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23 / 06 / 2023 | 52 vues
Hervé Schmitt / Membre
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Quand le commerce équitable soutient la dynamique Sud-Sud

Les pays du sud, principaux fournisseurs des matières premières agricoles des grandes marques internationales, pourraient mieux profiter du commerce équitable s'ils mettaient en place leurs propres marques. L'Institut international pour l'environnement et le développement, affirme que ces marques permettraient aux producteurs du sud de dégager de meilleurs profits.

 

L’IIED plaide pour le développement des marques nationales

 

Dans l’un de ses derniers rapports, l'Institut international pour l'environnement et le développement (IIED), constate les bienfaits des marques locales sur les exploitants agricoles des pays du sud. Un constat qui n'est pas nouveau, mais qui rappelle à travers des exemples, la faiblesse des producteurs face aux multinationales étrangères. Aux caraïbes par exemple, les grandes compagnies sucrières achètent du sucre aux producteurs locaux au prix de 600 dollars la tonne alors qu’ils le revendent à plus de 1700 dollars aux détaillants. Rien que sur le marché du gros, les marges sont colossales, mais l’industrie nationale des pays du sud en profite très peu. D'où l’importance selon l'IIED, de développer les marques nationales pour récupérer ce manque à gagner. Dans le cas des Caraïbes, sur l'ile de Barbade, les producteurs de cannes à sucre sont payés deux fois plus que le prix du commerce équitable lorsque la marque nationale "Barbados" achète leur sucre. Le terme équitable perd ainsi tout son sens, car les industriels du sucre étrangers achètent leur sucre sur place pour le vendre aussi cher que les marques nationales, tout en payant moins les exploitants. Il est donc important que les marques nationales améliorent leur image en faisant plus de marketing. Que ce soit sur le marché du sucre, du cacao, ou du café, la valeur ajoutée des produits locaux doit être mise en avant, tout autant que leur caractère équitable.

 

Miser sur la valeur ajoutée des produits

 

Les produits du commerce équitable sont généralement plus chers que les produits traditionnels, car ils profitent à l’ensemble des acteurs qui entrent dans le processus de fabrication. Du moins en théorie, car comme dans le cas du sucre aux Caraïbes, on s’aperçoit qu’il peut être plus rentable pour les petits exploitants locaux, et donc plus équitable, de vendre leurs matières premières à des marques locales, plutôt qu’à des entreprises étrangères. Certains pays ont donc décidé de développer leurs propres marques, comme en Namibie où le bœuf s'exporte beaucoup vers l'Europe, mais qui depuis quelque temps, souffre d'une baisse constante des prix. Les marques internationales achètent de moins en moins cher, et au final, les exploitants sont les grands perdants. Alors pour aider ces derniers, l'industriel local Meatco a lancé une marque de bœuf jouant sur la qualité. Une qualité issue de conditions d'élevage exceptionnelles, et qui se paye donc plus cher. Cette marque « Nature Reserve » permet de vendre la viande de bœuf namibienne, sur un segment où les marges sont plus fortes, et sur lequel les exploitants sont enfin gagnants. Car dans le commerce équitable, ceux qui tirent le plus d'avantages sont souvent les multinationales et industriels étrangers. Grâce à sa stratégie, Meatco a réussi à dégager 25 millions de dollars supplémentaires au-dessus des prix du marché, une somme majoritairement redistribuée aux exploitants et éleveurs locaux. L’IIED souligne donc qu’avec une réelle volonté d’aider les acteurs du bas de la chaine, des modèles économiques rentables pouvaient être mis en place. Des modèles basés sur le rôle des marques nationales dans le commerce équitable.

 

Favoriser le développement des marchés régionaux

 

Dans le cas du bœuf namibien comme dans celui du sucre de Barbade, la concurrence des industries étrangères est telle, qu’elle représente un puissant frein pour l’expansion des marques locales à l’international. Difficile dans ces conditions, d’envisager de meilleurs modèles de commerce équitable. Aussi, l'IIED estime que les marchés régionaux et marchés domestiques doivent être privilégiés par les marques nationales des pays du sud. Sachant que les multinationales dominent les marchés internationaux, mais aussi les marchés locaux, la conquête de parts de marchés au niveau régional représente donc une priorité. De plus, les consommateurs locaux sont plus enclins à changer leurs habitudes de consommation pour soutenir une marque nationale, car ils sont plus sensibles à l’éthique commerciale de leur nation. Ce qui facilite grandement la tâche aux marques locales, qui peuvent mettre en avant l’argument d’un commerce plus équitable. Il faut donc que les marques nationales renforcent leur communication en jouant davantage sur leur image nationale et sur la qualité de leurs produits, comme l’a fait Meatco, l’industriel du bœuf namibien. Pour soutenir cette dynamique sud-sud, l'IIED appelle les différents organismes de soutien au développement, à mettre en place des programmes dédiés aux marques nationales. Des programmes qui admettraient un soutien financier au stade de lancement, mais qui permettraient également d'encadrer le pilotage stratégique des marques. Car, la gestion des propriétés intellectuelles est souvent mal maitrisée par les pays du sud. Le cas de l'Éthiopie en est un exemple.

 

Encadrer le développement des marques nationales

 

Pour qu’un état puisse reprendre le contrôle des marchés dont il est le fournisseur de matière première agricole, il ne suffit pas de créer une marque. Il faut également savoir là développer, et construire sa notoriété. Un cumul de compétences complexes et d’investissements est alors nécessaire. Or, les états et industriels des pays du sud n’ont pas toujours les capacités suffisantes pour mener à bien de tels projets. À titre d'exemple, l'Éthiopie a développé plusieurs marques nationales de café, mais n'a pas su négocier les redevances sur les produits concurrents qui arboraient des appellations locales. Résultat, les bénéfices de la création de marques sont restés faibles, car le principal concurrent, Starbucks, n'a pas été inquiété sur ses marges. Sa puissance financière et son efficacité sur le plan marketing lui permettent de rester leader sur des produits comportant des appellations locales. Une mauvaise opération de la part du gouvernement d'Éthiopie, qui aurait davantage dû imposer ses marques nationales avec une bonne communication, plutôt que de chercher à obtenir des redevances sur les produits Starbucks. Pour favoriser un développement plus équitable, l’encadrement des marques est donc indispensable, et ce, pour éviter des opérations inutiles.

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