en sécurisant un tant soit peu la suite de leur parcours grâce aux indemnités Pôle emploi, procédure officieusement arrangée avec un employeur (qui peut aisément se présenter en « élément facilitateur » car il consent à envoyer les courriers en temps et en heure), les motifs et les motivations de ces pratiques sont variés.
 


Un nouveau dispositif qui interpelle

Mais faudrait-il désormais parler au passé ? Le législateur a récemment créé un dispositif devant permettre à l’employeur de considérer un abandon de poste comme étant un acte de démission afin, c’est le but, de faire subir toutes les conséquences d’une démission pour le/la salarié(e), la principale d’entre elles étant l’absence de droits à Pôle emploi. Face à ce dispositif, de nombreuses voix s’élèvent afin d’alerter les uns et les autres sur les risques réels liés à sa mise en œuvre.

Cadencement de ce dispositif

1. Le/la salarié(e) doit être absent(e) sans justificatif.
2. La mise en demeure du/de la salarié(e) par lettre recommandée avec accusé de réception (une remise en main propre paraissant difficilement réalisable pour des raisons évidentes), cette mise en demeure ouvrant un délai de 15 jours pour une reprise du poste.
3. L’employeur constate la démission par l’envoi des documents de fin de contrat.

 

Il est important de rappeler que cette présomption de démission ne peut pas jouer si l’abandon de poste est justifié par un motif légitime, comme :

  • une raison médicale ;
  • l’exercice du droit de grève ;
  • l’exercice du droit de retrait ;
  • le refus du salarié d’exercer une tâche contraire aux lois ou le refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat.

Démission présumée
 

Avec l’introduction de ce nouvel article, le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, sera présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat sur ce fondement peut saisir le Conseil de Prud’hommes, sans préalable de conciliation

 

Cette loi reste dans la veine pseudo-simplificatrice des mesures dont la finalité n’est autre que de réduire les droits et les possibilités de recours des salarié(e)s.

 

Que nous dit le Code du travail sur le formalisme d’une démission ?
 

Rien de particulier, une démission pouvant être verbale, écrite, ou résulter d’un comportement sans ambiguïté du/de la salarié(e), ce qui n’est pas le cas, par exemple, de la seule absence du/de la salarié(e) à son poste de travail ou de l’absence de reprise de travail à l’issue des congés payés.

A ces éléments, le site du ministère du Travail, du plein-emploi et de l’insertion ajoute même : « Toutefois, pour éviter les contestations sur l’intention même de démissionner ou sur la date de la fin du contrat de travail, le salarié a intérêt à remettre sa démission par écrit (si possible par lettre recommandée avec avis de réception). L’écrit permet également de définir le début du préavis. ».

 

Impréparation, indécision ou négligence ?

 

Un nouvel article du Code du travail en vigueur depuis le 23 décembre 2022 pourrait permettre à l’employeur de considérer un abandon de poste comme étant un acte de démission. Etat des lieux
 

Le droit du travail pose que la rupture du contrat ne peut intervenir autrement que par l’expression d’une volonté claire et non équivoque en matière de démission. Le nouveau dispositif pourrait donc paraître, de ce fait, contrevenir à ces principes fondamentaux.

On peut se demander pourquoi (si ce dispositif est aussi intangible et monolithique qu’on nous l’a seriné) ce fameux article L. 1237-1-1 est assorti de l’évocation de la possibilité d’une saisine au Conseil de Prud’hommes. Le délai dans lequel le Conseil doit statuer est d’un mois, ce qui paraît irréaliste d’un point de vue purement pratique.

La mise en demeure du/de la salarié(e), si celle-ci n’est pas suffisamment explicite, risque de compromettre la validité même du dispositif. L’article L. 1237-1-1 du Code du travail ne précise rien quant à cette mise en demeure.

Une information complète dans ce cas serait au contraire de nature à faire prendre conscience au/à la salarié(e) des conséquences préjudiciables, et en particulier de l’absence d’allocations Pôle emploi, et ainsi provoquer son retour en entreprise. Un risque pour l’employeur comme pour le salarié

Point important, le délai de 15 jours ouvert par la mise en demeure semble bien trop long, s’agissant du fonctionnement même de l’entreprise. L’employeur, eu égard à l’importance du poste du salarié, peut ne pas pouvoir techniquement attendre qu’un tel délai soit écoulé.

Le risque prud’homal est donc considérable, et l’absence totale de visibilité sur les décisions à venir constitue un obstacle rédhibitoire pour les employeurs soucieux de sécuriser leurs décisions. Les employeurs, dans ce cas de figure, sont littéralement les auxiliaires de Pôle emploi !
 

Rappelons qu’il convient, dès la constatation de l’abandon de poste, de mettre en demeure le salarié de reprendre sans aucun délai son travail ou de justifier d’un motif réel et valable d’absence. A défaut, la convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire est adaptée, potentiellement suivie d’un licenciement pour faute grave, privant de droits à indemnité et à préavis, mais pas de droits à Pôle emploi .

 

Cette loi de décembre 2022 reste dans la veine pseudo-simplificatrice des mesures auxquelles nous sommes confrontés depuis de trop nombreuses années, et dont la finalité n’est autre que de réduire les droits et les possibilités de recours des salarié(e)s.

Pour l’heure, restons attentifs à ce dispositif et à son application, car de nombreux professionnels du droit en font une lecture qui nous permet d’espérer la survenue de diverses jurisprudences.

 

Abandon de poste

Un abandon de poste décrit une situation dans laquelle un salarié quitte son poste de travail sans avoir prévenu ou obtenu l’autorisation de son employeur. Auparavant, il pouvait donner lieu à un licenciement ou une rupture anticipée de CDD pour faute grave ou lourde et permettait potentiellement d’ouvrir un droit à l’assurance chômage. L’article 4 de la loi n° 2022-1 598 du 21 décembre 2022 prévoit une modification du traitement des salariés qui abandonnent leur poste. Après mise en demeure de leur employeur, ceux-ci seront désormais considérés comme démissionnaires et ne pourront donc plus ouvrir un droit à l’assurance chômage (source DARES)

 

Article L. 1237-1-1 du Code du travail en vigueur depuis le 23 décembre 2022

 

L’article L. 1237-1-1 du Code du travail a été modifié par la loi du 21 décembre 2022, laquelle loi sera complétée début avril 2023 par un décret d’application. Cet article L. 1237-1-1 est introduit de la sorte : « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. ».

 

L’article poursuit (et là on s’éloigne des éléments de langage répétés ad lib dans tous les médias) : « Le salarié qui conteste la rupture de son contrat sur ce fondement peut saisir le Conseil de Prud’hommes, sans préalable de conciliation. L’affaire est directement portée devant le Bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. »

 

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Le  Cercle Lafay, (*) un centre de réflexion, a saisi le Conseil d’État pour abus de pouvoir , en s'appuyant sur le décalage qu'il a pu relever  entre le décret 18avril  (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047455109) et un autre texte, - questions/réponses -  issu du ministère du Travail, qui semble dire le contraire. (https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-rupture-du-contrat-de-travail/article/questions-reponses-presomption-de-demission-en-cas-d-abandon-de-poste)

(*) https://www.lecerclelafay.fr/

Présomption de démission pour abandon de poste : la contestation est lancée !

 

FO vient de déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler le décret mettant en œuvre le nouveau dispositif de présomption de démission pour abandon de poste.

 

Notre organisation syndicale  conteste le principe même de la présomption de démission pour abandon de poste qui constitue « une aberration juridique » créée dans le seul but de restreindre encore un peu plus les droits des demandeurs d’emploi.

 

Face à la dangerosité du dispositif pour les salariés, le gouvernement avait promis des garanties dans le décret du 17 avril 2023 qui se sont avérées très insatisfaisantes.

 

On  ne peut, par exemple, accepter qu’un salarié, dans l’impossibilité de relever son courrier (en raison d’une hospitalisation), se trouve exposé au risque d’être déclaré « présumé démissionnaire ».

 

Notre organisation  attaque par ailleurs le « questions-réponses » du ministère du travail qui, conscient du faible enthousiasme des partenaires sociaux à utiliser cette nouvelle procédure, ferme désormais la porte au licenciement pour abandon de poste qui permettait à ces salariés de bénéficier des allocations chômages.