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24 / 12 / 2020 | 144 vues
Claudine Gautronneau / Abonné
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Retraites de l'État : le Père Noël nous fout les boules

Un groupe de travail avec les organisations syndicales de la DGFIP, spécifiquement consacré à la réorganisation des centres de gestion des retraites (CGR), s'est tenu la semaine dernière et, curieusement, aucun membre des services de gestion du personnel de la direction générale n’était présent.

 

Subie par les agents de la DGFIP concernés, cette restructuration du réseau des CGR va engendrer une mobilité contrainte géographique et/ou fonctionnelle pour beaucoup d’entre eux. Pour autant, aucun membre des services de gestion du personnel de la direction générale n’était présent pour évoquer le volet « emploi » de cette restructuration.

 

Un regroupement de sites pour maintenir des équipes de taille suffisante

 

Il s’agit d’un changement des processus de métiers, avec simplification et dématérialisation. En effet, beaucoup d’éléments nécessaires à la liquidation de la pension sont recueillis en amont, via le compte espace numérisé sécurisé de l'agent public (ENSAP) des agents. Ainsi, 40 % des pensions civiles et militaires de retraite (PCMR) deviendront automatiques. Les gains de productivité et la décroissance des effectifs entraînent un regroupement de sites pour maintenir des équipes de taille suffisante.

 

Les CGR prennent les titres de pension et leurs accessoires en charge, appliquent les retenues et effectuent les règlements mensuels. Ils créent le dossier lors de la prise en charge de la pension, contrôlent la liquidation et périodiquement les droits au paiement des pensions. Ils tiennent aussi la comptabilité des dépenses de pension.

 

Depuis 2011, le réseau métropolitain se compose de 12 centres de gestion des retraites et 4 sites sont maintenus :  Rennes, Nantes, Tours et Limoges. Dès le 1er janvier 2022, 6 fermetures de CGR sont programmées. Cette réorganisation s’inscrit dans le cadre de la relocalisation des services des finances publiques (nouveau nom de la « démétropolisation ») et dans le but d’améliorer l’efficacité des CGR-CSR, selon l'administration.


Lors de cette réunion, aucun document concernant le volet « emploi » de ces réorganisations n’a été produit aux organisations syndicales. La bascule technique des CGR est prévue pour le 1er janvier 2022 mais l’installation des agents dans leur nouvelle affectation s’effectuera dans le cadre du mouvement de mutation du 1er septembre 2021. Tout au long de ce groupe de travail, notre organisation syndicale est intervenue à plusieurs reprises.
 

Nous avons exprimé le désarroi des agents des CGR apprenant 8 jours avant ce groupe de travail qu’ils devaient exprimer un vœu ou une obligation de mutation dans le cadre de la suppression de leur service, d'ici le mois de janvier prochain.
 

Le calendrier très serré présenté soulève bien sûr des inquiétudes chez les agents concernés par la première phase, laquelle leur impose de faire un choix (suivre leur mission engendrant une mobilité géographique ou choisir la mobilité fonctionnelle) dans un délai très bref, à savoir avant la fin de la campagne de mutation vers le 20 janvier 2021. Évidemment, des garanties et des priorités d’affectation existent. Ainsi, un accompagnement financier est prévu pour qui suivra sa mission et optera ainsi pour la mobilité géographique et, dans une moindre mesure, pour la mobilité fonctionnelle. Mais, quoi qu’il en coûte, cela ne peut pas tout résoudre.

 

Quel avenir pour le service des retraites de l'État ?

En marge de ces discussions sur la réorganisation des CGR/CSR, nous avons évoqué et essayé d’obtenir des informations sur l’avenir du service des retraites de l'État (SRE). Dans son article 53, le projet de réforme des retraites prévoit la transformation du SRE en établissement public administratif (EPA), qui sortirait donc du giron de la DGFIP. S’il y a passage en EPA, le projet de loi prévoit que l’ensemble du personnel du SRE soit repris dans l’EPA mais aucune garantie n'a été donnée. Dans la perspective de cette transformation, deux scénarios peuvent être envisagés :

  • soit l’EPA reprend seulement le SRE,
  • soit l’EPA reprend le SRE + CGR/CSR, sous-entendant ainsi qu’il assure la liquidation et le paiement des pensions.
     

Le directeur du SRE a refusé de se prononcer sur l’avenir du SRE et du réseau CGR/CSR.
 

Toute cette transformation du service retraite de l’État est déjà en cours ; le changement des applications de paiement obligatoire au 1er janvier 2023 est mis en œuvre dans le cadre de la mutualisation avec la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de divers régimes de retraite, notamment la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
 

Il est cependant à craindre que cette nouvelle organisation des centres de gestion des retraites déjà fortement perturbante pour le personnel en cause ne constitue les prémices d’une restructuration de plus grande ampleur à moyen terme.
 

Le directeur général de la DGFIP est en train de vendre son nouveau réseau de proximité auprès des collectivités locales ; il distribue son personnel comme le Père Noël distribue ses cadeaux. Mais, à court terme, les élus locaux risquent de déchanter en les déballant.

 

Suspendue en affichage officiel, la réforme des retraites avance tranquillement à bas bruit. Pour mémoire, cette réforme a été réputée votée en début d’année, via l’article 49-3 de la Constitution qui autorise l’adoption d’un texte sans vote des députés. Ce passage en force a été décidé lors d’un conseil des ministres relatif à la gestion de la pandémie du covid-19, à un moment où il était permis de penser qu’il existait peut-être d’autres urgences (sanitaires notamment). « En même temps » un projet de loi organique instaurant une « règle d’or » (soit l’équilibre du nouveau régime sur cinq ans) a été adopté.

 

Que dire de l’adoption par la majorité d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au Sénat pour 2021 ? Il prévoit de repousser l’âge légal de départ à 63 ans pour la génération née en 1965 et l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans, ajoutant ainsi une dose de paramétrique à une réforme systémique.

 

Certes, cet amendement n’a, a priori, que peu de chances de succès à l’Assemblée nationale et les textes votés en début d’année nécessitent de nombreuses dispositions réglementaires pour devenir opérationnels. À voir l’empressement de la DGFIP, les décrets et ordonnances sont certainement en cours de rédaction pour s’appliquer le moment venu.
 

Le gouvernement semble ignorer la demande formulée par les cinq confédérations syndicales, y compris les moins critiques sur le projet. Elles y rappelaient à juste titre que priorité doit être donnée à la relance et à l’emploi. Il n’y a que les idéologues pour croire encore que c’est en demandant à ceux qui ont un emploi de travailler plus longtemps que l’on en créera pour les plus jeunes.

C’est pourtant là qu’est l’urgence et pas dans la mise en œuvre d’une réforme injuste, mal préparée, mal discutée et mal votée.

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