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08 / 03 / 2011 | 2 vues
Denis Andrieu / Membre
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L’avocat, un préventeur ?

En matière de santé, l’obligation de sécurité de résultat face à un risque connu ou susceptible d’être connu préoccupe le juriste.

Sa première démarche pourrait être de rechercher « la définition » légale de la santé. Elle n’existe pas et ce n’est pas la définition extraite du préambule de 1946 de la constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui nous sera d’un quelconque secours.

Je cite « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Le regard du médecin pourra être plus riche. Je reprendrai pour cela la définition donnée par Georges Canguilhem lors d’une conférence donnée en 1988.

  • « Je me porte bien dans la mesure où je suis capable de porter la responsabilité de mes actes, de porter des choses à l'existence, et de créer entre les choses des rapports qui n'existeraient pas sans moi ». (Écrits sur la médecine, Seuil 2010  p. 68).

Cette perspective guide aujourd’hui beaucoup de psychosociologues qui travaillent sur la question et appréhendent notamment les notions d’identité, de reconnaissance, de coopération, de sens du travail, de pouvoir d’agir.

  • Le juriste y trouvera la place du salarié comme sujet, acteur de l’exercice de son activité professionnelle. Cela le renverra à des concepts juridiques tels que le droit à l’information, le droit d’expression, le droit à la dignité, la loyauté mais aussi à l’adéquation du contrat à la volonté des parties et à la réalité et mesure de son exécution.

Alors comment agir pour prévenir ?

Il appartient au juriste à travers une double lecture de repérer l’ensemble des procédures et modes managériaux existants et d’analyser les absences insuffisances dévoiements comme les pratiques sécurisantes pour décrypter le niveau de risque dans l’entreprise.

La préoccupation est de détecter les situations ou facteurs pouvant laisser le salarié exposé à un risque.

Plus concrètement, il sera nécessaire de faire un lien entre contenu, sens du travail et droit à l’information. L’autonomie, le pouvoir d’agir, la coopération renvoient à la perception qu’a le salarié de sa capacité à faire face au travail.

  • Le fait de subir étant le plus souvent une source de stress, il faudra analyser les procédures mises en place pour mettre le salarié en capacité de faire.

Le lien entre pouvoir d’agir et droit à la santé prendra ici toute sa mesure.

L’élaboration des objectifs, leurs évaluations et le contrôle du travail devraient permettre de faire émerger un sentiment de fierté et reconnaissance. Le plus souvent l’effet est inverse. Il faudra analyser toutes les procédures de fixation de mesure et de contrôle du travail, mais aussi et surtout les modes de règlement des désaccords ou conflits.

  • La formation, la qualification et le parcours professionnel renvoie à l’obligation d’employabilité mais permet de valoriser l’idée de métier, de fierté, d’implication et de maitrise. L’ensemble des procédures y afférentes devra aussi être analysé.
  • La relation hiérarchique renvoie à la question de la reconnaissance, au conflit de logiques, à la loyauté, au respect des droits fondamentaux. Il faudra notamment étudier la gestion du disciplinaire, l’adéquation travail prescrit travail réel à travers les écrits, la gestion des évaluations.

Ce travail, rapidement présenté, permettra de cerner les manifestations de l’ensemble des facteurs de risques et par conséquent de mettre en place les corrections pour tenter de satisfaire à l’obligation de prévention primaire.

Si une telle démarche pourra faire présumer la loyauté de l’employeur en matière de prévention des risques, elle ne pourra faire cesser tous risques.

Alors comment gérer le risque dans le temps ?

Oui il n’est pas possible de faire disparaître tout stress, oui les injonctions contradictoires sont inhérentes aux contraintes du management et de la compétitivité de l’entreprise, oui des salariés ont des fragilités diverses et ont un rapport historique à l’entreprise qui les amène à réagir différemment, oui les collectifs de travail sont détruits par de multiples causes, oui les droits fondamentaux ne sont pas toujours respectés….

Les démarches à mettre en place sont variées et nécessitent le plus souvent l’appel à d’autres compétences pour permettre de restaurer l’échange, le respect, pour trouver comment faire.

Mais le travail juridique est encore présent.

  • La gestion de l’alerte pose des questions d’une rare difficulté aux enjeux multiformes. La détection du risque par la mise en place d’indicateurs, par la reconnaissance d’indices traite du risque susceptible d’être connu et justifie un encadrement formalisé.
  • La gestion de la plainte impose le respect du principe du contradictoire, parfois de la confidentialité et nécessite la mise en place de procédures avec les instances représentatives.

Voilà quelques observations pour réfléchir au rôle que doit avoir l’avocat au titre de la prévention des risques psychosociaux et pour acter que son analyse et sa construction de procédures qui respectent les droits et la dignité des parties a toute sa place dans une démarche de prévention.

La lecture des décisions judiciaires sur ces sujets montrent trop souvent les défaillances et l’absence d’anticipation. L’avocat peut être un préventeur du risque psychosocial. En agissant à sa source, il sera aussi par ces démarches un préventeur du risque judiciaire.   

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