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11 / 09 / 2014 | 13 vues
Philippe Deslande / Membre
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La « gestion promotionnelle des emplois et des compétences » de Thales tourne à la « gestion aléatoire des emplois »

GPEC = gestion promotionnelle des emplois et des compétences ?

Que la GPEC dépende de l’anticipation issue des choix stratégiques de l’entreprise est une lapalissade et une autre de même calibre que les choix stratégiques de l’entreprise sont, de biais, cognitifs inévitables en pures manœuvres de carrière, de qualité variable.

Il existe des exemples de GPEC réussies. Cependant, on peut s’interroger dans certains cas sur la GPEC se rapprochant plus d’un exercice purement « politique » de promotion des dirigeants.

Anticiper une baisse d’activité réclame de la direction (mais aussi des représentants du personnel)  réalisme et courage. Il faut identifier tôt les problèmes, ce qui suppose de maîtriser de bons outils, notamment pour le suivi des charges de personnel. Il faut aussi accepter l’impossibilité de suffisamment réduire les risques et les conséquences, ce qui est moins porteur de promotion (ou de voix aux élections) que les situations à minima stables. Il faut de plus se préparer à une étape orageuse avec les représentants du personnel.

Bref, l’activité anticipée est préférentiellement présentée en stabilité ou croissance, que cela soit vrai ou non.

À prévision inadaptée, GPEC médiocre ; l’identification des compétences à acquérir prend le pas sur la cartographie de celles déjà présentes, l’activité élevée rend difficile les transferts de compétences par manque de temps allouable etc. Médiocrité regrettable mais généralement sans conséquences sérieuses si l’activité croît comme prévu.

Sans GPEC réaliste, la GAE a peu de chance de réussir

Si la croissance n’est pas au rendez-vous, la situation s’aggrave pour l’entreprise et surtout pour les salariés. En décroissance, une GPEC médiocre, en ne permettant pas une gestion raisonnée des mobilités nécessaires, accroît significativement le risque de rendre une GAE (gestion active de l'emploi) nécessaire. Chez Thales, une GAE est une restructuration ciblée d’une année au maximum, sur des périmètres de métier par exemple ou un site, avec de la mobilité externe et aussi des reclassements en interne, toujours sous la forme du volontariat. Une GAE qui devra, faute de temps se bâtir sur la visée établie par cette GPEC défectueuse avec tous les effets qui en découlent.

  1. Les départs ne s’effectueront pas en fonction des compétences (trop mal cartographiées pour cela) mais en fonction d’autres critères (l’âge, la charge instantanée etc..).
  2. La sous- activité et les départs en urgence ne permettront pas un transfert efficace des compétences clefs (identifiées trop tardivement et donc à un moment où l’activité pour appuyer ce transfert peut manquer).
  3. Les salariés seront peu enclins à prendre le risque supplémentaire d’une reconversion soudaine et express à laquelle ils n’ont pas été préparés par une vision claire de l’avenir de l'entreprise.

La GAE très handicapée par cette GPEC irréaliste devra, si un peu de chance ne s’en mêle pas, être réexaminée à mi-parcours. Avec un risque de commencer un cycle infernal : GAE peu adaptée faute de GPEC de qualité, donc accentuation de la sous-activité, donc aggravation de la GAE, qui reste toujours aussi inefficace faute de temps et de stabilité pour une bonne GPEC etc. Cercle vicieux qui peut se révéler dramatique pour l’entreprise et ses salariés, même s’il peut au départ tenter car politiquement « correct ».

Selon nous, le talon d’Achille de la GPEC est bien la prévision par la direction de l’entreprise.

Rétrospectivement extravagante

À partir de 2007, Thales Training & Simulation (TTS) a mis en place, sur le site de Cergy, une GPEC qui n’a au fond traité qu’un seul problème : faire face aux perspectives d’un développement spectaculaire (triplement ou plus de son activité!) en préparant le recrutement massif de salariés compétents en simulation.

Devant l’absence de formation dans ce domaine (très spécifique), la GPEC a financé à grands frais et forte publicité interne, mais le plus logiquement du monde, une formation « simulatoriste », en fait rien d'autre qu'une formation « d’homme du monde » (au mieux une vulgarisation) parfois excellente, de leur métier. Distrayante et agréable mais professionnellement et stratégiquement sans intérêt véritable. Pouvait-t-il d'ailleurs vraiment en être autrement, un métier ne s’apprenant généralement pas en 2 jours ?

Mise en œuvre dans le mutisme général

Bien que la réduction de l’activité ait été, dès 2007, plus que probable si la direction ne modifiait pas sa stratégie, rares étaient ceux qui n’étaient pas dupes de ces prévisions de croissance : « l’invention » de cette formation avaient participé à la création d'un point de non-retour collectif. La direction -(et certains représentants du personnel à l’époque) n’hésitant pas à accuser de « mauvais esprit » les représentants du personnel (toujours salariés de TTS aujourd’hui et élus CFTC) qui interpellaient la direction et s’interrogeaient publiquement sur l’intérêt de cette formation.

En 2008, la formation « simulatoriste » a donc été donnée en fanfare à la quasi-totalité du personnel de TTS (c’est-à-dire ceux qui en avait de toute évidence le moins besoin) et jusqu'à aujourd'hui qu’à lui seul. Les dirigeants de TTS, poussant la fierté jusqu’au bout, ont, prétendaient-ils, proposé cette formation à Thales Université qui, dit-on, l’a refusée.

Consolidation de l’erreur assez fréquente à l’époque, ils ont été promus dans d’autres entités de Thales de 2008 (départ du dirigeant principal) jusqu’en 2011 (départ de la DRH) et toujours dans le groupe. C’est-à-dire avant que l’activité ne se réduise trop visiblement. Ils n’avaient pas (encore ?) obtenu les résultats attendus au moment de leur promotion.

Une GAE très handicapée au retour sur terre

La direction n’ayant pas avant son départ, malgré les alertes renouvelées de la CFTC, modifiée sa stratégie, le prévisible s'est réalisé : les perspectives de développement s’évanouissant définitivement, une gestion active de l’emploi (GAE) est devenue inévitable en 2012 pour traiter le sureffectif devenu trop patent. Cela a été négocié en septembre 2013 pour une durée de deux ans. Une évolution finalement à 180° de la GPEC que la DRH avait préparée.

Comme quoi, si l'on a « la bonne éducation » d'être promu avant que les problèmes ne soient trop visibles, la GPEC peut effacement contribuer à présenter une bonne situation, bien utile dans ses aspects promotionnels.

La révision à mi-parcours de la GAE actuelle à TTS, inévitable étant donné ce qui vient d’être exposé, aura lieu en septembre. Le risque est grand et la CFTC sera sur ce point très vigilante, que la spirale d’aggravation (en augmentant les départs) soit la seule réponse proposée. Diminuant ainsi les chances de l’entreprise TTS et de ses salariés. Ou leur imposant d’autres dispositions plus drastiques.

Quant à la formation « simulatoriste », il n’en reste rien d’utilisable ; doit-on s’en réjouir ?

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