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25 / 03 / 2020 | 467 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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Neuf mois de temps de travail dérogatoire pour surmonter le covid-19

Ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.
 

L’une des trois ordonnances dévoilées mercredi 25 mars 2020 offre la faculté à certaines catégories d’employeurs de s’affranchir des règles de droit commun en matière de temps de travail.

 

« Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables :
 

 1° La durée quotidienne maximale de travail fixée à l’article L.3121-18 du code du travail peut être portée jusqu’à douze heures.

 2° La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l’article L.3122-6 du code du travail peut être portée jusqu’à douze heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article.

 3° La durée du repos quotidien fixée à l’article L.3131-1 du code du travail peut être réduite jusqu’à neuf heures consécutives, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier.

 4° La durée hebdomadaire maximale fixée à l’article L.3121-20 du code du travail peut être portée jusqu’à soixante heures.

 5° La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l’article L.3121-22 du code du travail ou sur une période de douze mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.722-1 et aux 2°, 3° et 6° de l'article L.722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole, peut être portée jusqu’à quarante-huit heures.

 6° La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l’article L.3122-7 du code du travail peut être portée jusqu’à quarante-quatre heures.

 

Pour chacun des secteurs d’activité mentionnés au premier alinéa, dans le respect de l’objectif de protection de la santé des travailleurs, un décret précise les catégories de dérogations admises parmi celles mentionnées aux 1° à 6° du présent article et, dans le respect des limites prévues par ces mêmes dispositions, la durée maximale de travail ou la durée minimale de repos qui peut être fixée par l’employeur.


L’employeur qui use d’au moins l'une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. 
 

Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020.
 

Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-12 du code du travail, les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret, peuvent déroger à la règle du repos dominical fixée à l’article L.3132-3 du même code en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
 

Nos premières observations

  1. Pour le moment, le droit social d’urgence est un droit d’exception qui va durer de nombreux mois (neuf mois au départ) donc sur une durée longue qui va structurer les modes de production et bouleverser les conditions de travail d’une grande partie des travailleurs.
  2. La définition des « secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » qu’un premier décret (et qui pourra être suivi d’autres…) touchera de très nombreux secteurs d’activité marchands et non-marchands donc, là aussi, il s’agit d’une donnée essentielle de ce « droit social d’urgence » qui s’installe à très grande vitesse sans débats et concertations.
  3. Le CSE est « informé » et non consulté » par la mise en place des dérogations prévues. En apparence, car il est bien prévu qu’elles doivent être mises en place « dans  le respect de l’objectif de protection de la santé des travailleurs », ce qui nous semble signifier une nécessaire consultation du CSE si les dérogations envisagées ont des conséquences (et il y en aura) sur la santé-sécurité et les conditions de travail (sans compter la nécessaire réévaluation des risques professionnels induite par ces dérogations, la production d’un nouveau DUERP etc.).
     

En effet, il faut rappeler que « la délégation du personnel au CSE est informée et consultée sur toutes les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (L.2312-8), notamment sur :

  • les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
  • la modification de son organisation économique ou juridique ; 
  • la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ;
  • l’introduction de nouvelles technologies,
  • l’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

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Après avoir  pris connaissance des ordonnances présentées en Conseil des ministres, la confédération Fo a régi.

Pour elle, suite à la loi d’urgence n°2020-290 promulguée lundi 23 mars, parmi les 24 ordonnances, trois d’entre elles concernent le droit du travail.

 

  • La première porte sur des mesures d’urgence en matière de congés et de durée du travail ;
  • la seconde sur l’indemnité complémentaire et le report des versements en matière d’intéressement et de participation ;
  • la troisième porte sur la prolongation de l’indemnisation des chômeurs en fin de droits.

 

Rien de bien nouveau ne figure dans ces ordonnances dont les orientations figuraient dans la loi d’urgence.

 

Premièrement, il s’agit notamment de permettre aux employeurs de déroger aux dispositions applicables en matière de durée du travail et de prise des congés payés. Le gouvernement a, sur ce point, dû s’en remettre aux arguments des interlocuteurs sociaux en faveur du dialogue social : cela devra être soumis à un accord de branche ou d’entreprise.

 

Par contre, il donne tout pouvoir à l’employeur pour mobiliser jusqu’à 10 jours de RTT ou de Compte épargne temps.

 

A l’évidence, il s’agit pour le gouvernement d’économiser sur les dépenses liées à l’activité partielle.

 

De même, l’ordonnance rend possible pour l’employeur de décider de déroger en matière de durée du travail (durée maximale quotidienne et hebdomadaire), de repos hebdomadaire et dominical dans les entreprises de secteurs essentiels, dont la liste fera l’objet d’un décret.

 

L'organisation syndicale  a fait connaître son opposition à cette mesure à la fois parce qu’elle s’affranchit du dialogue social et est contreproductive. On risque d'ajouter au risque d'épidémie un risque de fatigue, d'épuisement par des temps de travail plus importants et des temps de repos réduits. Il faut plutôt ménager les salariés concernés et concentrer les moyens indispensables à sécuriser leur santé, dans ces secteurs essentiels, en arrêtant ce qui n’est pas indispensable et ne peut être soumis au télétravail.

 

Elle  note en outre que ces possibilités de dérogation pourraient aller jusqu’au 31 décembre, a priori donc au-delà de la situation de crise sanitaire. La confédération  n’acceptera pas que la situation de crise sanitaire puisse ensuite servir pour affaiblir les droits et protections des salariés.

 

L’extension de l’indemnité complémentaire en situation d’arrêt de travail liés au coronavirus (garde enfant, publics fragiles) est positive. FO regrette en revanche la possibilité de report des versements des primes d’intéressement, qui pourrait mettre en difficulté financière immédiate certains salariés, en particulier ceux qui, en activité partielle, ne percevront que 84% de leur salaire net. 

 

La Confédération  aurait souhaité que soit prévu un cas de déblocage anticipé de l’épargne salariale en lien avec la crise exceptionnelle actuelle.

 

Elle  note positivement:

- les dispositions confirmant le bénéfice de l’activité partielle ou équivalente aux assistantes maternelles et salariés à domicile, aux salariés au forfait (temps de travail), aux apprentis et intérimaires.

 

-  la confirmation du maintien des allocations chômage dues aux demandeurs en fin de droits, saisonniers, intermittents.

 

Elle  rappelle cependant que cette question ne se serait pas posée si le gouvernement n’avait pas d’autorité réformé en juin dernier les règles d’indemnisation et avait respecté la convention en cours signée en 2017 par les interlocuteurs sociaux.