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15 / 06 / 2015 | 16 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
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Les représentants du personnel sont-ils protégés des risques psychosociaux ?

Le Centre Études & Prospective (CEP) et Secafi, deux structures du groupe Alpha, qui réunissentdes chercheurs et experts auprès des CHSCT, viennent de publier les résultats d’une enquête menée auprès de 3 800 représentants du personnel, rendant compte des spécificités de leur exposition aux risques psychosociaux. Revue de détail avec Mathieu Malaquin, du CEP, et avec Élodie Montreuil, de Secafi.

Secafi Groupe ALPHA CEP RPS des IRP 

Vous avez présenté en avant-première les résultats de votre enquête lors d’une journée d’études, organisée le 8 juin dernier par Secafi et l’Institut régional du travail, à Marseille. Quels sont les premiers constats ?

Élodie Montreuil : Plus de la moitié des représentants du personnel interrogés déclare ressentir au moins un symptôme ayant un lien probable avec le mandat et être en situation de stress décompensé, à savoir une situation dans laquelle les troubles liés au stress ne sont plus compensés et ont, par conséquent, un effet sur la santé des personnes concernées. Parmi les symptômes ressentis, il faut noter la part importante des troubles du sommeil (à hauteur de 55 %), la sensation de mal-être (qui s’élève à 38 %) ou encore la fatigue, qu’elle soit persistante tout au long de la journée ou au réveil (pour respectivement 36 et 37 % des personnes interrogées).

Mathieu Malaquin : Ajoutons que 18 % des répondants déclarent avoir été en arrêt maladie en lien avec l’exercice de leur mandat. Mais au-delà de cette mesure de l’effet sur la santé, notre étude nous a permis d’identifier les facteurs expliquant cette exposition des représentants du personnel aux risques psychosociaux. Notre analyse montre qu’il y a bien des facteurs spécifiques d’exposition aux risques psychosociaux chez les mandatés.

Ainsi, parmi les facteurs expliquant le stress décompensé, on peut notamment noter quatre faits particulièrement significatifs pour cette population : ne pas réussir à prendre de la distance face aux problèmes confiés par les salariés, ne pas avoir les moyens d’exercer son mandat, avoir des relations très insatisfaisantes avec la direction ou encore éprouver son mandat comme un frein pour son évolution professionnelle. À l’inverse, certains facteurs permettent de protéger les représentants du personnel des risques psychosociaux : les formations syndicales, le fait de bénéficier d’un accord de droit syndical dans son entreprise et le fait d’être soutenu par les unions syndicales.

Élodie Montreuil : Notre analyse ne fait pas ressortir de caractéristiques sociodémographiques ou profils-types protégeant du stress ou, au contraire, exposant au stress, comme, par exemple, l’âge, l’organisation syndicale, la taille ou le secteur de l’entreprise, à l’exception d’une seule : le genre. Les représentantes du personnel sont très nettement surexposées au regard de leurs collègues masculins.

Vous avez présenté ces résultats lors d’un colloque, organisé en partenariat avec l’Institut régional du travail. Quelles ont été les réactions de la salle ?

Mathieu Malaquin : L’accueil a été bon et nous a confirmé que nous brisions un peu un tabou, en remettant en débat le « mythe du héros » qui colle à l’image des représentants du personnel et des syndicalistes. Ce héros sacrifié qui doit résister à tout… Ce colloque du 8 juin dernier a rassemblé plus de 200 participants, principalement des représentants du personnel. Lors de la présentation des résultats, que vous pouvez retrouver sur le site de Secafi, ainsi qu’une infographie spécialement créée pour l’événement, nous nous sommes rendu compte que nous avions permis d’objectiver un ressenti de leur pratique quotidienne…

Élodie Montreuil : … Qui s’est exprimé par un besoin très important des participants d’échanger sur ce sujet et, également, par de fortes attentes quant aux actions de prévention à mettre en place. Les débats lors de cette journée d’études ont été particulièrement riches et porteurs d’aspirations au changement. Ainsi, parmi les pistes débattues le 8 juin dernier et mises en avant par les différents intervenants, citons la formation syndicale, qui fait largement consensus. Lors du débat, ont également été évoqués la prise en compte de la dimension spécifique aux représentants du personnel dans le document unique d’évaluation des risques psychosociaux ou encore la redéfinition du danger grave et imminent au regard des RPS. Parler de la qualité de vie au travail des représentants du personnel, c’est parler de la qualité du dialogue social dans les entreprises, comme le dit explicitement le projet de loi Rebsamen, en débat à l’Assemblée en ce moment.

Quelles suites justement comptez-vous donner à cette initiative ?

Mathieu Malaquin : L’étude se poursuit, avec l’organisation de rencontres régionales (à l’image de celle de Marseille) et d’échanges avec tous les acteurs concernés afin de recueillir leurs réactions et d’amplifier les remontées de terrain. Nous souhaitons animer une recherche participative pour élaborer ensemble des propositions concrètes qui pourront constituer les bases d’un plan de prévention à destination des élus et des mandatés. À ce titre, le colloque de Marseille, avec un public aussi nombreux et aussi impliqué, constitue un terrain d’investigation inédit.

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