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13 / 12 / 2022 | 91 vues
Didier Forno / Membre
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Une astreinte peut-elle être considérée comme du temps de travail effectif ?

Le Code du travail fait la distinction entre les périodes où le salarié se tient à la disposition de l’employeur (travail effectif payé) et les périodes d’astreinte sans intervention (heures non payées).
 

Cette distinction est-elle toujours pertinente, dans le cas ou, le très court délai laissé au salarié pour intervenir, constituerait une contrainte excessive, à la possibilité de vaquer librement à ses occupations ?
 

La Cour de cassation vient de se pencher sur cette question.

 

Les astreintes dans le secteur privé
 

L'astreinte correspond à une période pendant laquelle le salarié doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Le salarié d'astreinte n'a pas l'obligation d'être sur son lieu de travail et/ou à la disposition permanente et immédiate de l'employeur. Les astreintes sont mises en place sous conditions. Des compensations sont prévues pour les salariés concernés.

 

Conditions de mise en place
 

Les astreintes peuvent être fixées par dispositions conventionnelles. En l'absence de convention ou d'accord, elles sont fixées par l'employeur après consultation du comité social et économique (CSE) et information de l'inspection du travail.


Organisation des astreintes

 

Le programme individuel des astreintes est communiqué à chaque salarié concerné dans un délai raisonnable. Ce délai est prévu par la convention ou l'accord d'entreprise. En l'absence de délai prévu, l'employeur doit informer le salarié 15 jours à l'avance de la mise en place d'astreintes. Toutefois, le délai peut être abaissé en cas de circonstances exceptionnelles, à condition d'avertir le salarié au moins 1 jour franc à l'avance.


Situation du salarié pendant l'astreinte

 

Pendant l'astreinte, le salarié n'est pas sur son lieu de travail ni à la disposition permanente et immédiate de l'employeur. Toutefois, le salarié en astreinte doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Durant l'astreinte, le salarié n'a pas l'obligation d'être à son domicile ou à proximité. Il lui suffit, par exemple, de pouvoir être joint par téléphone.


Compensations

 

Les astreintes effectuées par le salarié donnent lieu à des compensations soit financières, soit sous forme de repos. Les conditions sont prévues dans la convention ou l'accord d'entreprise En l'absence de convention ou d'accord, l'employeur fixe les conditions de compensation. En fin de mois, l'employeur remet à chaque salarié un document précisant le nombre d'heures d'astreinte effectuées et la compensation correspondante


Conséquences sur la durée du travail

 

En cas d'intervention du salarié pendant une période d'astreinte, la durée de l'intervention est considérée comme du temps de travail effectifLa période d'astreinte est prise en compte pour calculer la durée minimale du repos quotidien et du repos hebdomadaire, sauf durant les périodes d'intervention.

 

Une astreinte peut-elle être considérée comme du temps de travail effectif ?


La Cour de cassation dans un arrêt du 26 octobre 2022, admet la possibilité que l’astreinte soit rémunérée comme du temps de travail effectif (Cass. Soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178 FS-BR).


Un salarié est engagé comme dépanneur, pour assurer une permanence, pour intervenir sur une portion délimitée d’autoroute. Pendant cette astreinte, il devait se tenir dans, ou à proximité des locaux de l’entreprise (en dehors des heures et jours d’ouverture), afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention.
 

Suite à un contentieux, le salarié demandait à l’employeur le paiement d’heures supplémentaires, considérant qu’en raison du délai très court d’intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place, après l’appel d’un usager, il estimait qu’il se trouvait en permanence à disposition de son employeur. Il ne pouvait donc pas vaquer librement à ses occupations personnelles.
 

La Cour de cassation donne raison au salarié, en se basant sur le principe posé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJUE précise en matière d’astreinte qu’il convient d’apprécier la nature des contraintes imposées au salarié. Ainsi, si ces contraintes affectent « objectivement et très significativement » sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts, alors la période d’astreinte relève du temps de travail effectif.
 

On peut en déduire qu’un trop court délai prévu pour permettre l’intervention du salarié placé en astreinte, pourrait justifier la requalification de cette période en temps de travail effectif.

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