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23 / 08 / 2023 | 102 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Le client mystère dévoilé..!

Le client mystère, comme son nom ne le précise pas, a pour mission de vérifier et de contrôler, pour l’entreprise qui le mandate, le comportement des salariés en contact avec la clientèle, ainsi que l’adéquation avec les préconisations formulées dans le cadre de leur travail. Une mission accomplie en se faisant passer pour un client ou un consommateur lambda...

 

On a connu le fameux « SBAM » apparu chez une chaîne connue de grande distribution dans les années 80, le fameux « sourire-bonjour-au revoir-merci » tellement mécanique qu’il en devenait contre-productif, mais à l’heure où la sacro- sainte expérience client a supplanté la relation normale prestataire/client, et où tout semble devoir être évalué et jugé, parfois sans le moindre recul, les résultats de ces enquêtes d’un genre particulier peuvent parfois se révéler nocifs.

 

L’efficacité et l’utilité

 

L’utilité première d’une visite de client mystère est généralement de garantir la sécurité des consommateurs et de les protéger d’éventuelles arnaques. Les associations de consommateurs y ont régulièrement recours, elles se sont d’ailleurs félicitées de la mise à l’honneur de cette pratique dans la loi DDADUE (1) de 2020.

 

Par ailleurs, l’ensemble des données et des informations collectées par les visiteurs ou clients mystère sont dûment collectées afin de protéger les données personnelles, et les différents process ou secrets de fabrication.

 

Le côté obscur de la force

 

Si l’utilisation du client mystère est vue comme un phénomène normal et positif par des entités telles que les associations de protection du consommateur, le recours fréquent, voire excessif à ces prestataires est, hélas, également une méthode permettant de mettre la pression sur les salariés.


Lorsqu’ils savent qu’un client mystère évalue leurs performances, les salariés se sentent secrètement surveillés voire menacés par une éventuelle sanction due à une mauvaise appréciation. Ce « flicage » peut générer du stress et de la méfiance entre les employés et donc affecter l’environnement de travail et leurs performances.

 

Par ailleurs, dès qu’un client mystère est repéré par les équipes, il est l’objet de toutes les attentions, parfois même au détriment de l’ensemble des autres clients réguliers et des habitués qui se voient ainsi délaissés sans précaution. C’est littéralement le dérapage !


Autre dérive potentielle de ces pratiques, lorsque des clients mystère sont mandatés dans le but de surveiller la concurrence, leur comportement peut aller jusqu’à l’incitation des personnels et des salariés de leur cible à commettre des fautes que ceux-ci n’auraient jamais commises dans un contexte normal. L’effet pervers de la banalisation du procédé

 

Ces comportements, induits par la crainte de se voir mal noté ou du moins cité négativement par l’enquêteur, ne trahissent-ils pas une forme de reniement des agents de maîtrise et de l’encadrement de proximité ?

 

En tout état de cause, la communication des notations de tel ou tel service, et de la date de passage de ce fameux client, donne généralement lieu à des recherches permettant de connaître la composition des équipes présentes lors de la réalisation de l’enquête… Sur les effets relatifs à la rémunération, de grandes chaînes de magasins, ou des enseignes de luxe tel le printemps Haussmann à Paris mettent en place des accords avec certaines représentations syndicales, qui prévoient que la note attribuée par des visiteurs mystère entraîne des répercussions sur certaines primes d’objectifs ou certaines primes d’intéressement annuelles pour les salariés concernés. Toujours dans ce magasin du printemps Haussmann à Paris, dont le positionnement commercial a évolué ces dernières années afin d’évoluer vers l’univers des produits de luxe, les enquêtes mystère ont ainsi été incluses au programme de formation tout à fait ouvertement, et ceci dans le but avoué de progresser de la prestation de service vers le fameux savoir-être, pour ne pas parler de l’obéissance aux moindres souhaits du client. Des exigences qui semblent sans limites tant le consommateur, quelquefois déconnecté de la réalité, semble difficilement discerner le caprice du besoin réel. Les publicitaires nous ayant insidieusement fait passer de l’achat réfléchi à l’achat compulsif, c’est en effet davantage le cerveau reptilien que le cortex qui est mis à contribution !

 

Les clients mystère sont des salariés comme les autres, et leurs difficultés sont réelles Outre une image que l’on peut qualifier de perfectible, les clients mystère sont également victimes d’une forme de précarité inadmissible. Si leurs missions sont généralement au service de l’amélioration du service et de la sécurité pour les consommateurs, ils peuvent également se retrouver complices involontaires d’une politique RH dénonçable.

 

De plus, la pratique n’est pas sans conséquence pour le client mystère lui- même. « C’est sûr, je me pose parfois la question de l’après », avoue Martine, qui n’aimerait pas « être la cause du licenciement de quelqu’un »…

 

Votre employeur a le droit :
 

  • de vous notifier un avertissement à la suite du rapport de visite,
  • de vous notifier un second avertissement pour le même motif à la suite d’une autre visite de «client mystère» ! chez McDonald’s

 

Chez McDonald’s 2400 visites mystères sont réalisées par mois en France : un restaurant est certain d’être contrôlé au moins deux fois par mois 
 


Si historiquement le Guide Michelin ne procède pas autrement, son déploiement généralisé fait que le procédé atteint aussi désormais ses limites du fait des dérives décrites plus avant.


Être un industriel ou un groupe légitimement soucieux de ses clients et de son chiffre d’affaires ne permet toutefois pas de se poser en qualité de client de sa propre marque.

 

C’est précisément là que le bât blesse, puisque les demandes sont formulées par l’entreprise elle-même, et qu’elles ne reflètent que très peu les situations vécues spontanément par un « vrai » client.

 

 

Un système qui a atteint ses limites...

 

L’utilisation à des fins commerciales d’une stratégie initialement destinée à débusquer des fraudes et des abus a atteint ses limites depuis des années. Mais si des applications telles que Tripadvisor font désormais partie des habitudes des consommateurs, supplantant des méthodes vues comme datées, elles ne manquent inévitablement pas de tomber dans les mêmes travers.


Ainsi, la société Viaticum, agence de voyages exploitant le site internet BDV.FR a récemment assigné en justice la société Tripadvisor pour concurrence déloyale et parasitisme. Tripadvisor laissait diffuser sur son forum des avis dénigrant BDV.FR afin de profiter des flux d’internautes dirigés vers ces avis pour les orienter vers son service de réservation de billets d’avion « maison

 

 

(1). Loi DDADUE : Cette loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 porte diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (dite DDADUE), et contribue notamment à renforcer les droits des consommateurs et les pouvoirs de contrôle de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

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