« Ne gâchons pas » cette crise !
« La vie politique est une pièce de théâtre totalement décalée se jouant devant une salle vide ».
Difficile d'ignorer ces derniers jours la sentence du politologue Jérôme Fourquet ; énoncée à l'issue de la démission du Premier ministre François Bayrou qui a sollicité un vote de confiance de l'Assemblée nationale le 8 septembre dernier, elle a fait florès dans les médias nationaux. Il faut dire que ce « bon mot » caractérise bien la crise que nous traversons, combinant l'impasse budgétaire, la paralysie liée à la tripartition politique du pays et la défiance démocratique.
Force est de le constater : depuis la dissolution, les gouvernements ne sont plus en mesure de gouverner.
Ce blocage ne renvoie pas simplement au fonctionnement de nos institutions : il est, pour Rémi Lefèbvre, un autre politologue, le révélateur d'une désagrégation du lien représentatif lui-même, miné par la segmentation sociale et la polarisation de la société française et par l'usure du fait majoritaire.
Dans ce contexte la construction d'un compromis trans-partisan en est rendue d'autant plus difficile, alimentant le sentiment chez nos concitoyens d'une classe politique incapable d'être à la hauteur des défis auxquels nous faisons face.
Et les territoires alors ?
J'avais, en octobre 2024 évoqué la relative « indifférence » avec laquelle le monde local semble contempler les vicissitudes de la vie politique nationale.
Les différents niveaux de collectivités travaillent, presque comme si de rien n'était, suivant leur feuille de route alors même que le PLF 2026 s'annonce, comme en 2025, plus incertain que jamais...
En somme, les territoires prennent leurs responsabilités, en maintenant, voire en consolidant, leurs investissements et en veillant à la préservation du service public local.
Certes, on peut se réjouir de cette dynamique émancipatrice.
Mais il ne faut pas non plus que le spectacle donné par la scène politique nationale alimente un repli sur soi territorial. Pour l'ADGCF, il n'y a de territoires forts sans un État fort, c'est-à-dire crédible, chargés d'œuvrer conjointement à l'établissement du pacte social et écologique dont notre Nation a tant besoin.
A cet égard, la déception de nos compatriotes est d'autant plus profonde que leurs attentes sont culturellement toujours fortes à l'égard de l'État.
Contre ce sentiment d'impuissance, il faut retrouver du volontarisme politique. « Il n'y a pas de fatalité » indiquait récemment Jean-Louis Borloo, appelant à un grand plan de réorganisation de l'État et des collectivités, garantissant la qualité de l'action publique tout en générant des économies. L'ADGCF ne peut que souscrire à cette ambition.
En bref, ne gâchons pas cette crise.
Les chantiers sont multiples, renvoyant aux meccanos institutionnels -sortir notamment de la verticale du pouvoir et des lobbys territoriaux- mais aussi aux valeurs et à l'exercice même de notre démocratie au quotidien.
Sébastien Lecornu, notre nouveau Premier ministre, a annoncé vouloir « renverser la table » en s'attaquant au millefeuille administratif et au partage des compétences entre l'État et les collectivités. Espérons qu'il ait les moyens de tenir parole. Espérons que son projet s'inscrive véritablement dans une logique de rupture, actant les enjeux écologiques et les évolutions socioéconomiques de notre société.
Espérons enfin qu'il mette au cœur de son projet l'enjeu de la justice sociale auquel tiennent tant les Français et qui fonde notre identité commune.