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16 / 03 / 2010 | 3 vues
Virginie Rault / Membre
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Regards croisés sur les régimes de retraite des indépendants et des salariés

En France, le système de retraite est organisé par statuts professionnels : les salariés, les fonctionnaires, les non-salariés etc. relèvent de régimes  différents. Le régime général, géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), couvre les salariés du secteur privé. Il est le régime de retraite le plus important en termes de cotisants et de retraités : pour la plupart, les actifs y cotisent à un moment donné de leur vie professionnelle. Environ la moitié fait sa carrière complète en tant que salariés du privé, alors que l’autre moitié passe par différents statuts au cours de la carrière (salarié, fonctionnaire, artisan, commerçant) et acquiert ainsi des droits à la retraite dans les régimes correspondants.

Cette situation de polycotisant implique, au moment de la retraite, le versement à une même personne de plusieurs pensions par les différents régimes. Pour illustrer ces trajectoires entre régimes, l’articulation entre le régime général et le régime social des indépendants (RSI) sera analysée. Un premier point sera fait sur l’importance relative des deux régimes, tant en termes de cotisants que de retraités. Dans un second temps, la composition des pensions des retraités du régime général et des retraités du RSI sera étudiée.

Importance et spécificité des cotisants du RSI et du régime général

 
Le régime général rassemble, au 1er juillet 2008, 17 287 100 cotisants, soit entre 50 % et 60 % de la population active de moins de 60 ans. Les artisans et les commerçants représentaient près de 15 % de la population active dans les années 1950, contre seulement 5 % aujourd’hui, en lien avec la salarisation de la société française. Il y a, en décembre 2008, 1 507 100 cotisants au RSI au titre de l’assurance vieillesse, dont 667 400 artisans et 839 700 commerçants. Cette population active se caractérise par une arrivée tardive au RSI, mais aussi une fin d’activité parfois décalée relativement à celle des salariés.

Au début de la vie active, la proportion des salariés du secteur privé est particulièrement forte, mais elle décroît avec l’élévation de l’âge... La part des cotisants de chaque régime dans la population active est donc différente et évolue de manière opposée en fonction de l’âge. Au début de la vie active, la proportion des salariés du secteur privé est particulièrement forte, mais elle décroît avec l’élévation de l’âge et le passage dans d’autres régimes. A contrario, la part des indépendants dans la population active est croissante avec l’âge : elle est d’environ 10 % pour les hommes entre 60 et 64 ans et atteint près de 40 % parmi les actifs âgés de 65 à 74 ans.


Les cotisants du RSI sont plus âgés en moyenne que ceux de la Cnav (45 ans contre 39 ans au 31 décembre 2006). La carrière non salariée commence relativement tard, étant précédée dans la grande majorité des cas par une période de salariat. La nécessité de constituer un capital professionnel et humain retarde l’entrée dans le statut d’indépendant. À titre d’illustration, en étudiant les carrières des nouveaux retraités de l’année 2007, il apparaît que ceux du régime général ont commencé à cotiser à la Cnav à environ 20 ans. En revanche, pour les nouveaux retraités du RSI, l’âge moyen de première cotisation au régime des artisans et commerçants est d’environ 35 ans.

Outre la différence du nombre, les deux régimes retenus n’ont pas connu la même évolution de leur population cotisante.

  • Le régime général a enregistré une progression d’environ 12 % du nombre de cotisants entre 2000 et 2008, contre un peu plus de 30 % pour les indépendants. Alors que sur le long terme la part des indépendants au sein de la population active baisse, sur les dernières années, le nombre de cotisants RSI progresse fortement.

Cette progression s'est accélérée depuis 2003 : + 3,5 % en moyenne annuelle entre 2002 et 2007, contre + 1,4 % sur la période 1997-2002. Le nouveau dispositif de l'auto-entreprise mis en place en 2009 amplifie cette évolution.

Malgré la dynamique du nombre de cotisants du RSI sur la période, le ratio de dépendance démographique de ce régime demeure toujours défavorable :

  • le nombre de retraités au RSI reste supérieur au nombre de cotisants, alors que le régime général compte près de 1,5 cotisant pour un retraité.

1,4 million de retraités au RSI contre 11 millions au régime général

Au 31 décembre 2008, la Cnav comptait près de 11,4 millions de retraités de droit direct, contre 1,4 million pour le régime des indépendants (tableau 2). Les retraités de la Cnav se répartissent de manière presque équivalente entre hommes et femmes. En revanche, au sein du RSI, les hommes sont largement majoritaires, en particulier chez les artisans avec plus de quatre hommes pour une femme pensionnée.

96 % des retraités du RSI, hommes et femmes, sont polypensionnés. La population de retraités du RSI est constituée quasi exclusivement de polypensionnés. À titre d’illustration, pour la génération 19401, 96 % des retraités du RSI, hommes et femmes, sont polypensionnés avec, pour presque tous, un passage au régime général. En conséquence, ces retraités perçoivent une pension de base du régime général ainsi qu’une pension du RSI. Comparativement, au régime général près d’un retraité sur deux est monopensionné.

Cette génération a atteint 67 ans en 2007 : la quasi-totalité des assurés nés cette année sont donc déjà partis à la retraite au 31 décembre 2007.

Parmi les retraités vivants au 31 décembre 2007 et ayant cotisé au RSI et au régime général, on constate que l’importance des régimes respectifs évolue au fil des générations. La durée de carrière validée au RSI diminue avec les générations, au profit de la durée d’assurance au régime général, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes.

Des pensions d’un montant plus faible pour les indépendants

  • Au 31 décembre 2008, la pension moyenne de base versée aux retraités du régime général s’établit à 674 euros par mois pour les hommes et à 555 euros pour les femmes. Ces moyennes sont respectivement de 346 euros et 203 euros pour les artisans et de 330 euros et 203 euros pour les commerçants. La retraite versée par le RSI représente, en moyenne, environ la moitié de celle servie par le régime général.


Ces écarts entre pensions s’expliquent par les différences de durée d’assurance moyenne validée dans chacun des régimes. De plus, avant l’alignement de la législation du RSI sur celle du régime général, les pensions des indépendants étaient calculées sur une législation moins favorable. Parmi l’ensemble des retraités du RSI, près d’un quart perçoit encore aujourd’hui des pensions issues de cette réglementation.


En raison des écarts des durées moyennes validées au sein des deux régimes, compte tenu du poids différent des polypensionnés (près de 100 % au RSI et 45 % au régime général), il est plus pertinent d’analyser le montant de la retraite globale versée aux retraités par l’ensemble des régimes. L’échantillon inter-régimes de retraités (EIR) permet de calculer la pension globale d’un retraité donné (ensemble de pensions de base et complémentaires), ainsi que sa composition.

Selon l’EIR de 2004, le montant mensuel de pension de droit propre d’un homme retraité du régime général est égal en moyenne à 1 603 euros, contre 1 151 euros pour un retraité artisan et 1 212 euros pour un retraité commerçant. La pension moyenne des retraités du RSI est ainsi inférieure d’un quart à celle des retraités du régime général.

L’écart de pension globale entre anciens salariés du secteur privé et anciens commerçants ou artisans est principalement dû à la faiblesse des pensions complémentaires de ces derniers. Le montant total des pensions de base de droit direct issues du RSI et de la Cnav est relativement proche pour les retraités de ces deux régimes, entre 650 et 700 euros pour les hommes et environ 400 euros pour les femmes (graphique 5). En revanche, les pensions complémentaires associées sont différentes, leur montant global pour les retraités du RSI étant plus faible : une première explication réside dans le fait que les régimes complémentaires des indépendants n’ont pas toujours été obligatoires. De plus, la carrière salariée des retraités du RSI s’effectuant le plus souvent en début de vie active, sur des niveaux de rémunération peu importants, les retraites complémentaires liées au régime général (Agirc et Arrco) sont faibles.

L’écart de pension globale entre les retraités du régime général et ceux du RSI provient également de la part des pensions versées par les autres régimes (fonction publique, régime agricole etc.). En effet, cette part est moins élevée pour les retraités du RSI que pour ceux de la Cnav. Au cours de leur carrière, pour la plupart, les retraités du RSI n’ont cotisé qu’à la Cnav et au RSI, alors que ceux de la Cnav ont plus souvent cotisé à d’autres régimes de retraite, tels que la fonction publique ou les régimes spéciaux et ce, parfois pour des longues durées.

Conclusion


En 2008, la population cotisante du régime général est de l’ordre de 17,3 millions contre 1,5 millions pour le régime social des indépendants (artisans et commerçants). En ce qui concerne la population des retraités, les ordres de grandeur sont également très différents entre les deux régimes : 11,4 millions de pensions de droit propre versées par le régime général et 1,4 pour le RSI.

Les deux régimes n’ont pas le même poids dans le système de retraite français. Les travailleurs indépendants ont essentiellement, à un moment donné de leur vie professionnelle, une activité salariée dans le secteur privé. En termes de durée d’assurance validée, cette activité est, en moyenne, un peu plus importante que la durée validée en tant qu’indépendant.

En conséquence, les retraités du RSI ont une retraite de base composite, issue au moins de ces deux régimes, avec une pension du régime général en moyenne un peu plus élevée que celle du RSI. Pour les retraités du secteur privé, un sur deux a une pension de base composite, du fait d’une trajectoire professionnelle dans différents régimes, avec, en moyenne, une durée validée au régime général qui reste conséquente (environ 53 % de la durée d’assurance totale pour les polypensionnés de la génération 1940).

Auteurs : I. Bridenne, A. Di Porto (Cnav) et M. Glénat (RSI)

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