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21 / 10 / 2020 | 303 vues
Didier Forno / Membre
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La reconnaissance du préjudice d’anxiété et son évolution

Historiquement, le préjudice d’anxiété était étroitement lié à l’amiante. En effet, de très nombreux salariés ont été exposés à l’amiante, sans équipement de protection. Des maladies graves et des décès en ont résulté.
 

À l’occasion de ce drame de l'« amiante », la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un préjudice d’anxiété pour les salariés, cette reconnaissance ouvrant droit à indemnisation pour les salariés ayant été exposés à l’amiante.
 

Pour la première fois, le droit reconnaissant qu’une inquiétude permanente peut mener à une grande souffrance, indépendante du mal en lui-même.
 

Les maladies professionnelles liées à l’amiante ont été inscrites sur les tableaux des maladies professionnelles et des systèmes d’indemnisation mis en place par l’État.
 

Toutefois, cette indemnisation étant limitée, des salariés « préretraite amiante » ont cherché à obtenir un complément d’indemnisation en mettant la responsabilité de l’employeur en cause, fondée sur une obligation de sécurité de l’employeur.
 

Longtemps, cette reconnaissance du préjudice d’anxiété n’a été possible que pour les salariés de l'« amiante », c’est-à-dire travaillant dans des établissements visés par un arrêté. Par exemple, les sous-traitants ayant été exposés à l’amiante ne pouvaient pas bénéficier d’une indemnisation. Cette législation particulièrement sévère était source d’inégalité entre travailleurs exposés à l’amiante.


C’est seulement en 2019 que la Cour de cassation a étendu le préjudice d’anxiété à tous les travailleurs de l’amiante. La Cour précisait : « il y a lieu d’admettre en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements visés par un arrêté ».
 

Cette évolution certes sensible de la jurisprudence ne concernait alors toujours que l’amiante. Or, de nombreux autres produits sont susceptibles de gravement nuire à la santé des salariés. Toujours en 2019, la Cour de cassation a rapidement étendu la possibilité de reconnaissance du préjudice d’anxiété à toute substance nocive ou toxique. Elle précise : « en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ».
 

Peut-on appliquer le même raisonnement au covid 19 ?
 

Le covid 19 a été inscrit sur le tableau des maladies professionnelles. Mais cette reconnaissance ne concerne que le personnel travaillant dans les milieux médicaux et tombé malade.
 

C’est donc pour les salariés ayant été exposés au covid 19 mais n’ayant pas été malades que le préjudice d’anxiété pourrait se concevoir. Cette démonstration semble toutefois très compliquée. Il faudrait d’abord que le salarié démontre qu’il a été spécifiquement exposé sur le lieu de travail. Problème : le virus est présent partout et pas seulement dans les entreprises… Ensuite, la durée d’anxiété potentielle semble particulièrement courte (la durée d’isolement n’est que de sept jours). Enfin, pour la plupart des malades du covid 19, les symptômes sont bénins.
 

La reconnaissance du préjudice d’anxiété pour le covid 19 semble donc peu probable…

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