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07 / 11 / 2011
Denis Garnier / Membre
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Quelle logique est à l'œuvre, si le progrès est suivi d'une mort sociale ?

Quelle logique est à l'œuvre, si le progrès est suivi d'une mort sociale ? Cette phrase est en partie empruntée à l’avis n° 101 du comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé. Ce comité d’éthique devait répondre à la question suivante : « Sur quels critères peut-on fonder une décision équitable lorsqu’il s’agit de choisir entre deux impératifs souvent contradictoires : préserver la santé d’un individu et gérer au mieux celle d’une communauté de personnes ? » 

Après une brillante critique du nouveau mode de financement des hôpitaux, le comité conclut : « Quelle logique est à l'œuvre, si le succès médical est suivi d'une mort sociale ? »

 

En effet, traitant de l’hôpital, le CCNE demande « de se réinterroger sur la mission primaire essentielle de l'hôpital. Celle-ci a en effet dérivé de sa mission originelle d'accueil de la précarité et de la maladie, puis de sa mission de recherche et d'enseignement, vers la situation actuelle qui fait de plus en plus de l'hôpital un service public, industriel et commercial ayant pour conséquence de déboucher sur un primat absolu donné à la rentabilité économique, au lieu de continuer à lui conférer une dimension sociale ».

L’hôpital est ainsi disloqué entre l’éthique et la finance [1]. Il s’enlise progressivement dans les méandres du libéralisme prédateur.

 

La recherche d’économies est devenue un véritable dogme, une vérité absolue, une nouvelle façon de penser le travail. Il faut absolument réduire les coûts. Alors tout le monde y va de son idée, de sa vérité et nous devons applaudir. Les emplois coûtent chers ; il faut en supprimer. Le chômage coûte cher ; abaissons les allocations et le nombre de bénéficiaires. La Sécurité sociale coûte cher ; diminuons la prise en charge des soins. L’enseignement coûte cher ; réduisons le nombre de professeurs. L’État coûte cher ; livrons ses prérogatives au secteur marchand. Le contribuable paiera moins, le consommateur sera surtaxé et le client sera prisonnier de factures toujours plus lourdes. Les économies ne servent pas l’intérêt de tous mais alimentent le profit de quelques uns.

 

Ainsi, huit millions de Français sont privés d’emplois, d’autres sont des travailleurs pauvres, d’autres sont privés de soins, d’autres de logements, et d’autres encore cumulent toutes les privations. Mais un emploi créé, c’est un investissement pour une société en marche. C’est un chômeur en moins. Plus que cela, c’est un citoyen qui retrouve sa place, sa fierté, son utilité sociale, son bien-être.

Les dépenses de santé sont un investissement d’abord pour combattre la maladie, pour assurer à la population un minimum de bien-être et d'épanouissement, mais aussi pour son incidence positive sur l’activité économique. Alors pourquoi détourner ces investissements au seul profit de quelques-uns ?

Cette course aux économies prédatrices disloque le travail et provoque de la souffrance là où l’on devrait caresser le mieux-être [2].

Oui, nous pouvons être fiers des progrès scientifiques, de cette évolution des savoirs qui embellissent la vie de ceux qui peuvent en profiter. Mais nos chercheurs se penchent aussi sur les maux d’une société qui, par sa force centrifuge de l’immédiateté et de la promotion de l’individu au détriment du collectif, exclut ceux qui ne peuvent participer au concours de l’insatiable performance.

 

Alors, quelle logique est à l’œuvre si le progrès est suivi d’une mort sociale ?

 

[1] Denis Garnier, L’hôpital disloqué, éditions Le Manuscrit 2011.

[2] Denis Garnier, Libérez-vous ! De l’économie contre le travail, éditions Le Manuscrit 2011.

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