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15 / 06 / 2022 | 138 vues
Edwin Liard / Membre
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Refuser le pillage du spatial depuis qu'il est sous la tutelle du ministère de l’économie

Le 7 juin, les salariés toulousains du CNES et de l’ONERA se sont mobilisés à l’appel de l’intersyndicale pour manifester leur refus de l’appauvrissement généralisé des projets spatiaux scientifiques qui s’organise à l’échelle nationale et européenne. Le 21 juin, ils seront rejoints par de nombreux autres établissements publics de recherche, dont le CEA.

 

Depuis trop longtemps, ils vivent des attaques régulières contre le statut des personnels, les salaires et les missions de ces différents organismes. Actuellement, un cap dangereux est en train d’être franchi. Dans le domaine du spatial, la France a acquis une place forte et singulière sur la scène internationale depuis plus de cinquante ans. Les orientations imposées par les pouvoirs publics la mettent gravement en danger.

 

Depuis 2020, le spatial a quitté le giron de la Recherche pour passer sous la tutelle du ministère de l’économie. Les choix faits ces dix-huit derniers mois illustrent la logique qui sous-tend cette nouvelle organisation : le gouvernement souhaite distribuer de l’argent public à des industriels – de préférence des start-up – pour soutenir des initiatives plus ou moins sérieuses techniquement, sans vision à long terme, et sans s’appuyer sur le savoir-faire du CNES, comme le montre le plan de relance France 2030, en cours de déploiement. Selon Bercy, le CNES doit se contenter de passer des contrats dans l’industrie (et cesser de faire par lui-même), surtout sans énoncer de spécifications trop précises, et en faisant superviser tout cela par un « cabinet indépendant », comprendre un consultant privé !

 

La ligne est claire : le spatial doit désormais être guidé par la recherche de la compétitivité. Si le CNES n’a jamais opposé les projets scientifiques au soutien à la compétitivité industrielle, considérant qu’il est dans son essence même d’être en capacité de prendre les risques que l’industrie ne peut pas prendre et de lui transférer le fruit de ces prises de risque pour maintenir et améliorer sa compétitivité, n’avoir que cette dernière pour seule boussole l’empêchera de remplir pleinement ce rôle.

 

Cette politique est mise en place sans aucune concertation avec les salariés qui, eux, ont les compétences et l’expertise, et sans garantie d’aucune sorte. De plus, les mécanismes mis en place ne permettent qu’un contrôle succinct et superficiel quant à l’usage de l’argent public, et ne s’accompagnent d’aucune exigence particulière quant à l’utilisation d’équipements ou de composants français ou européens, pas plus qu’ils ne garantissent à terme le maintien en France ou en Europe des innovations ainsi subventionnées, qui pourront être revendues aux plus offrants.

 

La privatisation de la recherche publique et le pillage de ses ressources sont en marche. Les ministères de tutelle demandent aux chercheurs et ingénieurs de mettre à disposition des intérêts privés sans contrôle et sans limite leurs savoirs et savoir-faire, de financer les projets d’entreprises dont certaines n’ont pas d’autre raison d’exister que de capter la manne publique. Il est impératif de ne pas laisser brader leurs missions, les organismes de recherche qui les emploient et les salaires des personnels.

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