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24 / 05 / 2021 | 110 vues
Philippe Grasset / Abonné
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Observatoire du climat social ministériel aux finances : le contexte a mené les agents à relativiser leur situation

La présentation des résultats de l’observatoire interne mis en place dans les services des ministères économique et financier a été faite aux organisations syndicales.

 

Une année spéciale avec des résultats atypiques

 

L'enquête de l'observatoire interne a été réalisée sur la période du 6 janvier au 15 février 2021, auprès de l’ensemble des agents du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance et du Ministère de la Transformation et de la Fonction publique, soit 131 927 agents.

 

  • Mais seulement 46 867 agents ont complété l'enquête, soit un taux de participation de 36 % en retrait de 4 points par rapport à la vague précédente.

 

En fait, la participation a été plus hétérogène encore que lors des vagues antérieures, avec des progressions importantes sur certaines directions et des reculs sur d’autres, avec un fort décalage entre les administrations centrales et les services déconcentrés.

 

Pour nous, cette baisse de participation tient aussi au fait que les agents voient bien peu de réponses concrètes aux difficultés dont ils font état dans ces questionnaires.

 

Les résultats ont été scindés selon les thématiques suivantes :

  1. travailler au temps du covid-19 et après,
  2. inversion de tendance sur la satisfaction,
  3. engagement,
  4. thématiques d'action : vision, efficacité opérationnelle, conditions de travail et développement.

 

Travailler au temps du covid-19 et après

 

Globalement, la gestion de la crise a été ressentie de façon positive, notamment sur le plan sanitaire avec un bon niveau d'information. Cette évolution positive est largement supérieure au reste de la fonction publique d'État.

 

En revanche, le sujet des conditions de travail donne des résultats très différents selon les directions. La Direction des finances publiques (DGFIP)  et la Direction des Douanes (DGDDI) sont restées majoritairement en présentiel, notamment dans les services déconcentrés, l'INSEE, la Direction des grandes entreprises (DGE) et la Direction du budget (DB) majoritairement en distanciel, ce que nous avons dénoncé à maintes reprises lors des audioconférences de crise.

 

Notre fédération a pointé les résultats à la DGCCRF (concurrence, consommation et répression des fraudes), qui sont nettement en deçà des autres directions. Ce décalage est clairement dû à l'interministérialité et aux difficultés de gestion entre la direction générale et les préfectures.

 

Nous ne pouvons que partager la vision mitigée des agents sur le télétravail durant la crise, entre difficultés et évolution managériale. Dans les prochains mois, les agents attendent plus d'écoute, d'empathie et un management basé sur la confiance et la transparence.

 

Inversion de tendance sur la satisfaction
 

Depuis la mise en place de la REATE (voilà maintenant plus de dix ans) et des différentes réformes de l'action publique, les agents ont une perception négative de l'évolution de leur direction. Cette année, on note un fort recul des perceptions critiques sur l’ensemble des directions MEFR 61 % (en 2019 : 80 %) mais elle reste majoritairement négative dans les réseaux : DGFIP 65 %, DGDDI 69 % et CCRF 63 %. De la même façon, l'adhésion aux changements est plus forte dans les directions de Centrale et de l’INSEE mais reste très faible à la DGDDI : 16 % et à la DGFIP.

 

Certains résultats pourraient laisser penser que, de façon globale, les agents se sentent plus satisfaits, plus motivés et plus optimistes. Ce constat doit rapidement être relativisé : depuis 2017, c'est la première année que la tendance s'inverse et le contexte était très particulier. Effectivement, il fait plutôt mieux vivre au Ministère des Finances que dans le privé : pas de chômage partiel et pas de risque de licenciement, par exemple.


De même, la baisse du résultat sur d'éventuels risques de conflits sociaux peut s’expliquer par le contexte sanitaire. En janvier dernier, il était difficile d'envisager des actions ou des grèves. Un résultat à mettre en parallèle avec celui de l'enquête précédente réalisée au cœur du conflit lié à la réforme des retraites.
 

Pour nous, le contexte a mené les agents à relativiser leur situation mais ne marque absolument pas une adhésion aux réformes en cours.

 

Engagement

 

75 % des agents sont satisfaits de travailler au ministère mais seulement 29 % sont optimistes sur leur avenir (71 % FPE). Clairement, ce deuxième point est lié à la perception négative des réformes en cours et de leurs conséquences individuelles : mobilité géographique, fonctionnelle, charge de travail etc. Pour illustration, les résultats à la DGFIP et à la DGDDI, fortement touchés par les restructurations, sont en dessous de cette moyenne.

 

La motivation dans le travail augmente notamment dans les directions fortement mobilisées durant la crise sanitaire, le sentiment d'utilité sociale des services est valorisant. Une nouvelle fois, cela démontre la conscience professionnelle des agents qui ont fait leur maximum pour assurer des missions essentielles pour la population et la société.

 

Sur les questions engagement et d'environnement, les taux à 85 % et 90 % marquent l'intérêt des agents pour ces sujets ; c'est d'ailleurs la première fois que ce thème est abordé. Ce résultat est toutefois à nuancer par la formulation de la question qui ne prêtait guère au choix de la réponse.

 

Espérons que l'administration va répondre aux attentes, par la mise en place d'actions concrètes ne se limitant pas au petit monde de Bercy intra-muros.

 

Thématiques d'action

 

  • Vision

Sur la communication, les intranets directionnels ont connu une forte progression dans l'information distillée aux agents, qui s’expliquent largement par la généralisation du télétravail. Les agents ont eu un accès facilité pour trouver de l’information et, bien souvent, n'ont eu que ce lien avec le collectif de travail.
 

Les organisations syndicales demeurent l'un des principaux vecteurs d'information malgré les difficultés liées à l'éloignement des agents et aux obstacles posés par les directions pour organiser des réunions syndicales en visio, des visites de service ou des distributions de tracts.

 

  • Efficacité opérationnelle

Ce point progresse dans toutes les directions avec une amélioration du fonctionnement pour délivrer un service de bonne qualité aux usagers.

 

Le télétravail a connu une explosion au quotidien même s’il s'apparentait souvent à un travail confiné. Cette contrainte a permis une progression des outils numériques et du taux d'équipement en portable. Mais il reste des attentes sur des outils collaboratifs adéquats et adaptés au travail nomade (49 %).

 

Sur ce dernier point, notons les résultats en deçà de la moyenne à la DGDDI (certainement en raison de l'impossibilité pour les agents de la surveillance d'avoir accès à ce mode de travail) et des agents de catégorie C. Ces deux populations ont pu se sentir exclus du télétravail.

 

Sur la collaboration entre services ou structures, le chiffre des enquêteurs de l’INSEE est très inférieur (35 %) à la moyenne du ministère : 64 %, idem pour le réseau de la DGCCRF. Dans les deux cas, il y a clairement un ressentiment d’exclusion de ces agents dans leur direction.

 

  • Conditions de travail

Le stress au travail a légèrement baissé et se rapproche de la moyenne dans la fonction publique d’État. Les chiffres les plus mauvais sont à la DGFIP : 6,3/10 et sur l’ensemble des catégories A+ et A encadrant à 6,8. Ce point est à relier aux résultats indiquant une hausse de leur charge de travail, liée à la gestion de la crise et le management des équipes en télétravail.
 

L’inclusion des nouveaux agents est satisfaisante pour 78 % des répondants, avec un léger décrochage à la DGE et à la DGCCRF. On peut relier ce phénomène à leur contexte de travail, avec plus d'interministérialité et des postes plus disséminés.
 

Le sentiment de discrimination reste stable à 12 % et les causes les plus citées sont les mêmes que les enquêtes précédentes : temps partiel, état de santé, sexe, âge et appartenance syndicale.
 

Les agents définissent deux axes d'amélioration pour leurs conditions de travail :

  1. le numérique et la modernisation des outils,
  2. et un changement managérial : plus d'écoute, plus d'empathie et plus de proximité.

 

  • Développement de l'agent

Sans surprise, les résultats sur la satisfaction des possibilités de formation continuent de se dégrader : - 6 points. La baisse est constante depuis 2017 et ne peut donc s'expliquer sur les seules conséquences de la crise sanitaire.

 

Avant même la suppression des CAP promotions, les agents font preuve de défiance par rapport aux critères de promotion, qu’ils jugent opaques et sans lien avec leurs mérites. Ils pointent également le manque d'information et d'accompagnement. Cette méfiance est plus marquée à la DGDDI et à la DGFIP ainsi que pour les agents de catégorie B et C.

 

La mise en place des lignes directrices de gestion (LDG) ne pourra que faire empirer ce ressenti, puisque les promotions et avancements seront le fait d'un « comité théodule » ou, au final, le fait du directeur. Les principaux obstacles à la promotion sont le manque de postes et la mobilité géographique. Notre fédération a une nouvelle fois revendiqué la fin des mobilités géographiques imposées pour le passage de C en B. Cette disposition pénalise les agents, notamment les femmes et les agents chargés de famille.

 

L'amélioration sensible des résultats de cette enquête semble corrélée aux conséquences de la crise, qui malgré son côté anxiogène, ont plutôt été bien gérés par le ministère, du moins sur l'aspect relatif à la sécurité des agents.

 

Par ailleurs, la généralisation du télétravail et l'éloignement du collectif de travail ont lissé les forts sentiments de colère et de mal-être exprimés par les agents en 2019 sur les réformes directionnels en cours et leurs conditions de travail, sans oublier la réforme des retraites de l'époque. Ils risquent néanmoins de revenir et d'être accentués au retour dans les services, surtout que les réformes se sont poursuivies et pour certaines s'accélèrent. En outre, la généralisation du télétravail met une forte attente en avant sur les aspects numériques.

 

En fait, au-delà de l'équipement, d'autres sujets font jour : les conditions de travail en lien avec le CHSCTM, les pratiques managériales en lien avec la formation des agents et des encadrants et, bien sûr, la nécessité d'instaurer une indemnisation des frais pour les télétravailleurs.

 

Force est de constater que la perception globalement négative apportée par le personnel sur la situation individuelle et les perspectives d’avenir. Les possibilités d'avancement et de promotions réduites constituent un sujet de crispation majeure. La progression d’un point du taux d’avancement pour certains grades des catégories C et B est loin de répondre aux attentes exprimées.

 

Si cette dernière vague paraît comme une rupture par rapport aux résultats des années précédentes, la spécificité de la période en est le critère majeur et sans réponse aux inquiétudes du personnel sur les réformes en cours et aux attentes pour la carrière et le pouvoir d'achat, la cuvée 2021 risque de fortement ressembler à celles que nous avons connues précédemment. D'où la nécessité et l'urgence du retour d'un véritable dialogue social constructif à tous les niveaux de Bercy.

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