Participatif
ACCÈS PUBLIC
23 / 02 / 2012 | 35 vues
Franck Mikula / Membre
Articles : 34
Inscrit(e) le 22 / 04 / 2009

Air France : après le conflit

Le dialogue social n’est pas un dialogue entre égaux. Pour équilibrer la relation entre employeurs et salariés, la Constitution garantit aux salariés le droit de se mettre en grève afin de pouvoir négocier leurs conditions d’emploi et de rémunération. Un droit de grève entravé c’est une négociation déséquilibrée.

Malgré notre conflit lancé à l’appel de la totalité des syndicats de toutes les corporations de l’aérien, la proposition de loi visant à restreindre le droit de grève est toujours inscrite dans l’agenda du gouvernement et dans le calendrier parlementaire.

Il serait trop facile d’expliquer cet échec qui, nous l’espérons, n’est que temporaire par la faible mobilisation d’une partie des salariés.

En effet, il faut bien reconnaître qu’il est extrêmement difficile d’expliquer les dangers que fait courir pour le dialogue social et pour les futures négociations cette proposition de loi, lorsque chacun craint pour son avenir professionnel immédiat.

  • Durant ces 4 jours de conflit, les délégués de l’UNAC, présents sur les piquets de grève de 6h00 à 23h00, ont pu voir de nombreux collègues désorientés et perplexes devant ce mouvement social. Pour certains, le mouvement était mal compris ; pour d’autres, il tombait au mauvais moment, et pour d’autres encore la position du gouvernement était justifiée, car soutenue par une large majorité des Français…

  • Au bout du compte, quelles que soient les raisons des uns et des autres, le mouvement n’a été suivi que par une minorité du PNC.

Ce mouvement était justifié par le fait que la restriction du droit de grève voulue par le gouvernement va nous empêcher d’exercer une « menace » crédible avant et pendant les négociations. Car lorsqu’on diminue la menace, au bout du compte, on diminue la capacité de négociation des syndicats.

Dans le cas présent, les pilotes ont montré leur solidarité et leur détermination et c’est ce qui a permis au syndicat majoritaire représentant 75 % des pilotes de profiter de cette mobilisation pour, excusez-nous du gros mot : négocier !

En effet, parce que le rôle d’un syndicat consiste à négocier, les représentants AF des pilotes ont fait ce pour quoi ils ont été élus : ils ont utilisé le mouvement social pour avoir des discussions avec leur employeur.

Comme nous aurions aimé pouvoir faire la même chose si vous nous en aviez donné la possibilité en participant nombreux à ce mouvement !

  • Car il faut le savoir, la participation des différentes catégories professionnelles était scrutée et mesurée attentivement par la direction d’AF (comme par les directions des autres entreprises) pour savoir où se trouvait la partie « faible » du corps social. Disons-le clairement, maintenant ils ont leur réponse… Ce n’est pas chez les pilotes !

Ce qu’il faut bien comprendre, nous l’avons déjà écrit, mais redisons-le une fois encore : le dialogue social n’est pas un dialogue entre égaux. Ce n’est pas un simple débat d’experts, on peut le regretter, mais c’est comme ça. C’est à la fois un rapport de force et un travail d’experts.

Le dialogue n’existe pas s’il n’y a que le rapport de force, mais il n’existe pas non plus s’il n’y a que des techniciens. Il est fait de l’un et de l’autre. C’est une menace crédible qui pousse la partie la plus puissante, l’employeur, à écouter les représentants de la partie la plus faible, les syndicats.

Cette menace crédible n’est pas obligatoirement un préavis déposé avant chaque rencontre, on n’est pas obligé non plus de prendre la direction en otage ou de lui mettre un couteau sous la gorge à chaque réunion délégués/direction, mais lorsqu’ils exposent leurs revendications, les délégués doivent pouvoir compter sur une éventuelle capacité de mobilisation et la direction doit craindre cette éventuelle capacité de mobilisation.

En restreignant le droit de grève au prétexte d’un « encadrement » du droit de grève, le gouvernement veut en fait museler les syndicats, diminuer leur capacité de « nuisance » en passant sous silence qu’en fait cela allait diminuer la capacité à négocier les conditions d’emplois et de rémunération des salariés qu’ils représentent.

Le pouvoir de négociation des délégués, c’est vous qui l’avez et en particulier vous, les adhérents des syndicats. Vos délégués n’ont, dans l’absolu, aucun pouvoir personnel, ils ne sont écoutés que lorsqu’ils sont craints.

La proposition de loi Diard continue son petit bonhomme de chemin pour l’instant dans la procédure législative habituelle. Vos syndicats utilisent tous les moyens possibles pour forcer le gouvernement et les parlementaires à faire une négociation entre partenaires sociaux avant de légiférer. En effet, le Sénat et l’Assemblée nationale doivent normalement organiser une négociation pour les projets de loi et les propositions de loi, comme le prévoit l’article n° 1 du Code du Travail. Bizarrement, cette négociation n’a pas été organisée par le gouvernement.

L’UNAC s’est entouré d’un certain nombre d’experts de renom dans cette affaire qui dépasse nos compétences habituelles de délégués syndicaux et nous gardons l’espoir de faire repousser cette proposition de loi malgré le large soutien populaire des Français qui ne voient pas que progressivement entre les transports publics et le transport aérien, c’est une remise en cause globale du droit de grève qui se met en place, comme l’ont connu un certain nombre de pays, les États-Unis, par exemple, ou la Grande-Bretagne pendant les années Thatcher, et que cette atteinte au droit de grève s’étendra prochainement à tous les secteurs.

Il nous reste un certain nombre de cartes à jouer et de recours à utiliser. Prolonger le conflit pendant les vacances scolaires ne ferait que donner des arguments supplémentaires aux partisans de cette loi. Nous ne tomberons pas dans le piège, mais notre action continue.

Si nous parvenons à nos fins, ce sera grâce à la mobilisation de tous les membres du PNC qui ont bien voulu participer au dernier conflit. Chaque trentième de salaire sacrifié par ces membres du PNC est mesuré par les délégués de l’UNAC à sa juste valeur et ce sacrifice n’est pas effectué en vain.

L’UNAC saura valoriser cet investissement fait par chacun de ceux qui ont montré leur mobilisation lors du conflit du 6 au 9 février. Suite au prochain épisode.
Pas encore de commentaires