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31 / 03 / 2022 | 802 vues
Philippe Charry / Abonné
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Orange : l’enquête « conditions de travail et stress 2021 » conforte nos alertes

Fin 2021, pour la cinquième fois, une enquête sur les conditions de travail et le stress, pilotée par le Comité national de prévention du stress, a été adressée à l’ensemble du personnel du groupe Orange en France. L’analyse des 33 665 réponses souligne une nouvelle dégradation des conditions de travail, confortant nos alertes. 36 % des salariés ont répondu aux questions ouvertes, ce qui montre un vrai besoin de s’exprimer sur les conditions de travail dans un contexte social tendu où le personnel est confronté à des transformations organisationnelles et structurelles profondes, exigeant efforts permanents et injonctions à l’agilité.

 

L’intensité et la complexité du travail se dégradent encore.
 

L’effectif d’Orange SA a connu un recul de 15 381 personnes entre novembre 2018 et juillet 2021 : 2 410 entrées issues des filiales, 4 881 nouvelles embauches et 22 672 sorties. Toutes les activités sont concernées par cette baisse, à l’exception de WIN. Les UI et USC connaissent le plus important recul d’effectif, avec respectivement 4 895 et 2 882 personnes. Les AD en perdent plus du quart, avec 1 730 personnes. Dans le temps séparant les deux enquêtes (deux ans et huit mois), la force au travail a diminué de 12 %. Avec des besoins restant supérieurs aux ressources, les conséquences sont considérables pour le personnel et ressortent dans cette étude : l’intensité au travail se dégrade nettement en 2021 (- 2 points par rapport à 2019).

 

Les niveaux de réponse concernant les « pics d’activité » et « les exigences du travail » restent très élevés (97 % et 85 %) et ces résultats sont homogènes, quelles que soient les unités. Sans surprise, les quatre activités exprimant les plus hauts niveaux d’intensité du travail sont les AD, PRO-PME, AE, OBS et SCE. Entre 2019 et 2021, sur quasiment l’ensemble des activités, on constate une augmentation de 3 % concernant la question relative « à la quantité excessive de travail ».

 

L’ AD est l’activité avec le plus fort taux à cette question avec 64 % et l’USC celle dont les réponses se dégradent le plus, soit + 10 %. Avec des forces commerciales affaiblies et un bien-être au travail dégradé, l’implication professionnelle du personnel ne peut à elle seule combler les dysfonctionnements inhérents à l’organisation du travail dont l’entreprise porte la responsabilité. Ainsi, nous nous interrogeons sur les capacités d’Orange à défendre ses parts de marché et à se différencier vis-à-vis de ses concurrents dans un secteur des télécoms hyperconcurrentiel et en pleine mutation.

 

Toutes activités confondues, la proportion de salariés dont le travail « demande de longues périodes de concentration » ne cesse d’augmenter et atteint 89 %. L’enquête pointe également l’incapacité de l’entreprise à résoudre les difficultés rencontrées au quotidien telles que l’interruption de tâches, les consignes contradictoires ou inapplicables, le manque de coordination etc. La sous-traitance, associée à l’impossibilité d’effectuer un travail de qualité et à une perte de sens, les objectifs commerciaux individuels, évoqués comme irréalistes et théoriques, et la complexité du SI participent aussi à compliquer le quotidien et engendrent une surcharge mentale.

 

La transformation numérique et l’évolution de nos métiers vers l’expertise mènent à réaliser des tâches plus complexes, qui nécessitent de disposer d’espaces calmes et fermés afin de favoriser une concentration optimale. La question relative « aux interruptions de tâches » se dégrade de 3 points depuis 2019. L’appétence d’Orange pour la mise en place d’environnements de travail dynamiques dans ses projets immobiliers risque d’amplifier ces difficultés de concentration, entre autres. Il s’agit d’ailleurs de l’un des arguments en faveur du télétravail, avancés par les salariés, avec 85 % des répondants appréciant la possibilité de pouvoir se concentrer et 78 % le fait de ne pas être interrompus dans leurs tâches. L’engouement du télétravail ne cesse de croître et, selon l’enquête, 45 % des répondants en voudraient plus et personne ne veut en faire moins.

 

  • Pour notre organisation syndicale, les évolutions technologiques ou réglementaires, auxquelles Orange doit faire face, ne justifient en rien de tels résultats. Les plans d’économies successifs (dont le plan d’économies Scale Up d’1 milliard d'euros) illustrent bien les orientations prioritaires du groupe. Les performances commerciales ne sauraient être la seule priorité et l’entreprise doit tout mettre en œuvre pour assurer la santé et la sécurité du personnel, en garantissant une amélioration continue des conditions de travail et de sa qualité de vie au travail. Des accords et des droits existent (accord de méthodologie sur l’adaptation et l’évaluation de la charge de travail, vie privée/vie professionnelle, droit à la déconnexion…) et nous exigeons qu’ils soient respectés.
     

Une insécurité socio-économique persistante 
 

Selon la DARES, les changements organisationnels peuvent être un facteur d’insécurité pour les salariés et contribuer à dégrader leur santé mentale. Chez Orange, la succession des plans de transformation à un rythme effréné génère stress et souffrance au travail. 95 % des répondants pensent que les réorganisations internes vont s’accélérer dans les prochaines années et 53 % sont en train de vivre ou s’attendent à vivre un changement indésirable. Cet indicateur est en hausse significative pour toutes les activités, en particulier pour les AD, OBS-SCE et WIN. Les résultats restent stables pour PRO-PME mais le pourcentage de réponses « tout à fait d’accord » était déjà très élevé en 2019.


Les USC ont connu le plus de réorganisations (79 %). Dans ce contexte, il devient particulièrement difficile pour le personnel de se projeter et de sereinement appréhender son avenir professionnel. Pour permettre d’assimiler ces changements, l’accompagnement doit être à la hauteur des ambitions du groupe avec la mise en œuvre de plans de prévention pluridisciplinaires solides.
Ces transformations ont des conséquences désastreuses et « coûteuses » sur les volets humain et financier. L'équilibre coûts/avantages de toute décision doit être préalablement analysée.

 

Une reconnaissance toujours insuffisante

 

Les aspects de reconnaissance du travail et de perspectives d’évolution professionnelle étaient encore des facteurs importants d’insatisfaction pour les répondants en 2021. 48 % estimaient que les souhaits d’évolution professionnelle sont peu ou pas « suivis d’effets ». En termes de reconnaissance, il est essentiel que les critères d’évaluation soient équitables, homogènes et transparents, fondés sur les compétences mises en œuvre et les qualifications de chacun. La rémunération en regard des efforts entrepris constitue un facteur d’insatisfaction pour 64 % de la population répondante et 77 % identifient les perspectives de promotion comme étant relativement « faibles ».

 

Avec un chiffre d’affaires en 2021 s’élevant à 42,5 milliards d’euros, en hausse de 0,8 % sur un an, le groupe affiche des résultats financiers solides et d’excellentes performances commerciales.

 

  • Notre fédération exige que les efforts du personnel et sa contribution à la richesse produite soient enfin reconnus via une politique de rétribution à la hauteur de ses engagements. Nous attendons de la direction qu’elle déploie une politique de rémunération ambitieuse, notamment à l’occasion des négociations salariales.

 

Et le management ?

 

Le management de proximité a été au rendez-vous de la crise sanitaire. Néanmoins, ces performances ont entraîné des conséquences pour les encadrants dont le niveau de fatigue et de stress est important. Il est plus élevé que pour les salariés non-encadrants et il s’est accru un peu plus vite cette année. Les managers sont fortement concernés par les aspects quantitatifs de l’intensité du travail : + 23 % déclarent emporter du travail chez eux et + 10 % indiquent devoir travailler intensément.


Avec l’augmentation du nombre de personnes encadrées, l’accroissement des responsabilités et des engagements, l’intensité du travail est touchée : 58 % des 2 333 répondants encadrant entre 11 et 50 personnes considèrent que « nous ne sommes pas assez nombreux pour le travail à effectuer ». Il en est de même pour 55 % des 259 managers encadrant entre 50 et 100 personnes.

 

  • Pour nous, le rôle du management de proximité est essentiel. Le manager est le garant du collectif et du lien social. Il se trouve en première ligne pour détecter les signaux d’alerte en matière de RPS. Il ressort de cette enquête que les managers sont aussi épuisés que leurs équipes. Depuis des années, nous dénonçons les multiples difficultés (manque d’autonomie, marges de manœuvre réduites ou mal identifiées, accompagnement inadapté, reconnaissance insuffisante…) et les sursollicitations auxquelles les managers doivent faire face. Ils subissent eux-aussi les conséquences de la politique de réduction de la masse salariale de l’entreprise qui fait peser une surcharge de travail, préjudiciable à la santé et à la vie personnelle sur tous. Quant à la question de l’autonomie des managers, elle est absolument primordiale pour une meilleure gestion et prévention des risques psychosociaux. Elle doit être renforcée afin d’améliorer le bien-être de tous.

 

Améliorer les conditions de travail et la qualité de vie au travail

 

Ce rapport dresse un constat édifiant qui doit être analysé et pris en considération par l’entreprise. Trouver de nouveaux relais de croissance, consolider les marchés sont les défis qui attendent Orange et, pour les relever, le volet humain est incontournable. Orange doit montrer sa détermination à améliorer les conditions de travail de façon pérenne, ce qui nécessite de recruter, maîtriser la charge de travail, simplifier les processus, développer l’autonomie et la coopération, ralentir le rythme des transformations, accompagner et valoriser le travail. 

 

  • Des relations sociales sereines passent aussi par le respect du dialogue social et des instances. Nous veillerons à ce que l’enquête débouche sur des mesures préventives et des plans d’actions concrets. Il en va de l’avenir d’Orange et de son personnel.


Télécharger « l’enquête « conditions de travail et stress 2021 » conforte nos alertes ».

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