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10 / 10 / 2011 | 1 vue
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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La Fédération européenne des transports (ETF) mobilise les cheminots le 8 novembre 2011

Après des débats intenses et une étude appronfondie des travaux de la Commission et du Parlement européens depuis octobre 2010, les syndicats cheminots composant la fédération européenne des transports ont décidé une action de mobilisation le 8 novembre prochain.

Voici l'expression argumentée de l'ETF...


Les 15, 16 et 17 novembre 2011, les Députés européens débattront et voteront le projet de directive « refonte du premier paquet ferroviaire ».

Après une analyse détaillée de ce projet, la Fédération européenne des transports, qui rassemble des cheminots de 41 pays européens, a décidé d’organiser une journée d’action européenne le 8 novembre 2011, partout en Europe.

L’objectif de cette action européenne massive est de faire pression sur les débats parlementaires pour réorienter un texte qui ne vise qu’à donner un coup fatal aux entreprises historiques, à favoriser l’émergence d’entreprises extérieures au monde du transport ferroviaire et à remettre en cause les garanties collectives des cheminots des entreprises actuelles (publiques et privées). L’enjeu est très important. Le projet actuel, s’il était adopté, serait un formidable accélérateur d’une libéralisation qui montre depuis une décennie tous ses méfaits, y compris en termes de résultats.

Pour nous, cheminots, la sécurité est un réflexe ! Pour le personnel de l’infrastructure Le manque important d’investissements publics, le recours accentué aux partenariats publics-privés (où le risque financier est entièrement subi par la collectivité), la soif de bénéfices rapides des intervenants privés va accélérer la détérioration de la qualité du travail par l’allongement des visites et des parcours par exemple. Car l’entretien de la voie rentrera immanquablement dans le retour sur investissement pour les co-financeurs privés dans le cadre du P.P.P. L’histoire dramatique du chemin de fer britannique des années 1980 et 1990 est l’exemple flagrant de cette catastrophe en devenir.

L’intervention d’un unique opérateur privé sur une ligne ferroviaire peut provoquer une gestion à l’économie de l’entretien de l’infrastructure. La stimulation de la concurrence privée sur les seuls segments rentables va accentuer les difficultés financières des lignes jugées déficitaires et provoquer leur fermeture. C’est aussi la remise en cause définitive de « l’effet réseau » (préservation des lignes à plus faible trafic) qui est structurant pour le mode ferroviaire comparable à un corps humain et sa circulation sanguine. Pour le personnel du matériel (entretien), l’objectif de mettre à disposition les « services essentiels » (stations de carburants par exemple) pourra être étendu, dans les faits, à l’entretien courant ou accidentel des véhicules ferroviaires. Avec l’obligation de réaliser des interventions et réparations dans la seule optique du « moindre coût ».

L’injonction européenne de séparer complètement les ateliers de maintenance des entreprises ferroviaires sera lourde de conséquences, si elle était concrétisée. C’est la dernière étape avant la privatisation complète qui résultera de cette séparation. La recherche du coût le plus bas, élément essentiel pour développer des marges bénéficiaires pour les entreprises va accélérer l’utilisation de pièces détachées usagées, réutilisées à l’extrême limite de la fiabilité entrainant une prise de risque (soi-disant calculée) sur la sécurité.

Pour de nombreux cheminots chargés  de l’entretien du matériel, la situation actuelle est déjà très difficile. En matière de matériel roulant ferroviaire, aucun risque ne peut être tolérable car il en va de la vie des cheminots, des voyageurs et de tous les usagers du rail. Pour le personnel de la circulation élément intégrateur dans la fiabilité du système ferroviaire, les cheminots gérant la circulation des trains quotidiennement connaissent des difficultés croissantes liées à l’afflux de nouvelles entreprises sur le réseau souvent saturé. Ils doivent aussi gérer les priorités définies arbitrairement entre les différents types et sociétés de transports (voyageurs, fret, travaux sur le réseau). Cela provoque des dysfonctionnements dans la circulation et la colère légitime des usagers. La séparation complète exigée entre la circulation et les autres intervenants (infrastructure et transporteurs) a provoqué le délitement des solidarités professionnelles nécessaires qui  permettaient des solutions rapides en cas d’incidents. Tous les cheminots constatent des retards de circulation qui sont dû autant par la faiblesse d’investissements que par une évolution structurelle qui empêche les flexibilités naturelles permettant efficacité et sécurité inhérentes au transport ferroviaire. Pour le personnel des gares pour le projet de directive, l’heure est à la marchandisation complète de nos gares. Les cheminots constatent la privatisation rapide de nombreux espaces sur une grande superficie faisant peser un risque sur la qualité de l’accueil et le meilleur fonctionnement d’une gare. La grande diversité des entreprises ferroviaires ne va pas manquer d’aggraver la situation actuelle. Il sera difficile pour le personnel d’une entreprise ferroviaire de répondre aux questions de voyageurs utilisateurs de services d’une société concurrente. Même avec des obligations minimales détaillées, l’arrivée voulue et encouragée par le projet de directive d’une multitude de nouveaux opérateurs privés et publics ne manquera pas de provoquer des dysfonctionnements réels pour les cheminots concernés et les voyageurs. Ceux-ci connaissent déjà de nombreux problèmes liés à la diversification des modes de distribution souvent hermétiques les uns par rapport aux autres (vente en guichet, internet, téléphone). Ils connaîtront demain la diversité dans le principe européen du dogme de la « concurrence libre et non faussée » qui ne s’exercera que sur les voyages « rentables ». Ce sera le low-cost aérien appliqué au réseau ferroviaire, avec des trains aux horaires confirmés peu de temps avant le départ à l’image des charters aériens des années 1980. Une forte détérioration des conditions de travail du personnel des gares est probable dans ces conditions, si le projet était adopté en l’état.

Pour tous les cheminots, c’est la remise en cause des entreprises publiques actuelles par l’article 5 du projet (statut juridique, conditions contractuelles du personnel). C’est exactement ce qu'il s’est passé pour le secteur de l’énergie, de la poste et des télécommunications, avec immanquablement une hausse des tarifs pour les usagers et souvent des problèmes de qualité dans les services. Très hypocritement, cette limitation rend inopérant la liberté de faire grève par le biais d’une annexe traitant de la qualité du service (annexe 8 du projet). C’est la remise en cause de l’exercice du droit de grève. C’est le contrôle presque complet de la commission (instance bureaucratique de l’Union) sur les affaires ferroviaires nationales (article 60 du projet) qui, sous couvert d’une utilisation abusive de l’article 290 du traité européen de Lisbonne (actes délégués) entend réorganiser les entreprises historiques et encourager le secteur privé, dans tous les États, sans contrôle démocratique (par les élus européens et nationaux). C’est aussi la privatisation des réseaux ferroviaires financés par les citoyens européens par leurs impôts et taxes publics avec le recours devenus presque obligatoires devant le carcan du pacte de stabilité budgétaire par les partenariats publics-privés que certains pays connaissent bien avec l’octroi au secteur marchand des autoroutes payantes. Sous le prétexte de « l’équité concurrentielle », le secteur privé exige le démantèlement des grandes entreprises publiques ferroviaires dans certains pays et la poursuite de la libéralisation dans ceux qui ont vu leurs compagnies historiques éclatées en une multitudes de filiales par des montages type holding pour certains et des séparations complètes pour d’autres.

Mais rien n’est inéluctable. Les jeux ne sont pas faits. Les cheminots peuvent se faire entendre car ils connaissent tous leurs métiers mieux que d’autres qui ne portent d’intérêt à ce mode de transport que par la marge bénéficiaire potentielle. La Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) considère que ce projet de « refonte « et certains amendements proposés constituent un vrai danger pour les chemins de fer en Europe. Tous les cheminots doivent intervenir massivement au risque de voir leur savoir-faire méprisé et la remise en cause de la pérennité de l’outil ferroviaire ainsi que des garanties collectives des cheminots européens. Nous devons tous participer à toutes les actions qui auront lieu partout en Europe le 8 novembre 2011.

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