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24 / 03 / 2016 | 426 vues
Fabien Brisard / Abonné
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Le CRAPS : un lieu de réflexion privilégié sur l'avenir de la protection sociale

Le CRAPS (club de réflexion sur l'avenir de la protection sociale) est désormais reconnu comme un lieu d'échanges, de réflexions et de propositions qui dépassent les clivages partisans. Entretien avec Fabien Brisard, le délégué général, pour faire le point sur le bilan à tirer de ses activités ces dernières années et les axes de réflexions prioritaires qu'il entend mener.
 
Il y a maintenant plus de cinq ans, vous avez été à l'initiative de la création du CRAPS. Que répondriez-vous à ceux qui pourraient dire un « think-tank » de plus ? Quelle est son originalité ?
 
Les « think-tanks » occupent indéniablement une place importante dans le débat public actuel. Ils sont à la fois de formidables laboratoires d’idées, faiseurs d’opinion, lanceurs d’alertes et de ce fait très largement relayés par les médias dans la sphère publique. À tel point qu’ils arrivent très régulièrement à inspirer les pouvoirs publics qui paradoxalement ne leur reconnaissent pas la place qu’ils occupent réellement dans la société, ne serait-ce que par un financement pour le moins très sélectif.
 
Le CRAPS, créé à l’initiative de son président Jean-Claude Mallet, est certes un « think-tank de plus » mais qui néanmoins présente des particularités fortes.
 
Reconnu d’intérêt général à caractère scientifique depuis février 2015, le CRAPS a connu en six ans d’activité une progression constante tant en nombre d’adhérents qu’en influence. Sa singularité est de traiter la protection sociale sous tous ses angles, de la santé à l’emploi, en passant par le financement, la politique familiale ou encore le logement social etc.

Le CRAPS ne s’apparente à aucune doctrine politique ou religieuse ; il est simplement indépendant de toute attache et a pour but de faire émerger un consensus face aux défis actuels et futurs. Dans un état d’esprit républicain, il souhaite consolider le pacte social né des ordonnances de 1945. Lieu de rencontres, lieu de dialogues, lieu de débats et d’expression, le CRAPS s’enorgueillit de pouvoir réunir en son sein personnalités et experts qui, après confrontations d’idées voire de thèses, enrichissent par des propositions concrètes les multiples suggestions entendues ici ou là.
 
Mieux, par ses recherches originales, le CRAPS oriente le débat lui-même. À titre d’exemple, il « milite » pour le développement de la télémédecine, véritable solution à la fois aux déserts médicaux et aux dérives budgétaires. Dans le même esprit, il a été l'un des pionniers dans l’absolue nécessité de régionaliser la partie « accompagnement des chômeurs » de Pôle Emploi, idée qui depuis a fait son chemin puisque reprise par bon nombre d’hommes politiques.
 
Le CRAPS ne revendique rien, il suggère, il propose. Certes avec passion… Mais pourrait-il en être autrement lorsqu’il s’agit de la protection sociale, de cette formidable invention qui veut que « l’Homme ne courbe plus l’échine » que l’ inter-générationnel soit source de progrès, d’union et non de conflit ?

Pour diffuser ses recherches et ses propositions, le CRAPS s’est doté d’un magazine trimestriel numérique, le CRAPSLOG, adressé à 3 000 décideurs aussi bien publics que privés, d’un site internet et est actif sur les réseaux sociaux, indispensables vecteurs du grand public qui, par essence, fait le lien entre spécialistes et « amateurs éclairés ».
 
S’appuyant sur des études, des sondages et plus encore sur différents ouvrages pédagogiques à l’image du Dictionnaire passionné de la protection sociale (publié en octobre 2015), le CRAPS, par son approche pluridisciplinaire, apporte des réponses concrètes aux problématiques économiques et sociales. Enfin, notre web-télé donne, vraisemblablement encore insuffisamment, la parole aux acteurs, jamais à la recherche du sensationnel mais toujours dans l’optique de souligner le travail considérable qu’ils réalisent au quotidien.
 
Comme le CRAPS a entre autres pour vocation de travailler pour les générations futures, notre réflexion se porte sur des vecteurs plus adaptés pour les plus jeunes, comme une BD ou un dessin animé actuellement à l’étude.
 
Sur un sujet aussi sensible et complexe que celui de la protection sociale, sur lequel émergent beaucoup d'idées reçues, partisanes et forcément « clivantes », quelle est justement l'approche et la démarche originale du CRAPS ?
 
Notre système social souffre en effet de caricatures mais aussi d’un manque certain de pédagogie. Comme vous le soulignez, il est complexe et regorge de subtilités. Réformer est indispensable. Un pays qui ne se réforme pas est un pays qui stagne. Il nous semble donc important que le législateur puisse expliquer les raisons de ces réformes, fasse preuve d’une démarche didactique que les médias généralistes soient également conscients de leur responsabilité en relayant cet effort pédagogique…
 
Il ne s’agit pas de s’inquiéter de la démographie médicale quand un drame survient ou du déficit abyssal de l’assurance chômage à l’aube des négociations paritaires. Il s’agit de prendre la problématique dans son ensemble, bien en amont, de la mettre en perspective étayée, pertinente et d’expliquer les choix pour pérenniser notre protection sociale. Avec humilité, obstination et sérieux, le CRAPS essaye d’apporter au débat l’expérience de ses adhérents (gens de terrain et de réflexion). Ainsi, nous retrouvons en son sein des personnalités d’horizons très différents, qui dans un climat convivial et chaleureux, débattent, dépassant les clivages politiques pouvant subsister car pour un sujet aussi primordial que celui-ci, les idées reçues et partisanes ne peuvent avoir leur place. Au demeurant, elles ne dépasseraient pas l’analyse purement technique.
 
La diversité du CRAPS est un élément fondamental de la richesse de ses travaux et c’est dans cet état d’esprit que notre « think-tank » collabore avec d’autres. C’est ainsi qu’une délégation du CRAPS a participé aux travaux réalisés par le GRAPH lors d’un colloque à Berlin sur la comparaison des systèmes hospitaliers allemand et français.
 
Forts de notre travail avec les différents conseillers sociaux d’ambassade à Paris, de notre
confrontation permanente entre notre système et de ceux qui prévalent en Europe, nous sommes désormais convaincus que notre savoir-faire peut s’exporter. C’est pourquoi, nous étudions à l’heure actuelle la possibilité de développer notre action au service des pays en recherche de système de protection sociale…
 
Avec quelques années de recul, quels enseignements tirez-vous des initiatives prises (évoquez les plus significatives) et des partenariats tissés ?
 
Notre « think-tank » a organisé de nombreux débats depuis 2009, ainsi des personnalités prestigieuses telles que Gérard Larcher (président du Sénat), Michel Yahiel (conseiller social du Président de la République), Xavier Bertrand (président de la région Hauts-de-France), Alain Rousset (président de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes) pour la sphère politique mais aussi Bertrand Martinot (économiste), Hervé Chapron (ancien directeur général adjoint de Pôle Emploi), Jean-Paul Ortiz (président de la CSMF), Jacques Feytis (ancien DRH du Ministère de la Défense) pour les spécialistes, tous ayant été invités à « plancher » devant nos adhérents et à répondre aux très nombreuses questions que leurs interventions ont suscitées.
Privilégiant les travaux collaboratifs, le CRAPS a eu également à cœur de travailler en partenariat avec des structures telles que la Fondation Charles de Gaulle pour les 70 ans des ordonnances de 1945 ou avec l’Alliance contre le tabac, présidée par l’ancienne ministre Michèle Delaunay.
 
Qu’il soit permis de mentionner nos partenaires, sans lesquels rien n’aurait été possible.
 
L’aventure que nous vivons, pour être passionnante, n’aurait pas pu se développer sans leur soutien actif tant humain que financier. Comme nous, ils sont persuadés que notre démocratie ne se renforcera que par le dialogue social. Comme nous, ils ont la conviction que la protection sociale est une idée d’avenir comme le reprend notre base.
 
Agir n’est pas une option, c’est une nécessité à l’heure où les amortisseurs sociaux deviennent insuffisants face aux différents cancers de la société.
 
Vous venez de publier un dictionnaire original de la protection sociale. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?
 
À la fois historique, interdisciplinaire et prospectif, ce livre met le lecteur face à ses responsabilités de citoyen. Dictionnaire passionné (Les 500 mots de la protection sociale) rédigé par des acteurs de la protection sociale, traduit leur reconnaissance envers les pères fondateurs de ce système unique au monde mais aussi leurs incertitudes quant à sa pérennité au sein d’une société à la recherche de toujours plus de sécurité pour ses membres. Cet ouvrage, préfacé par le président du Sénat, Gérard Larcher, a été présenté le 13 octobre 2015, lors d’une cérémonie, parrainée par la Présidence de la République représentée par Michel Yahiel (conseiller social auprès du Président) et le président du Sénat.
 
Il est chapitré en 8 thèmes principaux (santé, emploi, financement, vieillissement, handicap, politique familiale, logement social et grandes figures, grands événements et grands concepts de la protection sociale), publié aux éditions Docis. Il est distribué dans les points de vente grand public (comme la FNAC) ou sur des sites de vente en ligne (comme Amazon).
 
Cette passion est le véritable moteur de notre « think-thank ». L’avenir de la protection sociale ne s’écrira pas en faisant table rase du passé. À n’en pas douter, il le prendra en compte pour mieux le dépasser, pour le revisiter dans le cadre d’une économie « ubérisée ». Contrairement à certains, le CRAPS croit encore au programme du CNR, aux états généraux de 1945…
 
Mais tout héritage, pour le converser et donc en bénéficier, doit être adapté au temps. Aucun patrimoine n’est sui generis perenne…
 
Les questions de santé et d’assurance-maladie sont souvent les parents pauvres dans les débats politiques et électoraux. Qu'en pensez-vous ? Comment voyez-vous les choses ?
 
Ces questions sont insuffisamment traitées au regard des enjeux pour nos citoyens. Ou alors elles le sont superficiellement. Néanmoins, beaucoup de personnalités politiques sont sensibles à ces questions et les traitent avec beaucoup de clairvoyance. Remarquons néanmoins qu’elles sont trop peu remises en question par les médias généralistes, paradoxalement que par les médias spécialistes qui réalisent un travail de fond remarquable.
 
Ce sujet ne passionne malheureusement pas l’auditoire et est le parent pauvre des débats télévisés, particulièrement lors des précédents débats des élections présidentielles. La santé n’est traitée qu’en termes de dépenses, négativement, en termes de bien-être alors qu’elle est pourtant un bien considérable pour chaque citoyen français.
 
À une époque de chômage de masse, elle génère généralement avec l’hôpital public un grand nombre d’emplois. Ainsi, dans certaines villes, il est l’employeur le plus important, le lien indéfectible avec l’individu qui généralement y naît et y finit sa vie.
 
Pourtant, de grands défis se présentent à nous. Des solutions à la fois radicales et acceptables se présentent pour la population, telles que la télé-médecine qui propulsera la médecine et le patient vers un changement de paradigme, qui redéfinira le travail des para-médicaux et plus généralement toute la chaîne de soins.
 
La santé est un secteur en pleine mutation et l’on peut évidemment s’étonner qu’un secteur qui représente pour le régime général rien que 46 millions d’assurés et environ 420 milliards d’euros de dépenses ne soit pas plus générateur de débats politiques.
 
À ce stade des activités, finalement plutôt denses, déjà développées par le CRAPS, quels sont les objectifs à court et moyen termes ?
 
À court terme, le CRAPS compte publier à partir de septembre 2016 des cahiers qui mettront en perspectives des propositions rationnelles, comme nous l’avions fait en 2012.

Ces propositions auront pour but d’animer le débat des élections présidentielles et législatives. Il ne s’agit pas de donner des leçons ou des bons points mais seulement de proposer des solutions simples, souvent peu coûteuses qui amélioreront et consolideront le pacte républicain.
 
Ainsi, l’ensemble des sujets sera traité par les membres ainsi que les partenaires du CRAPS.
 
Après plusieurs sollicitations, le CRAPS souhaite travailler, à plus long terme, sur la création ou l’amélioration de modèles de protection sociale, notamment sur le continent africain (Maroc, Tunisie etc.).
 
Ce projet consiste à travailler durablement avec différents territoires qui de facto
entretiennent des liens économiques et politiques étroits avec la France, étant persuadé qu’une protection sociale répondant aux problèmes de la santé ou de vieillissement, d’une population en général sera favorable à la situation politique des territoires en question et peut être un facteur déterminant de stabilité et de paix. Les fondations de ce système ne peuvent se créer du jour au lendemain.
 
Néanmoins, plusieurs amortisseurs sociaux dont les outils liés à l’évolution des
technologies numériques peuvent être mis en place avec l’appui de nos partenaires pour favoriser son intégration globale dans un processus qui appartient à chaque territoire.
Nous souhaitons également créer un rassemblement international des « think-tanks », consacré à la protection sociale afin d’échanger sur les dernières innovations pouvant être des facteurs enrichissants pour chaque pays.

Au-delà de dynamiser l’action collective de notre « think-tank », de consolider sa représentation, de créer plusieurs emplois et servir l’intérêt général, le but premier du CRAPS est à la fois de stimuler le débat public et de mettre au service des populations les plus défavorisées son savoir-faire et ainsi apporter une réponse ayant pour principes premiers la solidarité, l’égalité et la fraternité.


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