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26 / 12 / 2023 | 170 vues
Aurélie Moreau / Abonné
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Pour que les bonnes vieilles réclamations des délégués du personnel ne tombent pas en désuétude

Les réclamations individuelles et collectives initialement portées par les délégués du personnel sont entrées, par les ordonnances de 2017, dans les prérogatives du CSE (article L. 2312-5 du code du travail). Source de difficultés pratiques, il est cependant primordial que cette prérogative des élus soit bien exercée.

A quoi ça sert une réclamation ? Assurer le respect des droits des salariés

Les élus du CSE ont un rôle de garant de l’application des droits des salariés : pour ce faire, ils peuvent « réclamer » l’application de droits ou d’avantages sociaux inappliqués ou mal transposés dans leur entreprise, au bénéfice d’un ou plusieurs salariés. Il s’agit donc concrètement de mettre l’employeur en face de ses responsabilités : en opposant la situation de fait au droit existant dans l’objectif d’en obtenir l’application loyale et entière. Par usage, les réclamations sont donc souvent rédigées sous forme de questions, tournées vers le rétablissement des droits des salariés. En sécuriser la rédaction permet, en cas de réponse insatisfaisante, d’en saisir efficacement l’inspection du travail.

Que peut-on "réclamer" ? Tout ce auquel on a droit

« La délégation du personnel au CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise » (C. trav., art. L. 2312-5, al. 1). Même si cet article ne cite plus les réclamations relatives à la santé et la sécurité, cela reste possible car en visant tant le Code du travail que les autres dispositions légales concernant « notamment la protection sociale », cela permet bien de porter des réclamations sur la santé et la sécurité. Ce doute est donc levé. À l'appui de leurs réclamations et questions, les membres du comité social et économique peuvent donc invoquer toutes les sources de la réglementation du travail applicable dans leur entreprise : – les textes légaux et réglementaires : Code du travail, Code de la sécurité sociale, etc. ; – les textes conventionnels : accords nationaux interprofessionnels, conventions ou accords de branche, d'entreprise ou d'établissement, etc. ; – les normes spécifiques à l'entreprise : usage, engagement unilatéral, règlement intérieur, contrat de travail, notes de service. En revanche, les réclamations ne peuvent aller au-delà et avoir pour objet d'acquérir des avantages nouveaux ou supérieurs à ceux existants. Il s’agit alors de revendications, du ressort exclusif de la négociation collective, et donc, de la compétence des délégués syndicaux. Par exemple, l'employeur qui refuse de traiter une demande présentée par le CSE sollicitant une réduction du temps de travail et une réévaluation des salaires, questions qui relèvent de la négociation collective, ne commet pas de délit d'entrave (Cass. crim., 26 janv. 1993, nº 89-85.389).

Comment porter ces réclamations jusqu'à l'employeur ? 

Avant 2017, les délégués du personnel consignaient les demandes des élus et les réponses motivées de l'employeur, dans un registre (ancien article L. 2315-12 du code du travail). Ce registre n'existe plus légalement que dans les CSE des entreprises de moins de 50 salariés (article L. 2315-22 du code du travail). La loi reste silencieuse quant à la formalisation des réclamations individuelles et collectives portées par les élus des CSE d'entreprises d'au moins 50 salariés. Ainsi, en amont, elles sont souvent portées à l’ordre du jour, ce qui pose problème. Cette formalisation ne saurait être laissée à la main de l'employeur, président de l'instance, sauf à dénier les prérogatives des élus du CSE qui doivent être en mesure de présenter les réclamations qu'ils portent au nom des salariés. Ainsi, les mettre à l’ordre du jour du CSE ne doit pas être l’occasion, pour l’employeur, dans le cadre de la rédaction conjointe, de modifier la réclamation et encore moins de la supprimer. De plus, ce droit à réclamation étant confié « à la délégation du personnel », le seul secrétaire, chargé de la rédaction de l’ordre du jour du CSE ne peut s’attribuer le droit de ne pas porter les réclamations des autres élus, parfois d‘organisation syndicales en inimitié, ni de les reformuler. Et, en aval, la réponse de l’employeur risque d’être aussi source de discussions lors de l’approbation du procès-verbal, la réponse engageante juridiquement étant parfois entremêlée avec les discussions en séance.
 

Sous quelle forme les réclamations ont-elles survécu dans votre entreprise ? Auditer votre pratique pour l'améliorer


Certaines entreprises ont maintenu la pratique antérieure du registre, qui permet à chaque élu de poser directement sa réclamation et oblige l’employeur a une réponse précise et écrite. Dans les entreprises ayant conclu un accord de dialogue social ou de CSE, les réclamations ont souvent été confiées à une commission spécifique ou des représentants de proximité avec des modalités ad hoc. Le début 2024 peut être l’opportunité d’auditer votre pratique des réclamations à l’aide de ces quelques éléments de réflexion en suivant le fil conducteur final de l’intérêt des salariés et du respect de leurs droits. 

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