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30 / 09 / 2013 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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La responsabilisation éducative face à la formation - volet II

La formation tout au long de la vie au chevet de la société industrielle - volet II

La responsabilisation éducative face à la formation

Tous les indicateurs internationaux l’attestent : en 2013 en France, on apprend peu à l’école, on se forme mal en entreprise et on concentre la majeure partie des efforts sur une fraction de travailleurs (déjà très qualifiés).

« Au malheur d’être exploité peut succéder le malheur, pire encore, de n’être plus exploitable. » Pascal Bruckner


Alors que les économies avancées sont entrées depuis vingt ans dans le modèle postindustriel de la société de l’information, de la connaissance et des réseaux, notre pays peine à en tirer profit, il retarde sans cesse les changements sociaux, éducatifs et professionnels que nécessite la généralisation de la formation tout au long de la vie.

Jacques Attali expliquait à un colloque à l’UNESCO que la planète avait sans doute trop investi dans la santé et pas assez dans l’éducation depuis l’après-guerre. L’éducation permet non seulement de prévenir nombre de maladies ou de comportements à risque et permet aussi de limiter la natalité, mais elle offre également aux travailleurs une sécurisation qui permet d’anticiper les reconversions ou changements professionnels. L’État providence lui-même, État auquel les Français sont si attachés, ne peut se concevoir que si les citoyens deviennent acteurs de leur développement, engagés, responsables et responsabilisés sur leurs apprentissages.

Face à ce trésor qu’est l’éducation, les Français font souvent la fine bouche. Ont-ils compris qu’au XXIème siècle la seule vraie richesse importante et durable, le seul bagage utile et monnayable, était devenu leurs compétences, leurs connaissances et leurs capacités à rebondir professionnellement (on parle de résilience professionnelle) ?

Dans les prochaines années, les travailleurs pourront moins compter sur la société, leur entreprise ou les autres. Ils devront s’appuyer sur leur intelligence situationnelle, leur capacité à s’approprier les nouveaux besoins du travail (qui ne sont plus de simples compétences techniques) et sur leur capacité à s’adapter à un travail changeant et peu prédictible.

Le savoir et la connaissance devront être largement partagés car c’est désormais de leur diffusion que dépendra notre développement économique et social.

Alors que les pouvoirs publics souhaitent une nouvelle fois réformer la formation, il faut d’abord poser un regard lucide sur la situation des apprentissages et de l’éducation.

Une situation éducative devenue catastrophique

La France aime la geste législative (une loi pour chaque problème), elle aime imaginer de grandes réformes ou inventer de nouveaux concepts universels (les « Droit de l'Homme »  « l’homme éducable à tout âge » ou l’école laïque et gratuite) mais notre pays reste souvent conformiste et traditionnel dans ses pratiques quotidiennes. Il fige les situations, centralise à outrance, déresponsabilise le corps social ne ne faisant pas confiance (tout en confortant au passage les corporatismes ou les citadelles économiques).

Aujourd’hui, notre pays fait partie d’une économie mondialisée forte de 7 milliards d’humains, économie dont il est parfaitement impossible de se désolidariser (à moins de récréer une nouvelle Albanie communiste ou une autre Corée du Nord).

Dans cette économie mondialisée, les positions économiques et sociales des pays du Nord, des entreprises du Nord, des travailleurs du Nord, tout cela est remis en question. Les avantages que procuraient notre position géographique, notre passé prestigieux, notre culture ancestrale, tous ces avantages qui avaient permis la Renaissance puis la révolution industrielle ne nous exonèrent pas des efforts d’adaptation et de remise à niveau que la société de la connaissance implique.

On peut fabriquer des voitures depuis plus d’un siècle et risquer de ne pas terminer la décennie (Peugeot) mais aussi concevoir et produire des voitures depuis peu (la Corée du Sud ou les pays d’Europe de l’Est) et devenir un grand constructeur en quelques années. La culture ouvrière n’est plus fondamentale pour réussir à monter une usine. Avec une usine tournevis (parfois jetable en fin de cycle de production), on peut désormais produire à peu près n’importe quel bien dans n’importe quel pays.

Dans cette société de la connaissance, les idées neuves circulent très vite. Il y a une prime individuelle et collective à la vitesse, à la nouveauté, au nouveau venu (les pays comme les entreprises mais aussi les individus).

Pour les travailleurs en France, il en va de même. Les entreprises ont désormais besoin de travailleurs qui réfléchissent, qui prennent des décisions, qui soient motivés et mobilisés par leur travail (investis même parfois). L’ancien modèle du travail vécu comme une pénitence où l’on souffre et s’absente n’a plus cours. Le travail est rare, le travail devient fragile et si on ne le respecte pas, il peut disparaître très vite.

  • En matière de formation et d’éducation, notre pays est resté globalement sur le modèle de Jules Ferry. L’école est globalement conçue comme une gare de triage (ou une raffinerie) où l’on sélectionne une élite (de moins en moins populaire) en accompagnant a minima le reste des jeunes censés trouver leur salut dans la voie professionnelle. De plus, méfiante à l’égard des entreprises et du monde du travail, l’école s’est renfermée sur elle-même depuis une trentaine d’années.


Plus tard, au travail la formation professionnelle continue n’est pas non plus d’un grand secours : dépendant du court terme pour ses ressources (le fameux ROI et les contrôleurs de gestion qui auscultent la moindre des dépenses), les entreprises se sont fixées des objectifs très limités en matière de développement des compétences et de formation : dépenser leurs (maigres) cotisations pour accompagner et former les plus qualifiés tout en compatissant face aux malheurs des autres.

Ce système a pu fonctionner durant les Trente Glorieuses quand le fort développement de l’économie agissait comme un aspirateur social en permettant à chacun d’être tiré vers le haut, de progresser, même sans grands efforts éducatifs individuels ou collectifs.

De nos jours encore, la formation apporte rarement un meilleur salaire ou de meilleures conditions de travail. En revanche, elle devient inestimable par le fait qu’elle permet à chacun d’entre nous de maintenir son employabilité (l’employabilité n’est pas un vilain mot).

Nos concitoyens passent-ils assez de temps à se former ?

Jadis, quand nous étions une grande nation industrielle, l’essentiel de l’effort de formation et de qualification portait sur les 10 ou 15 premières années d’éducation initiale. Il s’agissait de « s’armer » le mieux possible durant l’enfance pour ensuite pouvoir mener une vie d’adulte et de travailleur satisfaisante. Le progrès d’alors consistait à rendre l’école obligatoire jusqu’à 14 ans ou jusqu’à 16 ans.

Cette focalisation sur les premières années d’éducation a mené à la situation paradoxale d’aujourd’hui (décrite dès la fin des années 1960 par Ivan Illitch) où des jeunes peuvent avoir été scolarisés durant 15 ou 20 ans mais ne pas savoir écrire, lire ou ne pas disposer des « soft skills » qui leur permettront de trouver leur place sociale et professionnelle (les qualités humaines et relationnelles notamment).

À suivre...

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