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16 / 10 / 2009 | 2 vues
Jacques Bertherat / Membre
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Inscrit(e) le 14 / 10 / 2009

Stress et suicides des salariés : ne pas occulter le contexte

Suicides en entreprises, suicides à cause de l’entreprise, suicides et restructurations, stress des salariés : ces thèmes sont de plus en plus dans les têtes, les médias et les conversations avec comme accusée l’entreprise. 

Quand on dit « entreprise », à quoi pense-t-on ? Pense-t-on à la situation dans laquelle se trouve la plupart des entreprises du secteur industriel et assimilé, en Europe dans la période actuelle de transfert du leadership économique vers l’Asie ? Ou au comportement managérial des dirigeants de ces entreprises ? 

Les deux aspects sont évidemment inséparables. Mais distinguer ces deux causes est nécessaire pour dégager les voies d’action. 

L'arrière-fond de la situation

Commençons par ne pas oublier, dans l’analyse, une première réalité qui constitue l’arrière-fond de la situation : les entreprises industrielles ou plus largement celles qui relèvent de l’économie d’entrainement, c’est-à-dire celles qui exportent, sont sur la défensive.

Insister sur cet aspect de la réalité ne relève ni d’une attitude de fatalité, ni d’une philosophie du laisser faire face aux contraintes économiques. Faisons-nous suffisamment savoir que nous avons changé d’ère économique ? Ces entreprises font face à une concurrence de plus en plus gagnante des pays émergents. Les exportations changent de sens et de camp et avec elles, le levier clef qui influe sur le rythme de croissance de ce côté-ci du monde disparaît. 

  • Cette situation de fond ne peut plus ne pas avoir d’incidence sur la population des pays concernés, leurs revenus et leur niveau de confort.

Après avoir profité de la position dominante de leur économie, il va falloir s’habituer à vivre avec moins de facilités et de moyens, désormais disputés et conquis par ceux qui étaient restés à l’écart. Le stress et l’angoisse se nourrissent aussi de cette réalité plus ou moins confusément ressentie et perçue comme la fin d’une époque et parfois, pour certains, comme une situation sans issue. 

Insister sur cet aspect de la réalité ne relève ni d’une attitude de fatalité, ni d’une philosophie du laisser faire face aux contraintes économiques. Bien au contraire, c’est en expliquant les bouleversements en cours et leurs conséquences et aussi les possibilités (car elles existent) d’y faire face que l’on pourra atténuer le niveau de stress et d’angoisse.

Pour un nouveau comportement managérial

Offrir des mirages (revenir comme avant), chercher un bouc émissaire exclusif (les entreprises du CAC 40) ou faire la politique de l’autruche (pour des raisons électorales ou par comportement compassionnel), n’a jamais engendré des sursauts et des relèves collectives. C’est là qu’entre en jeu le second aspect du débat sur l’entreprise et la santé : le comportement managérial des dirigeants de l’entreprise. 

Plus que jamais, dans ce contexte, il leur est nécessaire d’être à l’écoute de leurs salariés et collaborateurs et d’être attentifs à leurs interrogations et inquiétudes. Les suicides et le stress c’est aussi la conséquence de leur inattention aux réactions de ceux-ci et aux effets de leurs décisions sur eux. Celles-ci doivent être inlassablement expliquées et discutées dans la proximité avec la volonté, le cas échéant, de les aménager et d’en faire un des objets du dialogue social dans l’entreprise. 

La difficulté des temps impose aux directions d’entreprise de s’interroger sur le mode de management des relations avec leurs collaborateurs. Est-ce une priorité pour elles ? Considèrent-elles le management comme l’une des  variables éminemment stratégiques de leur société ?  

  • Limiter le management, sous l’influence dominante de l’impératif de la réduction des coûts selon la tendance de ces dernières années, à la mise en place des systèmes informatiques les plus performants et d’organisations plus centralisées pour assurer le paiement des rémunérations et le suivi individualisé des carrières est assurément insuffisant et pervers, comme on finit par le constater aujourd’hui.

Au-delà du remodelage devenu nécessaire de la DRH, dans un positionnement de proximité, ce qui est en cause est plus au coeur du fonctionnement de l’entreprise : le recentrage des dirigeants, à tous les niveaux, en commençant par les directions générales, sur ce management de proximité de leurs collaborateurs. Dégager du temps pour le faire devient, au sein des entreprises, un nouveau défi et oblige à prendre sur ce temps trop exclusivement consacré à la réalisation des objectifs de résultats et de productivité à court terme et à l’accumulation des reporting en tout genre. Ré-apprendre (et très souvent apprendre) aux dirigeants à tous les niveaux à se concentrer aussi sur des relations attentives, écoutantes, aidantes, accompagnatrices et itératives avec leurs équipes, combinant management de l’exigence et de la motivation : tel est l’enjeu. La véritable action à engager pour combattre le stress, l’angoisse et les suicides liés au travail consiste à convaincre les directions d’entreprises de changer leur comportement. En dehors de cette voie, du courage et de l’honnêteté à dire la difficulté des temps, il n’existe pas de bouton miracle sur lequel appuyer.

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