Organisations
10 mesures pour redonner à la représentation du personnel toute sa place
Les réformes initiées depuis la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 ont profondément bouleversé le Droit des comités d’entreprises et généralement le Droit des institutions représentatives du personnel. Elles se sont traduites notamment par :
- Une primauté totale accordée à la négociation collective d’entreprise libérée de la contrainte de l’ordre public social ;
- La fusion en une seule des anciennes institutions représentatives du personnel, causant une centralisation du dialogue social.
Point d’orgue de cette rupture épistémologique, les Ordonnances Macron de 2017 visaient pourtant un meilleur fonctionnement et une plus grande efficacité des Institutions Représentatives du Personnel.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Plusieurs enquêtes et évaluations ont été conduites, parmi lesquelles on peut citer notamment le rapport établi par France Stratégie en 2021 (Rapport 2021 du comité d’évaluation des Ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social et aux relations de travail). Il en ressort que les ambitions et objectifs affichés n’ont pas été atteints.
Le comité d’évaluation relève ainsi que « l’élargissement et la concentration sur le CSE d’un champ très vaste de sujets à aborder ne crée pas mécaniquement une meilleure articulation des enjeux stratégiques, économiques et sociaux et peut constituer un élément de fragilisation de l’engagement des élus… ». Le rapport dénonce aussi : « … une surcharge de travail de représentation, des difficultés de conciliation avec l’activité professionnelle et un manque d’expertise sur l’ensemble des sujets … »
- Le risque de ne pas trouver des candidats aux prochaines élections et donc un affaiblissement des instances. S’agissant par ailleurs de la fusion et de la centralisation des anciennes Institutions Représentatives du Personnel au sein du Comité Social et Economique, les rédacteurs du rapport mettent en avant « … un effacement de la représentation de proximité qui apparaît comme une crainte et une préoccupation majeure ; outre le fait que peu d’accords de mise en place de représentants de proximité ont été conclus, leur rôle est le plus souvent mal défini ».
Mais ils soulignent surtout le fait que « … sur les questions de santé, sécurité et conditions de travail, le traitement de ces sujets n’est pas encore stabilisé et la nouvelle articulation entre CSCCT et CSE reste difficile à trouver … » Ils ajoutent que : « … faute d’avoir mis en place des représentants de proximité, certaines entreprises peuvent rencontrer des difficultés à traiter les questions relatives aux réclamations individuelles ou collectives, et aux conditions de travail … » ;
Ces difficultés peuvent se traduire par « … un allongement des réunions et ordres du jour pour pouvoir traiter le l’ensemble des sujets … et une difficulté de traitement des questions de santé, de sécurité au travail ... » ;
Cette situation conduit « à un risque de perte de contact entre élus et salariés, renforcé par la crise (COVID) et le développement du télétravail et à une absence d’identification des difficultés de terrain … » Enfin, et s’agissant de la négociation collective, le rapport souligne que « … les éléments quantitatifs et qualitatifs ne traduisent pas d’évolution majeure dans les pratiques du dialogue social. » Une étude menée par la DARES (étude de la DARES sur le renouvellement des IRP de 2017 à 2023), publiée en janvier 2025, confirme l’ensemble de ces constats.
Tous ces constats sont confirmés par les retours reçus par le Cercle Maurice Cohen à travers les enquêtes et études qu’il a pu conduire au cours de ces dernières années. C’est dans ce cadre et face à ces constats que le Cercle a souhaité travailler à l’élaboration de 10 premières propositions, à ses yeux prioritaires, qu’il soumet au débat.
Ces 10 mesures sont :
1. Réinventer la proximité nécessaire à la représentation du personnel :
- créer un comité de proximité et des conditions de travail
- concevoir une nouvelle définition de l’établissement distinct
2. Revenir sur quelques points fondamentaux de la négociation collective :
- réintroduire le principe de faveur entre les différents niveaux de la négociation collective
- qualifier d’ordre public social les règles régissant le fonctionnement et les attributions des CSE
3. Réaffirmer le concept de consultation : - redonner du temps à la consultation
- accorder une place plus grande aux avis et propositions alternatives des CSE
- instaurer d’un droit de véto en matière de SSCT
4. Créer une consultation dédiée aux enjeux SSCT :
- créer une 4ème consultation récurrente relative aux conditions de travail
- attribuer au CSE le droit à une expertise SSCT
5. Réorienter la BDESE sur sa conception originelle :
- une base de données et non une banque de données pour permettre un croisement des données - développer le contenu de la BDESE (intégrer les KPI)
- renforcer les sanctions en cas de manquement
6. Revoir l’exercice du droit à l’expertise, son financement et les modalités de contestation :
- supprimer les hypothèses de co-financement
- mieux encadrer le droit à contestation de l’employeur
7. Adapter les droits et prérogatives des CSE au contexte d’accélération des transformations technologiques :
- création d’un registre des dispositifs de collecte des données relatives à l’IA
- élargissement de l’information/consultation relative à la politique sociale à l’IA et au management algorithmique
8. Repenser l’exercice des mandats de représentant du personnel :
- instaurer un entretien obligatoire de début et de fin de mandat
- proposer aux représentants du personnel un bilan de compétence en fin de mandat
- prévoir des moyens accrus pour l’exercice du mandat
9. Repenser et unifier la participation des élus aux organes décisionnels des entreprises :
- élargir le champ d’application législatif à toutes les formes juridiques
- instaurer une représentation du CSE dans les organes de gouvernance des groupes d’entreprise et les financeurs publics
10. Doter les CSE des entreprises de moins de 50 salariés de moyens d’action supplémentaires :
- Reconnaître au CSE un droit général à consultation sur la gestion économique de l’employeur
- Reconnaître aux élus la possibilité de recourir à un expert habilité (en conditions de travail
Vous pouvez les retrouver sur notre site
Cette synthèse a été coordonnée par :
- Amine Ghenim, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis
- Arnaud Le Paih, consultant, responsable pôle formateur CSE
- Fabrice Signoretto, consultant/formateur auprès des CSE
- Gérard Lejeune, expert-comptable et commissaire aux comptes
- Laurent Milet, auteur de l’ouvrage « le droit des comités sociaux et économiques et des comités de groupe » et professeur associé à l’université de Paris-Sud
- Jérémie Jardonnet, avocat au barreau de Paris
- Marie Laure Billotte, consultante, directrice de mission RH et Dynamiques Sociales
- Philippe Duchamp, avocat ; ex-expert économique auprès des CSE
- Sabrina Alzais, experte auprès des CSE
- Thierry Franchi, syndicaliste et ancien secrétaire du CCE de France Télécom/Orange