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08 / 07 / 2015 | 29 vues
Martine Thuillier / Membre
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L'égalité entre hommes et femmes dans l'entreprise : des avancées qui restent timides et fragiles...

Depuis 2012, l’égalité professionnelle a été remise à l’ordre du jour du champ de la négociation collective. Cette obligation existait des plusieurs années mais n’est devenue réellement effective qu’à compter de l’instauration de la sanction prévue par le décret du 18 décembre 2012. En effet, ce décret renforce les obligations des entreprises d’au moins 50 salariés qui doivent, depuis le 1er janvier 2012, négocier un accord collectif ou à défaut, adopter un plan d’action sur ce thème sous peine d’être sanctionnées par une pénalité financière.

Cette modification de la réglementation a entraîné une grande mobilisation de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux sur la question de l’égalité professionnelle. Diverses initiatives gouvernementales ont affiché la volonté de soutien et d’incitation à l’égalité professionnelle qui ont conduit à un essor de la négociation collective en matière d’égalité professionnelle.

La proportion d’entreprises couvertes par un accord d’entreprise a progressé de 20 points en un an . Au 15 novembre 2014, 36,5 % des entreprises de plus de 50 salariés, assujetties à cette obligation, avaient transmis aux services de l’État leurs accords d’entreprise ou leurs plans d’action, contre 15, 8 % en janvier 2013 et 27,1 en janvier 2014. Parmi les entreprises de plus de 1 000 salariés, 79,1 % des entreprises étaient couvertes. Cette progression a mis en évidence l’efficacité du décret du 18 décembre 2012. Les entreprises mises en demeure avaient en majorité régularisé leur situation rapidement ; seules 45 d’entre elles avaient été sanctionnées pour non-respect de leurs obligations.

Une nouvelle impulsion à l’égalité professionnelle a été donnée par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre hommes et femmes. L’entreprise reste un élément essentiel de cette loi qui touche à la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle, au contenu des rapports de situation comparée des hommes et des femmes dans l’entreprise et ouvre de nouveaux droits aux salariés.

Cette loi s’inscrit dans l’évolution du cadre juridique de l’égalité professionnelle. Elle s’inscrit dans la continuité de toute une série de lois qui ont joué un rôle important pour faire progresser l’égalité entre hommes et femmes.

Parmi elles, la loi du 22 décembre 1972 a posé le principe de l’égalité de rémunération également visé dans la directive européenne 79/117 du 10 février 1975. La directive du 9 février 1976 a institué l’égalité de traitement. Ultérieurement, la loi du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes a amélioré le dispositif en matière d’égalité des droits et a aussi introduit un principe de non-discrimination entre les sexes en matière de recrutement, promotion, rémunération, formation, qualification et classification et a rendu possible l’application du principe d’égalité de rémunérations grâce à la notion de valeur égale du travail.

Cette loi a également fourni le cadre approprié au diagnostic des situations respectives des hommes et femmes en matière d’emploi par le biais du rapport de situation comparée sur les conditions générales d’emploi des hommes et femmes. Elle prévoyait déjà la possibilité pour les employeurs et les partenaires sociaux de négocier des plans d’égalité professionnelle au sein des entreprises mais n’avait pas permis l’évolution souhaitée.

2014 : simplification de la réglementation applicable

La loi n° 2014-873 du 4 août 2014, elle, apporte des améliorations au dispositif législatif tout en simplifiant la réglementation applicable.

Les deux négociations obligatoires concernant les objectifs d’égalité professionnelle et les écarts de rémunération entre les hommes et femmes qui existaient antérieurement dans le code du travail fusionnent en une seule portant sur « les objectifs d’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre ». Deux nouveaux thèmes sont en outre introduits : le déroulement des carrières et la mixité des métiers.

La négociation doit être engagée chaque année tant qu’un accord comportant les objectifs et mesures mentionnés ci-dessus n’a pas été conclu dans l’entreprise. L’obligation de négociation devient triennale en cas de conclusion d’un accord. La mise en œuvre de mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre hommes et femmes est suivie dans le cadre de la négociation obligatoire sur les salaires effectifs.

En l’absence d’accord, la négociation annuelle obligatoire sur les salaires devra porter également sur la définition et la programmation des mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de carrières entre hommes et femmes (article L 2242-5 du code du travail et article L 2242-7 du code du travail.)

Nouvelle sanction

La loi instaure une nouvelle sanction à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas la réglementation. Jusqu’alors, elles encouraient une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale. Elles encourent désormais l’interdiction de sous-missionner à un marché public ou à une convention de partenariat privé-public qui s’appliquera aux entreprises qui n’ont pas procédé à cette négociation et qui n’ont pas régularisé leur situation. Cette interdiction s’appliquera également aux entreprises en cas de condamnation pour le délit de discrimination ou encore pour violation des dispositions en matière d’égalité professionnelle.

Rapport de situation comparée (RCS)

La négociation s’appuie sur le rapport de situation comparée (RCS) des conditions d’emploi et de formation des hommes et femmes, complété par les indicateurs contenus dans la base de données économiques et sociales mentionnées à l’article L2323-7-2 du code du travail et par toute information qui paraît utile aux négociateurs. Ce rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formations des hommes et femmes » doit être tenu à la disposition de l’inspecteur du travailleur, accompagné de l’avis du comité d’entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion (L 432-2-1 al 3 du code du travail). Sur ce point la réglementation n’a pas été modifiée. En revanche, le contenu de ce rapport est modifié. Il doit également porter sur la sécurité et la santé des hommes et femmes dans l’entreprise.

En outre, il convient d’ajouter qu’auparavant ce rapport ne comportait que des données chiffrées ; la nouveauté réside également dans le fait que l’employeur doit procéder à une analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière entre hommes et femmes en fonction de leur âge, de leur qualification et de leur ancienneté et décrire l’évolution de leurs taux de promotions respectifs par métiers (article L 2323-47 et L 2323-57 du code du travail, issus de l’article 19 de la loi du 4 août 2014 ).

La négociation quinquennale de branche sur les classifications est également visée par la loi. L’objectif d’égalité professionnelle et de mixité des emplois devra être pris en compte dans cette négociation.

La loi innove sur de nombreux points et confère de nouveaux droits aux salariés.

La loi innove sur d’autres aspects, comme l’évaluation des risques professionnels. Désormais, l’évaluation des risques doit tenir compte de l'effet différencié de l’exposition aux risques en fonction du sexe. De nouvelles actions, comme celles visant à la promotion de la mixité ou encore la lutte contre les stéréotypes, font désormais parties des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle.

Parmi les droits nouveaux accordés aux salariés, soulignons que désormais les salariés qui concluent un pacte de solidarité bénéficient des même droits que les salariés qui se marient et se voient accorder un congé de quatre jours. D’autres possibilités ont offertes comme le droit d’utiliser le compte épargne temps pour financer des prestations de service à la personne ou encore de bénéficier d’un congé parental d’éducation prolongé.

La loi du 4 août 2014 apporte de nouvelles avancées sur le champ de l’égalité professionnelle qui ne semblent pas définitives.

En effet, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi a tenté de remettre en cause ses avancées. Toutefois, Marisol Touraine, François Rebsamen et Pascale Boistard ont réaffirmé, dans un communiqué le 11 mai 2015, l’engagement du gouvernement en faveur des droits des femmes. « La transmission de toutes les informations qui existent aujourd’hui dans le rapport de situation comparée entre hommes et femmes (RCS) remis au comité d’entreprise demeurera obligatoire. Elles doivent être intégrées à la base de données unique, disponible en permanence, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux qui sont à l’origine de cette base de données unique. Il n’y a donc aucune perte d’information par rapport à la situation actuelle », ont souligné les ministres.

Le projet de loi Rebsamen est toujours en cours de discussion. S’il ne revient pas sur le rapport de situation comparée, il devrait toutefois comporter plusieurs nouveaux amendements sur l’égalité professionnelle. La réglementation n’apparaît donc pas intangible et pourrait à nouveau évoluer...

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