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25 / 10 / 2021 | 368 vues
David Ollivier-Lannuzel / Abonné
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Une « grande Sécu » sans les mutuelles : pourquoi vouloir banaliser les organismes complémentaires serait une erreur

Le sujet s'est installé dans de nombreux débats il y a quelques semaines, suite aux scénarios rendus publics du Haut Conseil sur l’avenir de l’Assurance-maladie (HCAAM) et l'articulation entre régime obligatoire et régime complémentaire. Qu'en sortira-t-il ? Après les premiers effets d'annonces (qui n'ont pas manqué de susciter de vives réactions), la réunion annoncée cette semaine pour la présentation du rapport définitif est reportée à mi- novembre voire début décembre, si l'on en croit les dernières informations.

 

La semaine dernière, j'ai publié une tribune dans Les Échos, avec Gilles Girard (directeur de Thémis Conseil), considérant que vouloir banaliser les organismes complémentaires à tout prix serait une erreur. Misons au contraire sur leurs spécificités.


Parmi les scénarios envisagés, celui d’une « grande Sécu » pouvant aller jusqu’à l'absorption des complémentaires de santé.
 

Certains évoquent déjà le spectre d’une nationalisation du système de santé français. On en est loin mais depuis quelques années, sous couvert de recherche effrénée d’universalisme, une batterie de nouveaux dispositifs (ROC, 100 % santé, ANI et contrat d’accès aux soins) ayant pour vocation affichée d’offrir une meilleure protection sociale à tout le monde pousse un peu plus vers l’automatisation, voire l’industrialisation de cette protection. Et un jour à la disparition des organismes complémentaires ?


La simplification va dans le sens de l’histoire mais déresponsabiliser les patients en effaçant les coûts fait courir un vrai danger. Par exemple, on n’a plus de feuille de soins et la dématérialisation a contribué à limiter les échanges papier. Toutes ces actions, qui simplifient la vie, mènent à penser et à dire que la médecine est gratuite.


Pourtant, les coûts réels augmentent, avec des répercussions sur les charges sociales des entreprises et sur les cotisations car les mutuelles, elles doivent équilibrer leurs comptes. 

 

L'automatisation fait peser un poids financier accru sur les mutuelles sans que personne ne s’en aperçoive. La protection sociale est financée par du salaire différé mais, pour la majorité des Français, c’est très peu lisible : à leurs yeux, c’est l’Assurance-maladie (donc l’État) qui couvre, tout le monde étant protégé pour le même prix. Si elle n’est plus identifiée, l'action complémentaire disparaît à la vue de tous.

 

Au moment où le HCAAM redéfinit le rôle des organismes complémentaires, il est temps que les acteurs mutualistes réagissent et réinventent les services qu’ils peuvent offrir à leurs adhérents. Ils doivent notamment réfléchir au parcours avant et après le soin. Mettre en place des espaces d’accueil pour les familles va devenir un enjeu majeur et c’est une course de vitesse dans laquelle les mutuelles doivent s’engager, en y trouvant leur modèle économique. Car leur nombre limité d’adhérents risque de les priver des effets d’échelle évidents dont l’Assurance-maladie obligatoire bénéficie. Les mutuelles sont plus sensibles aux préoccupations de leurs adhérents, qu’elles connaissent mieux que l’Assurance-maladie.

 

Vouloir banaliser les organismes complémentaires à tout prix serait une erreur et miser sur leurs spécificités serait un gain en matière sanitaire et en matière de coûts. Demain, ils doivent être des acteurs majeurs du monde social et sanitaire.


Les débats sur la prévoyance ou sur la cinquième branche (celle de la dépendance) offrent des champs de développement dans l’accompagnement des individus que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne pourra pas forcément entièrement couvrir. Les mutuelles ont tout pour devenir des accompagnateurs de vie.


Face aux immenses défis (financiers, sociaux et sanitaires) que la protection sociale affronte, le seul choix possible est de travailler tous ensemble pour construire un nouveau modèle universel et viable. Aux côtés de l’Assurance-maladie et de l’État, les organismes complémentaires sont plus que jamais un acteur essentiel du parcours de santé.


Redéfinir les responsabilités de chacun devient un enjeu crucial pour garantir la survie ou plutôt la renaissance de notre système social et la cohésion de notre société.

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Les partenaires sociaux composant le conseil d’administration du CTIP ont fait part de leur «vive opposition» aux différents scénarios du HCAAM sur l’articulation entre le RO et le RC.

Ils ont fait savoir  qu''ils  «ne comprennent pas la volonté de mettre à bas un modèle qui fonctionne et de modifier en profondeur l’organisation de l’assurance santé de l’ensemble de la population». Et «déplorent que les propositions du HCAAM convergent toutes vers un affaiblissement de la liberté de négociation au sein des branches et des entreprises et vers un appauvrissement du dialogue social et du contrat collectif». Selon eux, la plupart  «visent à renforcer les contraintes sur des contrats santé déjà très largement encadrés».

Pour eux il importe de  «sortir d’un débat visant à faire disparaître la pluralité des acteurs et le contrat collectif, outil efficace de mutualisation et d’innovation, vecteur d’équité, de cohésion et de solidarité». Et souhaitent «engager une démarche plus collaborative et partenariale entre l’ensemble des acteurs pour tendre vers une plus grande efficacité et lisibilité de notre système»

Cette publication (Les dépenses de santé en 2020 - Résultats des comptes de la santé - Édition 2021 | Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (solidarites-sante.gouv.fr)) est composée d’une vue d’ensemble synthétisant les éléments marquants de 2020, d’une fiche retraçant les mesures mises en œuvre en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, et de trois chapitres de fiches.

Le premier chapitre traite de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), qu’il examine en détail pour certains volets de dépense et de son financement.

Le deuxième chapitre est centré sur des indicateurs complémentaires des dépenses de santé : la dépense courante de santé au sens international (DCSi) et les indemnités journalières.

Enfin, le dernier chapitre est consacré aux comparaisons internationales des dépenses de santé.

La fiche sur "les systèmes de santé et financement, perspectives internationales" retiendra l'attention dans le contexte actuel... 
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/Systemesdesanteetfinancementperspectivesinternationales.pdf

 

 

 

L’exécutif a décidé de se pencher sur l’articulation entre l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et l’Assurance maladie complémentaire (AMC), comprenez de la modifier peut-être. Différents scénarios sont déjà évoqués, y compris celui d’une « Grande Sécu », dont le nom se voulant rassurant n’écarte pas les menaces. Car au-delà de la question des conséquences pour les assurés sociaux d’un grand chamboulement du système actuel de financement des soins, il y a le risque d’une étatisation plus marquée encore de la gestion de la Sécurité sociale, laquelle par ailleurs supporte une charge indue de dépenses liées à la crise Covid qui pèse sur ses moyens. Pour FO, si le système actuel doit être amélioré, les principes fondateurs de notre modèle social doivent demeurer l’égalité et la solidarité. Cela passe entre autres par le respect du paritarisme, l’arrêt de la politique de maîtrise des dépenses ou encore de la fiscalisation des recettes de la Sécu.

 

S erait-ce une simple querelle entre le gouvernement et les complémentaires santé ? L’affaire est bien plus sérieuse car derrière l’accusation faite aux complémentaires de trop peser sur les comptes publics et la demande d’une non-augmentation de leurs tarifs l’an prochain se cache un dossier complexe et épais. Les complémentaires rétorquent, elles, qu’en dix-huit mois leurs prestations ont augmenté de plus d’un milliard d’euros, cela dû à un rattrapage post-confinement sur les soins. Elles invoquent aussi le coût de la réforme 100 % santé (dentaire, optique, audioprothèse/140 millions en 2021), ou encore le poids des taxes qu’elles assument (TSA, contribution supplémentaire de crise depuis septembre 2020…).

 

La Cour des comptes indique, elle, que l’effort du 100 % santé a pesé principalement sur l’Assurance maladie, la confédération pointant pour sa part cette réforme qui renforce la médecine à plusieurs vitesses en introduisant la notion de classes de prestations dans la liste des actes et produits remboursables par l’Assurance maladie. Mais plus largement, derrière cette empoignade il est surtout question de peut-être revisiter l’articulation des compétences entre le régime obligatoire d’assurance maladie (AMO) et les complémentaires (AMC/ assurances privées, institutions de prévoyance, mutuelles), dont le rôle historique est de permettre aux assurés sociaux de réduire le reste à charge des dépenses de soins. Depuis le début de l’année, sur fond d’épidémie et d’endettement aggravé de la branche maladie, lestée d’une dette indue issue de la crise sanitaire, différents documents alimentent le débat. Si en France, l’Assurance maladie complémentaire assure près de 14 % des dépenses de santé (chiffres de 2017), un changement de cette situation ne serait pas sans conséquences pour les assurés. Quid de l’égalité d’accès aux soins, du niveau de remboursement des prestations ? Une récente étude, commandée par le groupe Malakoff Humanis, indique que pour 78 % des Français le système de santé actuel fonctionne bien. Pour 86 %, la présence de l’AMO et de l’AMC est indispensable à ce bon fonctionnement. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas des améliorations à obtenir...

 

L’attachement de FO aux principes fondateurs du modèle social

 

Tandis que la Sécurité sociale fête cette année ses 76 ans, la confédération FO rappelle de son côté son attachement indéfectible aux ordonnances de 1945 instituant la Sécurité sociale, y compris en ce qu’elles affirment le rôle des complémentaires. Pour FO, les principes fondateurs de notre modèle social doivent demeurer l’égalité et la solidarité pour assurer l’universalité des bénéficiaires et garantir l’accessibilité aux soins, face aux inégalités de couverture et de reste à charge. La confédération renvoie par ailleurs l’État à son rôle de contrôle de la légalité et des comptes, l’invitant à éviter la multiplication des réglementations mais à s’assurer de l’exemplarité et de la transparence de l’AMO et de l’AMC, permettre de nouveau que les reformes soient négociées au niveau des acteurs et non concertées par le gouvernement. Concrètement, que cesse le piétinement de la possibilité de négociation. Par ailleurs, pointe FO, notre système devient de plus en plus illisible et instable, sa complémentarité devient dualité. Les modifications législatives et réglementaires successives, au travers des LFSS en particulier […] brouillent le rôle de chacun, entre l’État, l’AMO et l’AMC, souligne encore FO. Ainsi, l’étatisation des deux secteurs induit-elle un rôle dénaturé à l’AMC, qui devient indispensable et corsetée dans ses offres.

 

Pour la confédération ,  la clarté et la lisibilité du système doit être améliorée, cela signifie en particulier que les bases de remboursement doivent rester communes entre l’AMO et l’AMC, et que l’AMO doit améliorer sa prise en charge.

 

La Sécu, sous contrôle et contraintes accrus

 

En ce sens, la confédération fustige la maîtrise des dépenses, qui demeure la seule véritable politique des gouvernements successifs, ce qu’illustre notamment l’Ondam, l’objectif national annuel de dépenses de santé. Et FO fustige notamment aussi l’injustice contributive par la suppression des cotisations salariales et l’instauration de la TVA sociale, entre autres.

 

Sur fond d’économies budgétaires toujours prônées, le législateur a voulu donner un nouveau cadre aux projets de lois de financement de la Sécurité sociale et a décidé cette année d’une loi organique (en vigueur au 1er septembre 2022) et d’une loi ordinaire. Il y a ajouté une loi d’approbation des comptes de la Sécurité sociale. Par ailleurs est instaurée, à compter du PLFSS 2025, une « règle d’or » destinée à garantir un équilibre financier de moyen terme des comptes de la Sécurité sociale.

 

 

Le contrôle de la part de l’État et les contraintes imposées à la Sécu sont donc accrus. Cela alors que les recettes changent de nature, ce qui augmente les possibilités de mainmise de l’État sur la protection sociale.

 

Le danger de la fiscalisation des recettes

 

Le basculement des cotisations sociales vers l’impôt, soit la fiscalisation des recettes, ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment à travers la CSG (créée en 1991 et qui représente aujourd’hui près d’un tiers des recettes), la CRDS (créée en 1996), ou encore la part de TVA (passée d’un poids de moins de 6 % en 2018 à 26 % en 2019, notamment dans le cadre de la transformation du CICE en allègements de cotisations).

 

 La part des cotisations dans le financement de la Sécurité sociale est en baisse régulière depuis les années 1990. Alors qu’elles comptaient encore pour 91 % des recettes du régime général à la veille de la création de la contribution sociale généralisée (CSG,) les cotisations sociales ne représentaient plus que 56 % de ses ressources et de celles du FSV en 2016, constate un rapport du Sénat. Ce que notait aussi en février dernier le Haut conseil du financement de la protection sociale, précisant que la part des contributions des employeurs dans le financement du régime général et du FSV est passée de 72 % en 1980 à 50 % en 2000 et 36,5 % en 2021. Les allègements et exonérations, dont la décision échappe aux acteurs de la protection sociale, privent la Sécu de recettes émanant des cotisations sociales. Et le manque à gagner atteint chaque année des dizaines de milliards d’euros. Ce qui pèse sur la Sécu et son principe de solidarité. Et pour FO, cela reste le cœur du problème.

 

Derrière la « Grande Sécu », le spectre de l’étatisation du système de santé

 

Depuis que l’exécutif a demandé mi-juillet au Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) d’approfondir ses propositions pour réformer l’articulation entre l’Assurance maladie obligatoire et l’Assurance maladie complémentaire, l’inquiétude a gagné le monde de la protection sociale. Car, dans sa lettre de mission, le ministre de la Santé Olivier Véran ne cache pas sa préférence pour le scénario « Grande Sécu », visant à renforcer l’intervention de la Sécurité sociale.

 

Sa commande trouve un écho particulier, alors que les comptes de l’Assurance maladie ont plongé dans le rouge (29,4 milliards de déficit prévu en 2021) du fait de dépenses liées à la crise Covid, que le gouvernement a décidé de lui imposer. Quant à la Cour des comptes, si elle rappelait en juin dans un rapport le choix singulier de la France d’accorder un rôle déterminant aux assurances privées dans la prise en charge des dépenses de santé, son diagnostic est sévère.

 

Des critiques sévères

 

Certes, note-t-elle, le système assure une protection à 96 % de la population. Et le reste à charge des ménages est le plus faible des pays de l’OCDE. Mais, pointe la Cour, le système est coûteux et peu efficient ! L’imbrication entre régimes génère une superposition des dépenses de gestion administrative sur les mêmes flux. Coût pour les finances publiques : 10 milliards d’euros par an, entre les niches fiscales et sociales accordées au titre de la complémentaire santé et de la complémentaire santé solidaire (CSS). Et, estime encore la Cour, malgré ces dépenses, le système est en partie inéquitable du fait des conditions inégales faites aux assurés, les moins bien lotis étant les agents publics, retraités, chômeurs, personnes sans activité professionnelle...

 

Scénario imprécis d’un chamboulement total

 

La « Grande Sécu » résoudra-t-elle ces faiblesses structurelles, pour reprendre l’objectif assigné aux travaux du HCAAM attendus en novembre ?

Chose certaine, le scénario prisé par le ministre est le plus détaillé du pré-rapport. Il revient à généraliser le dispositif des affections longue durée (remboursées à 100 % par le régime obligatoire) à l’ensemble des patients, note le Haut conseil. Fini le ticket modérateur, les frais forfaitaires à l’hôpital : la « Grande Sécu » prendrait tout en charge, sauf les chambres particulières. Fini le reste à charge zéro sur l’auditif, le dentaire, l’optique : elle rembourserait seule les soins onéreux. Le contenu du panier des soins couverts par la Sécu et leurs tarifs seraient révisés régulièrement. Mais le législateur encadrerait aussi le panier de soins « libre », remboursé par des complémentaires réduites à la portion congrue.

 

Le chamboulement serait total. Attention aux effets d’annonce en période pré-électorale, avertit Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO à la protection sociale : Personne ne sait ce que recouvre la Grande Sécu de l’exécutif. 

Mais le danger est là. Telle qu’esquissée par le HCAAM, elle remettrait en cause les principes fondateurs de la Sécu : sa gestion d’assurances sociales, paritaire. Elle renforcerait l’étatisation de la gestion, alors que le contexte budgétaire est plus que contraint. Les risques en sont connus, comme l’illustre la mission IGAS-IGF, commanditée par l’exécutif sur  l’amélioration de la performance des organismes de Sécurité sociale. 

 

Une attaque sans précédent contre le personnel de la Sécu !, résume Éric Gautron, secrétaire national du Syndicat FO des cadres des organismes sociaux, qui a révélé son existence. Inédit dans une lettre de mission formulée avant le renouvellement des conventions d’objectifs et de gestion (COG) des caisses du régime général : elle préconise de traiter les enjeux communs (réduction des coûts, mutualisation, implantation) en inter-branches et en inter-régimes (avec la MSA). Réflexion qui s’applique aux conventions collectives, à faire converger. Vous avez dit « Grande Sécu » ?

 

 

 

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