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28 / 05 / 2020 | 163 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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Le risque de dévoiement des règles de consultations du CSE pendant la période d'urgence sanitaire

La réduction des délais de consultation du CSE est désormais en vigueur avec la publication de l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020 et du décret n° 2020-508 du 3 mai 2020.
 

Pour « faciliter la reprise économique du pays », l’exécutif réduit les prérogatives des instances représentatives du personnel. Toutes « les décisions de l'employeur (projets d’aménagement) qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 » sont concernées par ces délais de consultation.
 

Cette définition est extrêmement large. Il existe un risque de dévoiement des règles, certaines entreprises pouvant considérer que toutes les décisions prises à compter de ce jour doivent permettre de faire face aux conséquences de l’épidémie. Le décret prévoit expressément que les projets de plan de sauvegarde de l’emploi, les projets d’accord de performance collective et les consultations annuelles récurrentes ne sont pas soumis aux délais de consultation réduits.


Nous souhaitons attirer l’attention des membres du CSE sur les actions et points suivants s'ils sont confrontés à cette situation.
 

  1. Lors de la réunion du CSE, systématiquement désigner un expert, ce qui permet de disposer de plus de temps et de travailler sur les éventuels « effets d’aubaine » inhérents à la définition large du sujet de la consultation. Dans ce contexte dérogatoire, il conviendra de veiller à ce que cette réduction des délais ne permette pas à la direction de soumettre tous les projets qu’elle souhaite sous couvert des conséquences de la crise sanitaire.
     

Selon nous, la désignation (principe de l’expertise, champ attribué et nom de l’expert), en toute circonstance et ceci n’est pas nouveau, doit être matérialisée dès que le CSE a connaissance de la tenue d’une réunion et au montage de l’ordre du jour de la réunion entre le président et le secrétaire du CSE.
 

À ce moment-là, le secrétaire du CSE devrait également inscrire la possibilité de nommer un expert (comptable ou agréé en qualité du travail et de l’emploi) même si la jurisprudence nous indique que le vote d’une expertise est possible et même si l’ordre du jour ne le prévoit pas mais que l’objet de la consultation le permet.
 

Nous rappelons que le délai d’avis court à partir du moment où l’ordre du jour avec les documents est transmis (hors les consultations récurrentes où la BDES sert de réceptacle aux documents permettant l’avis) et non à dater de la réunion proposée. Il faut être sensible à la qualité des pièces remises par la direction avec l’ordre du jour et de la nécessité, si elles sont insuffisantes (voir ci-dessous) de demander des éléments suffisants par la seule voie d’une action judiciaire…

 

  1. En tout état de cause, si le CSE ne remet pas d’avis le jour de la réunion ordonnée, il lui revient, qu’il y ait ou non recours à expertise, de demander la tenue d'une réunion extraordinaire (le mieux est pendant la réunion et au moment où l’employeur s’apprête à demander un avis collectif).
     

Cette réunion extraordinaire (dite « intercalaire ») proposée serait donc une réunion à demander afin qu’elle ait lieu sous maximum trois jours, le temps pour l’expert d’aider le CSE à rédiger ses questions en parallèle de ses propres travaux vis-à-vis de l’employeur…

 

À l'issue de ces délais, s'il ne s'est pas exprimé, le CSE est réputé avoir rendu un avis défavorable. Ces délais dérogatoires sont (pour l’heure) applicables jusqu’au 23 août 2020 (date de fin de la période d’urgence sanitaire, laquelle reste susceptible de prorogation par décision législative).

 

  1. Annoncer à l’employeur qu’à défaut d’un accord sur un allongement des délais de consultation le CSE, s’il estime ne pas être suffisamment informé pour rendre un avis éclairé, peut saisir le tribunal judiciaire selon la procédure dite accélérée au fond, article L.2312-15 du Code du travail).
     

Comme l’a souligné S. Bernard (Semaine Sociale Lamy, n° 1908 du 14 mai 2020) « la chambre sociale de la Cour de Cassation 26  février 2020 (n°  18-22.759) a rappelé que le législateur français, en application de la directive européenne 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, le législateur français doit permettre que «  l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation  ».
 

Dans une autre décision du 26  février 2020 (n ° 18-22.556), la chambre sociale a considéré que l’expertise est indissociable du droit à l’information, conformément à la directive 89/391 du 12  juin 1989. La chambre sociale relève également l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs. Si le CSE estime que l’employeur ne lui donne pas les éléments d’information suffisants, il est en droit d’aller chercher l’information à la source en ordonnant l’expertise ».
 

L’arrêt du 26  février 2020 permet au juge, quelle que soit la date à laquelle il se prononce, de prolonger ou de fixer le délai de consultation du CSE à compter de la communication des informations nécessaires au CSE pour formuler un avis motivé lorsque ces informations pourtant demandées par le CSE n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur.

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En cas de défaut de consultation du CSE pourtant obligatoire, un syndicat peut demander la suspension de la mesure prise par l’employeur sans consultation du CSE, même si ce dernier n’a pas réagi (Cass. soc., 24-6-08, n°07-11411).

Toutefois, le syndicat ne peut demander la communication à son profit de documents qui, selon lui, auraient dû être transmis au comité (Cass. soc., 11-9-12, n°11-22014) ni exiger la remise au comité de documents que celui-ci n’a pas réclamés (Cass. soc., 16-12-14, n°13-22308).

Le syndicat peut toujours poursuivre l’employeur pour délit d’entrave en cas de défaut de consultation du CSE.

En cas de consultation irrégulière du CSE (ex : informations transmises par l’employeur jugées insuffisantes) et d’inaction de l’instance sur ce point, le syndicat ne peut contester, devant le juge, la validité d’une consultation qui s’est tenue.

Seule une absence de consultation obligatoire, et non une simple irrégularité de consultation, permet au syndicat d’agir en cas d’absence de contestation par le CSE de la consultation organisée par l’employeur. Sur ce dernier point, un arrêt isolé jette le trouble sur les principes, jusqu’ici, clairement établis (Cass. soc., 25-3-20, n°18-22465).

En tout état de cause, pour éviter tout problème lié à l’intérêt à agir et dans l’attente d’un éclaircissement de la Cour de cassation, il est possible, lorsque le syndicat dispose d’un représentant syndical au CSE, de lui demander d’agir en son nom propre.

En effet, tout membre du CSE, élu ou désigné, peut agir devant le juge pour demander l’annulation d’une délibération.

 

 

source: service juridique confédéral FO