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Avoir un rôle de tuteur en entreprise : pas si simple
Chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt que peuvent représenter l’accueil et la formation d’un alternant, d’un stagiaire, d’un nouvel embauché ou d’un collègue en mobilité .
Plus de 25% des salariés déclarent avoir eu durant l'année écoulée un rôle de tuteur ou de formateur au sein de leur entreprise. Cette proportion, stable depuis 2010, confirme l'importance du tutorat notamment dans les processus de recrutement et d’intégration.
Généralement assurés par un salarié déjà en place et souvent considéré comme allant de soi, ce rôle de tutorat est pourtant loin d’être simple.
Le Cereq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) s'est penché sur le sujet. Il a publié une note cet été (2) justement intitulée " Avoir un rôle de tuteur en entreprise : un travail qui ne va pas de soi" qui livre nombre d' éléments intéressants ...
Cette nouvelle étude , croisant données quantitatives - près de 11.000 salariés interrogés - et analyses qualitatives dans les secteurs du travail social, de l’aéronautique, des services à la personne et des métiers de la sécurité, éclaire les conditions de travail réelles des tuteurs et révèle les enjeux de reconnaissance de cette fonction stratégique pour les entreprises.
Il souligne que, d'une manière générale, que, loin d'être une simple extension de l'activité quotidienne, le tutorat génère pression temporelle et fatigue chez un salarié sur quatre qui l'exerce.
Les principaux enseignements à retenir des observations du Cereq:
- Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas forcément les plus anciens qui transmettent leur savoir-faire. L'étude révèle que :
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Les tuteurs sont principalement des salariés en milieu de carrière (35-44 ans)
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Les cadres et professions intermédiaires sont plus impliqués que les ouvriers ou employés
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Ces salariés sont davantage "ancrés" dans leur entreprise : moins souvent en contrat précaire (5% contre 13%), moins en temps partiel (11% contre 20%)
- Si le tutorat peut être source d'évolution professionnelle - 10% des tuteurs ont bénéficié d'une formation en lien avec un futur poste contre 5% des autres salariés -, il génère aussi des contraintes spécifiques :
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Pression temporelle renforcée :
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46% des tuteurs dépassent leurs horaires normaux (contre 30% des autres salariés)
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27% doivent traiter trop vite des opérations qui demanderaient plus de soin (contre 17%)
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Impact sur la santé au travail :
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25% des tuteurs déclarent de la fatigue et de la lassitude (contre 20%)
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- L'étude souligne aussi que le tutorat ne peut se résumer à un simple "téléguidage".
Les tuteurs doivent :
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Déterminer quoi et comment transmettre selon la spécificité des métiers
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Composer avec la subjectivité des personnes tutorées
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Inventer des modalités pédagogiques adaptées
En conclusion:
Malgré ces exigences, ce rôle fait rarement l'objet d'une reconnaissance spécifique par la hiérarchie. Pour garantir la qualité du tutorat et soutenir les tuteurs, les auteurs recommandent aux entreprises de mettre en place des environnements collectifs favorables. Cela inclut l'aménagement de temps dédiés au tutorat, l'offre de formations adéquates, l'attribution de primes, et la prise en compte du tutorat dans la gestion des parcours professionnels. Il est essentiel que les entreprises reconnaissent le tutorat comme une mission à part entière, nécessitant des compétences spécifiques et un soutien organisationnel. En agissant ainsi, elles pourront non seulement améliorer la qualité de la transmission des compétences, mais aussi fidéliser leurs collaborateurs et attirer de nouveaux talents.
(1) https://www.cereq.fr/le-cereq/qui-sommes-nous
(2) Cereq, Bref n° 473/2025 – Avoir un rôle de tuteur dans l’entreprise : un travail qui ne va pas de soi :
– https://www.cereq.fr/sites/default/files/2025-07/Bref-473web-_0.pdf