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27 / 11 / 2020 | 38 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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Les services publics et l’ÉSS font face pendant que d’autres s’empêtrent dans la confusion

Le nouveau confinement se déroule dans la plus grande confusion et laisse les citoyens assez désemparés. Les pas de deux sur l’ouverture des commerces et de la nature, de ceux qui doivent ou ne doivent pas ouvrir, les discours contradictoires tant au sein du gouvernement que du MEDEF sur le télétravail et le couac entre le porte-parole du gouvernement et le Premier Ministre sur le cumul confinement-couvre-feu s’ajoutent aux raisonnables incertitudes (voire aux polémiques) désastreuses, au sein de la communauté des épidémiologistes et infectiologues.

 

L’impréparation reprochée au gouvernement en mars lors de la première vague est incompréhensible pour beaucoup lors de la seconde. Un adage oriental dit : « La deuxième fois que l’âne te botte, c’est toi l’âne ».

 

Six mois plus tard, l’hôpital public semble toujours aussi déstructuré et ne tenir que par l’engagement admirable de ses communautés professionnelles. Que doit-on penser après les discours et le Ségur de la santé, du prochain PLFSS et des cartes des suppressions programmées de lits voire d’établissements entiers ?

 

Dans sa sortie d'avril, qui l'avait soumis à sanction, avec un temps d'avance, Christophe Lannelongue, directeur de l’ARS Grand-Est, ne faisait que souligner la logique de ce qui est pudiquement qualifié de « modernisation » de l’hospitalisation publique et qui a causé plusieurs mois de grève en 2019.

 

Pourtant, on en a parlé, de ce « jour d’après », et beaucoup ont sincèrement cru qu’il serait la nouvelle version des « lendemains qui chantent ».

 

Des aspirations à plus de participation citoyenne et à plus de démocratie (y compris de « démocratie sanitaire ») se sont manifestées. La République de l’économie sociale et solidaire que Jérôme Saddier doit présenter ces jours-ci, en tant que président d’ESS-France, participe de ces aspirations.

 

Aux côtés de ceux qui résistent au sein des services publics dévastés (en premier lieu à l’hôpital), beaucoup d’acteurs de l’ÉSS travaillent à une transformation démocratique, sociale et écologique. Mais bien des citoyens ont aussi connu (et poursuivent) leur premier engagement dans des initiatives de solidarités, formalisées ou non, pendant la crise actuelle. Ainsi, au Secours Populaire, plusieurs milliers de jeunes sont venus renforcer les équipes, voire substituer les bénévoles tenus éloignés des actions, par leur âge ou leur état de santé.

 

Dans Les Tribunes de la santé (revue de la chaire de santé de Sciences Po), j'ai récemment lu un article très intéressant sur la « démocratie sanitaire », reprenant l’histoire et l’actualité des associations de patients et des institutions publiques, comme le CISS devenu France Assos Santé. Intitulé « La démocratie sanitaire : une réponse néo-corporatiste française à la demande de participation », on y voit, sur fond de crises (notamment l'épidémie de SIDA) l’ouverture progressive des instances publiques en charges de la santé, les tensions que cette ouverture provoque avec les acteurs plus traditionnels (comme les syndicats) et les tentatives de certains grands industriels intervenant dans la santé de s’inviter à la table des associations, chargés de cadeaux. L’auteur de cette étude, Valérie Chigot, médecin radiologue, exerce par ailleurs au sein de la Coopérative de santé Richerand, à Paris, près du canal Saint-Martin. Rappelons qu’il s’agit du premier centre de santé en société coopérative d’intérêt collectif où salariés, usagers et autres parties prenantes portent ensemble un projet collectif ouvert sur la ville et sur l’innovation et la recherche.

 

Dans Le Monde diplomatique d’octobre, j'ai également lu un article plus contestable, sur les mutuelles qui seraient devenues « des assureurs comme les autres ». Les critiques de dérives assurantielles des mutuelles ces dernières années sont, pour une bonne part, pertinentes. Je n’ai pas manqué d’en formuler moi-même. Mais des erreurs sur l’histoire et une référence sans recul critique à la Sécu actuelle qui est si loin de la Sociale de Croizat, affaiblissent l’argument. Mais ce qui singularise le mutualisme pour beaucoup n'est pas mentionné, c’est-à-dire les services de soins et d’accompagnement mutualistes, ces milliers d’établissements, de dispensaires, cabinets dentaires, EPHAD, pharmacies et magasins d’optiques qui sont souvent les lieux de recours pour les plus fragiles et les plus éloignés desdits services. La mutualité est aussi un acteur collectif. Dans un débat de « La Fête de l’Humanité autrement » (repris dans Humanité Dimanche du 5 novembre), Éric Chenut (vice-président de la MGEN) souligne l’importance de renforcer la place des adhérents dans la vie de sa mutuelle face aux aspirations à une « démocratie sanitaire », pour assurer les tâches de prévention de santé ou plutôt de préparation de la santé, qui est aussi l'une des responsabilité de la mutualité.

 

Les militants et les établissements mutualistes peuplent le Journal d’une crise, publié par Thierry Beaudet en septembre, aux éditions de l’Aube. Avec sa sincérité, le président de la Fédération nationale de la mutualité française fait part de ses interrogations, de ses craintes et de ses espoirs. Ceux-ci sont avant tout dans l’engagement de tous ces gens qui croient encore au projet collectif du mutualisme.

 

Pour autant, face aux problèmes majeurs que la crise soulève et étouffe à la fois, la démocratie, les inégalités, la pauvreté, les acteurs de l’ÉSS (engagés dans la santé notamment) ne pourront pas faire l’économie d’un débat sur une refondation politique profonde et des changements de modèles, touchant aussi leurs structures.

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