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20 / 03 / 2015 | 8 vues
Nadia Rakib / Membre
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Prime de non-accident : attention à ne pas « déraper » dessus

Quand on dit que « les choses ont dérapé » cela signifie dans notre jargon qu’elles n’ont pas pris la tournure qu’elles devaient prendre. Deux solutions : soit « le dérapage est contrôlé » et « on a évité la casse », soit « le dérapage est incontrôlé » et les dégâts peuvent faire mal. En clair, plus le dérapage est important, plus dure sera la chute…

Côté entreprises, la métaphore du dérapage peut aussi s’appliquer en matière d’attribution d’une prime. Comme cette somme reste distincte du salaire habituel, elle présente un caractère relativement exceptionnel même si sa périodicité peut être annuelle, voire mensuelle.

Supplément du salaire habituel, elle a souvent pour objet de récompenser le salarié pour avoir atteint des performances jugées satisfaisantes (prime au mérite, prime d'assiduité ou de ponctualité) ou pour compenser une difficulté particulière des fonctions dévolues à ce salarié (prime de risque ou prime de sujétions particulières).

Cependant, l’employeur doit « rester sur ses gardes » pour ne pas faire du non-versement de cette prime une sanction pécuniaire interdite. Le Code du travail dispose en effet que « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites et que toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».

  • La difficulté provient du fait que la frontière entre les amendes et les sanctions pécuniaires interdites et les diminutions des rémunérations licites est parfois difficile à tracer.

L’amende ou la sanction pécuniaire peut être définie comme une retenue sur salaires à l’encontre d’une personne qui a normalement fourni sa prestation de travail. Dès lors, la mise à pied disciplinaire ne peut être assimilée à une sanction pécuniaire interdite puisque le salarié mis à pied n’a pas effectué de travail et ne peut prétendre à un salaire.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société de transport avant de faire l'objet d'une mise à pied disciplinaire au bout de deux ans d’ancienneté. Il avait saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de cette sanction et un rappel de salaire. Puis, en appel, il avait formé de nouvelles demandes, notamment, l'annulation d'une autre mise à pied disciplinaire, des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

De son côté, la société de transport faisait grief à l'arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen de dire que la suppression de la prime de non-accident pendant deux mensualités constituait une sanction pécuniaire prohibée et de la condamner en conséquence du paiement de diverses sommes.

Selon elle, la suppression temporaire d'une prime qui n'était pas décidée dans le cadre du pouvoir disciplinaire de l'employeur ne constituait pas une sanction pécuniaire prohibée. Elle arguait aussi du fait que la suppression d'une prime dont l'octroi est subordonné à un paramètre objectif, lorsque ce paramètre n'est pas rempli, ne constituait pas une sanction pécuniaire prohibée mais, la simple mise en œuvre des critères d'attribution de la prime. u paiement de diverses sommes

  • En l'espèce, l’employeur faisait valoir que l'absence de versement de la prime de non-accident au salarié trouvait sa cause dans les stipulations des accords collectifs en vigueur au sein de l'entreprise. Celles-ci prévoyaient les modalités d'octroi de ladite prime, supposant l'absence d'accident, critère objectif directement en lien avec l'objet de la prime de non-accident.

Or, pour accueillir la demande de rappel de prime et de dommages et intérêts, les juges caennais avaient jugé que la suppression des primes était illicite car décidée en raison de faits considérés comme fautifs par l'employeur.  

Quid juris : La suppression des primes était-elle issue de l'application des stipulations conventionnelles en vigueur dans l'entreprise régissant les conditions objectives d'octroi de ladite prime ?  

La Haute Cour a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d'appel de Caen, qui avait constaté que la prime litigieuse n'était supprimée que dans les cas où le salarié était reconnu responsable au moins pour moitié d'un accident de la circulation.

Dès lors, elle avait retenu que cette prime constituait bien une sanction pécuniaire et qu'il y avait lieu de condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de cette prime ainsi qu'à l'allocation de dommages et intérêts.

Le pourvoi formé par la société de transport a donc été rejeté et celle-ci a été condamnée aux dépens.

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