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03 / 05 / 2012 | 8 vues
Hélène Canolle / Membre
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Risques et opportunités pour les entreprises du règlement européen « REACH »

Le règlement européen « REACH», c'est quoi au juste ?

Le règlement européen REACH (Registration, Evaluation and Autorisation of Chemicals), entré en vigueur en 2007, a pour objectif d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement, tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie chimique européenne. Ce règlement comporte une évolution majeure : il inverse la charge de la preuve, en imposant aux industriels de démontrer l’innocuité des produits qu’ils utilisent ou produisent.

Les produits concernés REACH concerne toutes les substances chimiques à partir d’un volume annuel supérieur à une tonne (soit 30 000 substances sur plus de 100 000 substances utilisées en Europe). Deux types de substances doivent être enregistrés quel que soit le tonnage, en fonction de leur dangerosité :
  • les substances cancérigènes, mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction. Ces substances sont regroupées sous l’appellation « substances of very high concern » (SVHC) ;
  • les substances toxiques pour les organismes aquatiques et celles classées comme pouvant entraîner des effets néfastes à long terme sur l’environnement aquatique.
Il existe deux listes de substances : la « candidate list », liste officielle proposée par les États de 120 substances qui à défaut de prouver leur innocuité seront soit interdites, soit d’usage restreint, et la « SIN list », établie par une ONG suédoise ChemSec, comportant 356 SVHC. Cette dernière constitue un bon indicateur des substances qui pourraient rejoindre la « candidate list ». Quatre grandes familles de substances couramment utilisées dans des produits de grande consommation sont particulièrement concernées :

  • le bisphénol A, essentiellement utilisé pour la fabrication de polycarbonates et de résines epoxy que l’on retrouve par exemple dans les biberons, les boîtes de conserve et les canettes ;
  • les composés organo-bromés utilisés notamment pour ignifuger des produits plastiques ou textiles, par exemple des produits d’ameublement, des produits électroniques (ordinateurs, four micro-ondes…) ;
  • les composés organo-fluorés, qui servent notamment à rendre des matériaux résistants à l’eau, à l’huile et aux taches, par exemple pour des emballages pour fast-food ou des vêtements ;
  • les phtalates, utilisés pour augmenter la flexibilité, la transparence et la longévité des plastiques, parmi lesquels on peut citer : les sacs plastiques, les emballages alimentaires, les jouets, les produits de soins et de beauté.

Ces quatre familles de produits ne sont pas les seules concernées par REACH, mais ont pour point commun d’être massivement présentes dans des produits de consommation courante et de présenter un risque d’absorption par le corps humain. Les effets potentiels à long terme sont, selon les substances : perturbations endocriniennes, risques de cancer, toxicité pour le foie, diminution de la fertilité, problèmes neurologiques…

Les autres évolutions réglementaires

Dans le sillage de REACH, d’autres pays mettent à présent en place des régulations sur les produits chimiques : PARCHEM en Suisse, CHINA REACH en Chine, loi sur la protection de l’environnement et plan de gestion des produits chimiques au Canada, réforme du Toxic Substances Control Act de 1976 aux États-Unis. En parallèle, certains États adoptent des décisions spécifiques pour certaines substances, telle que par exemple l’interdiction du bisphénol A dans les biberons en Europe et au Canada. Évolution dans l’étude des risques liés à l’utilisation de perturbateurs endocriniens.

L’issue d’un débat qui se poursuit depuis une quinzaine d’années entre scientifiques sur les effets sur la santé des perturbateurs endocriniens, pourrait bien avoir des répercussions importantes.

Une étude de très grande ampleur réalisée par des chercheurs américains vient d’être publiée : elle se base sur les résultats de plus de 800 études distinctes, portant sur les effets de ces produits sur l’homme, sur l’animal ou sur des cultures cellulaires. Cette étude met en évidence le fait que les perturbateurs endocriniens, soupçonnés d’avoir des effets à très fortes doses, ont au contraire des effets à des doses sensiblement inférieures à celles considérées actuellement comme sûres.

Ces effets sont pratiquement impossibles à mettre en évidence avec les méthodes de la toxicologie classique. Les études de toxicologies classiques partent du principe que plus la dose du produit que l’on teste est élevée, plus les effets sont importants. Ces études s’appuient sur des expériences réalisées sur des animaux, en utilisant des produits testés à très forte dose.

À partir du moment où la toxicité est prouvée sur l’animal, les doses sans effet sur l’animal sont déduites par extrapolations et le résultat sert à calculer la dose maximum qui est considérée comme sans risque pour l’homme. D’autre part, ces études recherchent des effets bien particuliers sur l’animal, comme l’apparition de tumeurs ou le décès de l’animal.

Or, les études ont prouvé que les perturbateurs endocriniens, dont fait partie notamment le bisphénol A, ont à très faibles doses des effets importants et parfois différents de ceux observés à doses élevées (par exemple : puberté avancée, baisse de la fertilité, troubles du comportement…).

L’étude donne une liste d’une trentaine de substances dont les effets sont susceptibles d’échapper à l’approche de la toxicologie classique. Parmi elles, outre le bisphénol A, on retrouve notamment les phtalates, certaines dioxines et de nombreux produits phytosanitaires (dont l’atrazine (herbicide interdit en Europe, mais utilisé aux États-Unis), l'insecticide parathion…).

Dans le cadre de l’obligation créée par REACH, de mise à la charge des entreprises de prouver l’innocuité des substances qu’elles utilisent ou produisent, les conclusions de cette étude pourraient bien avoir des conséquences très importantes. Il semble néanmoins probable que ces conséquences ne seront pas immédiates : il faudra en effet au préalable que les autorités concernées prennent en compte ces résultats.

D’après l’un des co-auteurs de l’étude, les agences d’évaluation des risques de chaque pays ne prennent pas encore en compte les effets à faibles doses des perturbateurs endocriniens, à l’exception de l’ANSES (l’agence de sécurité sanitaire française), qui est en avance sur ses homologues.

L’application de « REACH » : des risques et des opportunités pour les entreprises


Les risques Les entreprises sont exposées à divers risques, en fonction :

  • du nombre de substances concernées dans leur périmètre,
  • de l’existence de produits de substitution,
  • des procédures de formulation des produits qu’elles pratiquent (centralisation des reformulations ou différenciation par zone géographique),
  • des coûts de reformulation.


À titre d’illustration, ces coûts sont estimés, pour une substance importante pour un bien de consommation, entre 2 % et 18 % du revenu net d’une grande entreprise. Ces risques sont de différentes natures : difficulté de prouver l’innocuité d’une substance (liée à l’inversion de la charge de la preuve), gestion de la chaîne d’approvisionnement : collaboration et contrôle accrus des fournisseurs, risque juridique, surtout aux États-Unis (class actions).

  • Les opportunités

La recherche de substances alternatives, qui nécessite des investissements massifs de R&D, peut générer des opportunités de développement et constituer un avantage concurrentiel pour les entreprises les plus proactives. Par ailleurs, les recherches entreprises pour REACH peuvent également permettre de minimiser d’autres risques en lien avec les substances ou les formulations des produits, notamment les risques environnementaux ou d’autres risques sur la santé (ex : nanotechnologies) et ainsi d’anticiper d’autres évolutions probables de la réglementation.

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